Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 4 février 2016 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) a refusé de lui attribuer l'allocation de reconnaissance instituée par l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilées, d'enjoindre à l'ONACVG de lui verser cette allocation, de condamner l'ONACVG à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices et de mettre à la charge de cet office une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1603026 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 avril 2018, M. C..., représenté par la Selarl Mathieu avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1603026 du 6 mars 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la directrice générale de l'ONACVG du 4 février 2016 lui refusant le bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue par l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;
3°) d'enjoindre à l'ONACVG de procéder au versement de cette allocation ;
4°) de condamner l'ONACVG à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ;
5°) de mettre à la charge de l'ONACVG une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée du vice d'incompétence ;
- ayant servi en Algérie au sein de la section administrative spécialisée de Saïda du 1er mai 1958 au 30 avril 1960 puis fixé son domicile en France, il remplit les conditions posées à l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 et à l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ;
- compte tenu des multiples courriers qu'il a été dans l'obligation d'adresser à l'administration aux fins de faire reconnaître ses droits, il a subi un préjudice évalué à la somme de 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2019, l'ONACVG, représenté par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les conclusions indemnitaires de M. C... sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande préalable et que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;
- la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 ;
- la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-504/505 QPC du 4 décembre 2015 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-522 QPC du 19 février 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ancien membre des formations supplétives de l'armée française en Algérie, a sollicité, par télécopie du 1er décembre 2014, le bénéfice de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987. Par décision du 4 février 2016, la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) lui a refusé le bénéfice de cette allocation au motif que celle-ci était réservée aux anciens supplétifs de statut civil de droit local. M. C... relève appel du jugement du 6 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que ses conclusions indemnitaires.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 572-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre reçoit délégation de pouvoir du ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre dans les matières suivantes : 1° Les décisions relatives aux cartes et titres suivants et aux indemnités et pécules qui y sont rattachés : (...) b) Titre de reconnaissance de la Nation ; (...) ".
3. La décision contestée a été signée par Mme D... B..., nommée directrice générale de l'ONACVG à compter du 14 janvier 2013, en vertu d'un décret du 19 décembre 2012, publié au journal officiel de la République française le 21 décembre 2012. Dès lors, elle était bien compétente pour prendre la décision attaquée en vertu des pouvoirs conférés au directeur général de l'ONACVG en matière d'indemnités liées au titre de reconnaissance de la Nation, par l'article R. 572-2 alors applicable du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
4. En second lieu, aux termes du I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, l'allocation de reconnaissance prévue par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 est réservée aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives " de statut civil de droit local ". Aux termes du II du même article, " Les dispositions du I sont applicables aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant leur entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Les bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance (...) peuvent opter, au choix : -pour le maintien de l'allocation de reconnaissance dont le montant annuel est porté à 3 415 € à compter du 1er janvier 2015 ; -pour le maintien de l'allocation de reconnaissance d'un montant annuel de 2 322 € à compter du 1er janvier 2015 et le versement d'un capital de 20 000 € ; -pour le versement, en lieu et place de l'allocation de reconnaissance, d'un capital de 30 000 €. (...) ".
5. Si, par sa décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraires à la Constitution les dispositions antérieures qui, dans le premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, le dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 11 juin 1994, le paragraphe I bis de l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999, les sixième et septième alinéas de l'article 6 et l'article 9 de la loi du 23 février 2005, mentionnaient l'acquisition ou la possession de la nationalité française, dont celles qui, par les renvois qu'elles opéraient, réservaient aux seuls ressortissants de statut civil de droit local le bénéfice de l'allocation de reconnaissance, une telle condition tenant à la nature du statut civil dont devait bénéficier le demandeur de l'allocation de reconnaissance instituée par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 a été réintroduite par les dispositions du I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 précitée.
6. Or, par une décision n° 2015-504/505 QPC du 4 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le I de l'article 52 en ce qu'il insérait les mots " de statut civil de droit local " au premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987. Il a notamment jugé qu'en instituant une condition relative au statut civil des personnes, le législateur avait édicté une condition d'une nature différente de la condition de nationalité qui avait été déclarée contraire à la Constitution par la décision précitée du 4 février 2011.
7. Par sa décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a en revanche déclaré contraire à la Constitution les dispositions du II de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 qui prévoyait l'application rétroactive de la condition tenant au statut local " aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2013 qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée ", cette déclaration prenant effet à compter de la publication de sa décision et étant susceptible d'être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement. Toutefois, l'inconstitutionnalité de cette disposition a pour effet d'ouvrir droit au bénéfice de l'allocation de reconnaissance aux seules personnes qui ont formé une demande d'indemnité entre la publication de la décision n° 2010-93 QPC du Conseil constitutionnel et le 19 décembre 2013 et qui, à la suite du refus opposé par l'administration à cette demande, ont engagé une procédure contentieuse non définitivement close à la date de la décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a adressé, par télécopie, à l'administration sa demande de versement de l'allocation de reconnaissance le 1er décembre 2014, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2013. Dans ces conditions, et dès lors qu'il est constant que M. C... relevait du statut civil de droit commun, il ne pouvait légalement prétendre au bénéfice de cette allocation, compte tenu de la réintroduction de la condition relative au statut civil des anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie, par le I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, déclarée conforme à la Constitution et de la date d'introduction de sa demande. Dans ces conditions, la directrice générale de l'ONACVG a pu, sans commettre d'erreur de droit, refuser d'accorder à M. C... le versement de l'allocation en litige en lui opposant la condition tenant à la nature du statut civil.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. C..., ainsi que, par voie de conséquence et en tout état de cause, ses conclusions indemnitaires, doivent être rejetées. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée au même titre par l'ONACVG.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Délibéré après l'audience du 6 février 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 mars 2020.
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N° 18LY01432