Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite et l'arrêté du 6 avril 2016 du préfet du Rhône rejetant sa demande du 10 février 2015 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son affection et d'enjoindre au préfet du Rhône de prendre, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, une décision reconnaissant comme imputable au service sa maladie.
Par jugement n° 1505104 lu le 23 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 juillet 2018, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision implicite et l'arrêté du 6 avril 2016 du préfet du Rhône rejetant sa demande du 10 février 2015 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son affection ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de prendre, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une décision reconnaissant comme imputable au service sa maladie ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu à la demande de médiation qu'elle avait présentée par lettre du 21 décembre 2017 ;
- les premiers juges ont dépassé leur office en se fondant sur des arguments et moyens qui n'étaient pas opposés en défense ;
- elle a connu entre mars 2011 et la fin du mois de décembre 2014, vingt-deux arrêts de travail ; l'apparition d'une fatigue psychique est liée dans un premier temps aux dégradations de ses conditions de travail en 2011 au sein de la direction de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, dégradation qui a abouti à son éviction, puis dans un second temps, la maladie s'est déclarée dans toute sa gravité en raison des conditions de travail dans sa nouvelle affectation où elle se trouvait inoccupée ; elle ne présentait pas d'antécédents de maladie dépressive et il existe des circonstances particulières qui expliquent la survenue de la décompensation évoquée par l'expert et notamment la situation factuelle au sein du service en 2011 ; s'agissant de la période postérieure à son affectation au pôle juridique interministériel du 10 avril 2012, elle démontre son état d'inoccupation ; ces circonstances particulières sont de nature à révéler un lien direct et certain entre la dépression grave dont elle a été victime et les conditions d'exercice au sein du service.
Par un mémoire enregistré le 2 septembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de Mme C... en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,
- les observations de Me A... substituant Me B..., pour Mme C..., qui n'a pas souhaité présenter d'observations dans le cadre du mouvement de grève des avocats ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., attachée d'administration de l'État affectée à la préfecture du Rhône a, par courrier du 10 février 2015, sollicité la reconnaissance d'imputabilité au service de son état de santé. Elle relève appel du jugement du 23 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite et de l'arrêté du 6 avril 2016 du préfet du Rhône rejetant sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 213-5 du code de justice administrative : " Les parties peuvent, en dehors de toute procédure juridictionnelle, (...), demander au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel territorialement compétent d'organiser une mission de médiation et de désigner la ou les personnes qui en sont chargées, ou lui demander de désigner la ou les personnes qui sont chargées d'une mission de médiation qu'elles ont elles-mêmes organisée./ Le président de la juridiction peut déléguer sa compétence à un magistrat de la juridiction./(...)./Les décisions prises par le président de la juridiction ou son délégataire en application du présent article ne sont pas susceptibles de recours./(...) ". Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 21 décembre 2017, postérieur à la clôture d'instruction fixée au 21 février précédent, le conseil de Mme C... a présenté, auprès du président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Lyon, une demande de médiation sur le présent litige. Le refus implicite ou exprès, opposé à une telle demande, et qui n'est pas susceptible de recours, ne relève pas de l'instruction du litige qui est soumis au tribunal. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière en l'absence de réponse par le président de la formation de jugement à la demande de médiation présentée par Mme C... le 21 décembre 2017 ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, qu'en constatant, au vu des pièces du dossier, que l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme C... n'était pas démontrée, le tribunal, qui s'est borné à répondre au moyen soulevé par l'intéressée, n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure, et cela alors même que certains arguments factuels n'étaient pas invoqués en défense.
Sur le bien-fondé des refus d'imputabilité au service opposés à Mme C... :
4. Aux termes de l'article 34 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. /(...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".
5. En vertu de ces dispositions, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise du docteur Bethemont réalisé à la demande du tribunal administratif, que Mme C..., alors affectée au sein de la direction de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Rhône, a traversé début 2011 une période de fatigue liée " selon ses dires à un surcroît de travail " et a présenté des arrêts de travail du 17 au 31 mars 2011 puis du 16 avril au 3 mai suivant. Toutefois, l'intéressée n'apporte aucun élément permettant de constater l'existence d'un lien direct et certain entre son état de santé à cette période et le service ou encore de circonstance particulière tenant à ses conditions de travail de nature à faire reconnaître ses arrêts de travail comme étant imputables au service.
7. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier qu'à compter du 10 avril 2012, Mme C... a été affectée au pôle juridique interministériel de la préfecture du Rhône en qualité de consultant juridique. Si l'intéressée estime qu'elle n'a pas bénéficié d'un exercice normal de ses fonctions en l'absence de dossiers confiés, il n'est toutefois pas contesté, ainsi que le démontrent les messages électroniques produits par la défense, que l'intéressée a refusé d'exécuter certaines missions et fait preuve d'une attitude irrespectueuse envers ses supérieurs et ses collègues. Par ailleurs, le rapport d'expertise du docteur Bethemont précité, relève que " il se pose dans ce dossier la question d'un éventuel trouble de la personnalité qui ne peut être totalement éliminé. En effet, la lecture des courriers échangés produits, témoigne d'une tendance projective, interprétative et quérulente. " avant de préciser que Mme C... présente un " élan interprétatif (...) puisqu'elle mentionne chaque occurrence des échecs de ses demandes, des mauvais résultats lors d'entretiens, une absence de reconnaissance de ses capacités. On peut évoquer une décompensation d'une personnalité par définition fragile démontrant ainsi l'existence d'un état antérieur ainsi que l'existence de circonstance particulière conduisant à détacher la survenance de la maladie au service ". Compte tenu de ces constatations médicales circonstanciées, les congé maladies de Mme C..., qui présentait ainsi un état antérieur, lors de cette dernière affectation, ne peuvent être reconnus imputables au service.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, être également rejetées.
10. Les disposition de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme C... sollicite le versement au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
Mme Burnichon, premier conseiller,
Mme Rémy-Néris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mars 2020.
N° 18LY02878