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18/02/2020 | FRANCE | N°19LY00842

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 18 février 2020, 19LY00842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 du préfet de la Côte-d'Or portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, désignation du pays de destination, interdiction de circulation sur le territoire français pendant un an et obligation de présentation à la gendarmerie une fois par semaine.

Par un jugement n° 1802305 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de

Dijon a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 1er mars 2019, M. E... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 du préfet de la Côte-d'Or portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, désignation du pays de destination, interdiction de circulation sur le territoire français pendant un an et obligation de présentation à la gendarmerie une fois par semaine.

Par un jugement n° 1802305 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 1er mars 2019, M. E... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 janvier 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 du préfet de la Côte-d'Or portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, désignation du pays de destination et interdiction de circulation sur le territoire français pendant un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur de droit en fondant son refus sur les dispositions du 1° de l'article L. 313-10 et non sur celles de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à sa situation, ce que la substitution de base légale ne saurait justifier ;

- la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Bourgogne notifiée à son employeur ne l'a mis en mesure ni d'être informé du rejet de sa demande d'autorisation de travail, ni de contester celui-ci ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et a entaché sa décision d'absence d'examen particulier de sa situation en ne se fondant que sur le refus de la DIRECCTE, dès lors que la défaillance de son employeur à déférer aux demandes de celle-ci ne peut lui être reprochée et qu'un contrat de travail lui a été proposé avant la décision litigieuse ;

- son droit à être entendu garanti par l'article 41-2° de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été méconnu ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie des conditions prévues par l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui auraient dû permettre sa régularisation à titre exceptionnel ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée de l'absence d'examen approfondi ;

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- les faits reprochés ne relèvent pas de l'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant atteinte à son droit au travail ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision ne lui permet pas de connaître le pays vers lequel il sera reconduit et donc d'utiliser utilement son recours ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle en ce que l'Italie aurait dû être désignée comme pays de renvoi ;

En ce qui concerne l'interdiction de circulation sur le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et à son droit au travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2019, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme F..., présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 2 décembre 1993, de nationalité marocaine, titulaire d'une carte de résident de longue durée CE délivrée par les autorités italiennes, déclare être entré en France régulièrement le 2 février 2018. Il a sollicité le 27 mars 2018 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Il relève appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2018 du préfet de la Côte-d'Or portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, désignation du pays de destination, interdiction de circulation sur le territoire français pendant un an et obligation de présentation à la gendarmerie une fois par semaine.

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet de la Côte-d'Or a effectivement procédé à un examen particulier de la situation de M. D.... Par suite, quand bien même l'intéressé bénéficierait d'un contrat de travail, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet en l'absence d'examen de la situation personnelle du requérant, doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

4. Toutefois, résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

5 Il ne ressort des pièces du dossier ni que M. D... ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision en litige ni même, au demeurant, qu'il ait disposé d'autres éléments pertinents tenant à sa situation personnelle que ceux déjà indiqués au préfet de la Côte d'Or, susceptibles d'influencer le sens de la décision attaquée. La circonstance invoquée par l'appelant selon laquelle le préfet de ne lui pas notifié le refus d'autorisation de travail et ses conséquences n'est pas de nature à permettre de regarder l'intéressé comme ayant été privé de son droit à être entendu Ainsi il n'est fondé à soutenir ni qu'il aurait été privé du droit d'être entendu.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans ses dispositions en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins (...) ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : / (...) 5°Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10 (...) ". L'article L. 313-10 du même code prévoit que " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) ".

7. M. D... ayant demandé un titre de séjour en qualité de salarié, sur le fondement de l'article L. 313-10, en transmettant un imprimé cerfa n° 15186*02 signé et validé par son employeur relatif à ce type de titre de séjour, le préfet n'était pas tenu d'examiner sa situation au regard de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui était certes applicable, mais exigeait d'autres conditions. Le rejet du titre sollicité a pu légalement se fonder sur la méconnaissance de dispositions de l'article L. 313-10 du code.

8. En quatrième lieu, le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Bourgogne a rejeté le 12 juillet 2018 la demande d'autorisation de travail de M. D... au motif que, malgré les demandes qui lui avaient été adressées, la société Pizza d'Or n'avait pas complété son dossier, ni justifié de la recherche préalable de candidats disponibles sur le marché du travail. La seule circonstance que cette décision ait été adressée à son employeur est sans incidence sur la légalité du refus de séjour en litige. M. D... ne peut, par ailleurs, se prévaloir de la circonstance qu'il a signé avec une autre société, l'entreprise Sferis, les 4 juin et 10 juillet 2018 deux contrats, dès lors que ceux-ci n'ont pas été soumis à la DIRECCTE.

9. En dernier lieu, et compte tenu de ce qui a été dit au point 5, les circonstances, à les supposer établies, que M. D... remplirait les conditions de ressources exigées pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et bénéficierait d'une assurance maladie sont sans incidence. Le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de procéder à la régularisation de sa situation au regard de ces dispositions, à laquelle il n'était pas légalement tenu.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet de la Côte-d'Or a effectivement procédé à un examen particulier de la situation de M. D.... Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen de la situation personnelle du requérant doit être écarté.

11. En deuxième lieu, les moyens invoqués contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Si M. D... expose qu'il bénéficie d'un contrat de travail, il est toutefois célibataire et sans charge de famille et ne fait état d'aucune attache privée ou familiale sur le sol français. Dès lors, même l'infraction pénale qui lui est reprochée ne permet pas de regarder sa présence comme une menace à l'ordre public, ni ne relève des cas de retrait de titre de séjour prévus à l'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision en litige, qui n'est pas entachée d'erreur de droit, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, il résulte de l'examen des décisions précédentes que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre celle fixant le pays de destination.

14. En deuxième lieu, le préfet, en indiquant dans le dispositif de l'arrêté que l'intéressé sera éloigné à destination de l'Italie, dont les autorités lui ont délivré une carte de séjour longue durée, ou de tout autre pays où il serait légalement admissible, dont le Maroc, dont il est ressortissant, a permis à M. D... de connaître les pays à destination desquels il serait susceptible d'être éloigné et, par suite, de présenter utilement sa contestation sur ce point devant le juge, et à ce dernier de se prononcer sur la légalité de cette mesure.

15. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la décision en litige n'est pas entachée, au motif que l'Italie aurait dû être désignée comme pays de destination, d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle du requérant.

Sur la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :

16. En premier lieu, les moyens invoqués contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction qui lui est faite de circuler sur le territoire français pendant une durée d'un an.

17. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points précédents, les moyens tirés de l'atteinte disproportionnée qui aurait été portée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, doivent être écartés.

18. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

Mme F..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

2

N° 19LY00842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00842
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : ARGON-POLETTE-NOURANI- APPAIX AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-18;19ly00842 ?
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