Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association française des oeuvres pontificales missionnaires (AFOPM) a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 février 2015 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de non opposition à son acceptation d'un legs consenti par M. B... C....
Par un jugement n° 1507701 du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mai et 6 juillet 2017, l'association française des oeuvres pontificales missionnaires (AFOPM), représentée par son président, et devant la cour par la SCP Matuchansky-Poupot-D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 mars 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 3 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de non opposition à l'acceptation du legs consenti par M. B... C... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est, au regard du cadre canonique de l'organisation de l'église catholique, une émanation du Saint-Siège, quelle que soit sa forme en droit civil français, et est de ce fait apte à recevoir les legs consentis à ce dernier ;
- par application de l'article 910 du code civil, les libéralités consenties au profit d'associations ayant la capacité de les recevoir n'ont pas à être autorisées par le préfet.
Par un mémoire enregistré le 18 septembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les dispositions applicables aux legs consentis à des Etats étrangers sont applicables et ce d'autant que la requérante, qui en a été avisée dès juin 2014, n'est pas formellement désignée comme légataire par un testament qui ne souffre pas d'ambiguïté ;
- l'acte authentique valant testament n'est ainsi pas méconnu ;
- la décision en litige n'est pas constitutive d'une immixtion de l'Etat dans l'organisation et l'activité de l'église catholique.
Un mémoire enregistré le 16 janvier 2020, présenté pour l'AFOPM, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- la loi du 9 décembre 1905 ;
- le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
- les observations de Me D..., pour l'association françaises des oeuvres pontificales missionnaires ;
Considérant ce qui suit :
1. Le notaire chargé de la succession de M. C..., décédé le 23 juin 2012, a informé le 10 février 2014 le préfet du Rhône, d'une part que le défunt avait désigné " Le Vatican " comme son légataire universel et, d'autre part, que l'Association françaises des oeuvres pontificales missionnaires (AFOPM) avait qualité pour recevoir un tel legs. Après des échanges de courriers, l'office notarial, faisant part à la fois de l'acte d'interprétation du testament en date du 8 septembre 2014 et de la délibération du 5 novembre 2013 du conseil d'administration de l'AFOPM décidant d'accepter le legs, a en dernier lieu le 7 octobre 2014 maintenu sa demande au préfet du Rhône pour que ce dernier délivre à l'association un certificat de non opposition à l'acceptation du legs par cette dernière.
2. L'AFOPM a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision du 3 février 2015 par laquelle le préfet du Rhône a rejeté cette demande au motif, d'une part, que l'AFOPM ne pouvait revendiquer la qualité de légataire et que s'agissant d'un legs stipulé au profit d'un sujet de droit international, il incombait au seul ministre de l'intérieur de se prononcer sur l'acceptation du legs. L'AFOPM fait appel du jugement du 28 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet.
3. Aux termes de l'article 910 du code civil " - Les libéralités consenties à des Etats étrangers ou à des établissements étrangers habilités par leur droit national à recevoir des libéralités sont acceptées librement par ces Etats ou par ces établissements, sauf opposition formée par l'autorité compétente, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". En vertu des dispositions du décret du 11 mai 2007 susvisé, pris pour application de l'article 910 du code civil et dont le chapitre II concerne les libéralités consenties aux Etats et aux établissements étrangers habilités par leur droit national à recevoir des libéralités, il appartient au notaire chargé de la succession prévoyant un legs au profit d'un Etat ou d'un établissement étranger de procéder à une déclaration auprès du ministre de l'intérieur selon les modalités prévues par le décret.
4. En décidant de faire du " Vatican " son légataire universel, M. C... n'a pas, eu égard du terme général ainsi employé, désigné précisément le bénéficiaire du legs. Il a toutefois, compte tenu notamment de la destination du legs qui doit permettre à titre principal d'assurer l'entretien de la basilique majeure Sainte Marie à Rome, affectée par la loi italienne dite " des garanties " en date du 13 mai 1871 au Saint Siège, à qui elle fut ensuite cédée par l'Etat italien en pleine propriété par les accords de Latran, entendu ainsi sans ambiguïté stipuler le legs en faveur du Saint Siège, à qui est reconnue la pleine propriété de l'Etat de la Cité du Vatican et des basiliques majeures édifiées sur le territoire de la ville de Rome. Ce point initial est d'ailleurs admis par les parties, qui ne s'accordent pas ensuite sur la question de savoir si l'AFOPM peut être regardée comme bénéficiaire du legs.
5. Cependant, eu égard à ce qui précède et indépendamment des liens existants entre le Saint Siège et l'AFOPM dont se prévaut cette dernière, et notamment la capacité qui lui serait reconnue à représenter le légataire de M. C..., sinon à y être au final substituée, le préfet du Rhône a pu légalement refuser de délivrer un certificat de non opposition au legs en litige au motif, de nature à lui seul à justifier ce refus, que s'agissant d'un legs objectivement consenti à un établissement étranger, sinon à un Etat étranger, le ministre de l'intérieur était seul compétent pour se prononcer sur la demande présentée par le notaire dans l'intérêt de l'AFOPM.
6. Dès lors, le préfet du Rhône, qui n'a pas en tout état de cause porté atteinte à la séparation garantie par la loi entre l'Eglise et l'Etat en faisant application des dispositions du code civil relatives aux legs pas plus qu'il n'a méconnu la portée du testament en litige en s'assurant du respect des volontés de son auteur, était, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif de Lyon, tenu, en raison de son incompétence, de rejeter la demande du notaire, à qui toutefois il a indiqué la procédure à suivre en l'espèce.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'AFOPM n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'AFOPM est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association française des oeuvres pontificales missionnaires et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
M. A..., président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller,
Lu en audience publique le 13 février 2020.
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N° 17LY02137