Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 5 février 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.
Par une ordonnance n° 1904537 du 25 juillet 2019, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 août 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 25 juillet 2019 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision l'admettant au bénéfice de l'aide juridictionnelle devant le tribunal administratif a été notifiée à son conseil le 12 avril 2019 et n'est devenue définitive que le 12 juin 2019. Ainsi, sa demande devant le tribunal administratif n'était pas tardive.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante de Bosnie-Herzégovine, a fait l'objet, le 5 février 2019, de décisions par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination. Elle relève appel de l'ordonnance du 25 juillet 2019 par laquelle le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) et qui dispose du délai de départ volontaire (...) peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination (...) ". Le premier alinéa du paragraphe I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative rappelle le délai de trente jours prévu par les dispositions précitées. Enfin, aux termes de l'article R. 776-5 du code de justice administrative : " I. - Le délai de recours contentieux de trente jours mentionné à l'article R. 776-2 n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif (...) ".
3. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, (...) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ".
4. Aux termes de l'article 56 de ce décret : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. / Le délai du recours ouvert par le troisième alinéa de cet article au ministère public, (...) au bâtonnier (...) est de deux mois à compter du jour de la décision ".
5. Aux termes de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les décisions du bureau d'aide juridictionnelle (...) peuvent être déférées, selon le cas, (...) au président de la cour administrative d'appel (...) / Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé (...) / Dans tous les cas, ces recours peuvent être exercés par les autorités suivantes : (...) - le ministère public (...) ; - (...) le bâtonnier (...) ".
6. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.
7. Les décisions en litige ont été notifiées à Mme D... avec la mention des délais et des voies de recours. L'intéressée a sollicité, le 25 février 2019, le bénéfice de l'aide juridictionnelle en vue de les contester devant le tribunal administratif de Lyon. Le bénéfice de cette aide lui a été accordé par une décision du 22 mars 2019 qui désigne l'auxiliaire de justice chargé de l'assister. Si l'exemplaire de cette décision produit par l'avocat de Mme D... porte la mention : " Original délivré le 12 avril 2019 ", la date à laquelle cette décision a été notifiée à l'intéressée ne ressort pas des pièces du dossier. Dès lors, sa demande dirigée contre les décisions en litige, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2019, ne pouvait pas être regardée comme tardive. Par suite, en rejetant cette demande comme tardive et donc irrecevable, le premier juge a entaché son ordonnance d'irrégularité.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ladite ordonnance doit être annulée et il y a lieu de renvoyer Mme D... devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il soit statué sur sa demande.
9. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocate de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros qu'elle demande au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 25 juillet 2019 est annulée.
Article 2 : Mme D... est renvoyée devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Me C... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.
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N° 19LY03199