Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 31 janvier 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de la région Centre-Est Dijon a refusé de lui attribuer une concession de logement pour nécessité absolue de service et de condamner l'État à lui verser une somme mensuelle de 600 euros à compter de novembre 2016 en remboursement des loyers versés depuis son affectation aux fonctions de responsable de bâtiments au centre pénitentiaire de Joux-la-Ville.
Par jugement n° 1700859 lu le 25 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 31 janvier 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de la région Centre-Est Dijon a refusé d'attribuer à M. C... une concession de logement par nécessité absolue de service et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 28 août 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700859 du 25 juin 2018 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a annulé la décision du 31 janvier 2017 portant refus d'attribution de concession de logement par nécessité absolue de service ;
2°) de rejeter la requête de M. C... devant le tribunal administratif.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation concernant le motif relatif à ce qu'un autre agent bénéficiait de l'attribution d'un tel logement ;
- en vertu de l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'arrêté du 10 juin 2014, l'attribution d'une concession de logement n'est pas un droit que l'agent tire de ses fonctions ; la circonstance qu'aucun autre logement n'était disponible justifiait que ne puisse être attribué à M. C... une concession de logement par nécessité absolue du service ;
- M. C... est domicilié à proximité du centre de détention et n'établit pas être dans l'impossibilité d'accomplir son service ou d'assurer ses astreintes ;
- M. C... était dans une situation différente de l'officier de détention qui bénéficiait d'un logement.
Par mémoire enregistré le 6 juin 2019, M. B... C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable en raison de sa tardiveté et faute d'avoir respecté les prescriptions des articles R. 412-1 et R. 412-2 du code de justice administrative ;
- la garde des sceaux doit être regardée comme ayant acquiescé aux faits faute d'avoir produit un mémoire en défense devant le tribunal dans le délai imparti par la mise en demeure ;
- l'arrêté du 24 mai 2013 prévoit deux logements par nécessité absolue de service pour les officiers en détention au centre pénitentiaire de Joux-la-Ville et l'adjoint au chef de détention n'était pas éligible à l'attribution d'un logement de fonctions au sein de l'établissement ; l'administration a méconnu le principe d'égalité entre fonctionnaires d'un même corps ;
- l'antériorité dans l'affectation au sein de l'établissement n'est pas susceptible d'être retenue pour fonder la décision en litige ;
- la décision du 31 janvier 2017 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 7 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juillet 2019.
Le 30 janvier 2020, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt serait susceptible d'être fondé sur l'inopérance du moyen retenu par le tribunal, dès lors que le principe d'égalité ne peut être utilement invoqué par un agent qui ne remplit pas les conditions de l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques.
M. C... a produit un mémoire en réponse à cette mesure d'instruction, enregistré le 13 février 2020 et non communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 25 juin 2018, en tant qu'il a annulé la décision du 31 janvier 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de la région Centre-Est Dijon a rejeté la demande de M. C... tendant à ce que lui soit attribuée une concession de logement par nécessité absolue de service.
Sur la recevabilité de la requête :
2. En premier lieu, le délai prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, aux termes duquel : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ", est un délai franc. Il ressort des pièces du dossier que le jugement contesté a été notifié à la garde des sceaux, ministre de la justice au moyen de l'application Télérecours, le 27 juin 2018, ainsi que l'établit l'accusé de réception joint au dossier de première instance. Dès lors, la requête d'appel, qui a été enregistrée au greffe le 28 août 2018, avant l'expiration du délai franc de deux mois, n'est, contrairement à ce que fait valoir M. C..., pas tardive.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, applicable aux requêtes d'appel par l'effet de l'article R. 811-13 de ce code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 414-3 du même code : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1 et R. 412-2, les requérants sont dispensés de produire des copies de leur requête et des pièces qui sont jointes à celle-ci et à leurs mémoires. / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé (...) ".
4. A l'appui de sa requête, la garde des sceaux, ministre de la justice a produit la copie du jugement attaqué. Une telle copie ne constituant pas une pièce, dont la production est facultative, au sens des dispositions précitées de l'article R. 414-3 du code de justice administrative, l'appelante n'était pas tenue à peine d'irrecevabilité d'accompagner sa requête régularisée d'un inventaire. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la requête serait irrecevable faute de préciser qu'elle comporte en pièce jointe la copie du jugement attaqué et d'être accompagnée d'un inventaire le précisant.
Sur le bien-fondé de la demande de M. C... :
5. Aux termes de l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques : " Une concession de logement peut être accordée par nécessité absolue de service lorsque l'agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate. / Des arrêtés conjoints du ministre chargé du domaine et des ministres intéressés fixent la liste des fonctions qui peuvent ouvrir droit à l'attribution d'une concession de logement par nécessité absolue de service ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... ne remplit pas les conditions des dispositions précitées faute d'être soumis en raison de ses fonctions à une obligation de disponibilité totale. Ne sauraient équivaloir à une telle obligation les astreintes qu'il effectue selon une fréquence moyenne d'une fois par mois ainsi que le démontre le tableau de permanence qu'il produit pour la période du 13 janvier au 30 juin 2017. Dès lors la demande devait être rejetée et c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la rupture d'égalité, qui est inopérant, pour annuler la décision querellée.
7. A défaut d'autres moyens à examiner au titre de l'effet dévolutif, il résulte de ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 31 janvier 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de la région Centre-Est Dijon a refusé d'attribuer à M. C... une concession de logement par nécessité absolue de service. Par les mêmes motifs, la demande d'annulation de cette décision que celui-ci a présentée devant le tribunal doit être rejetée.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 17000859 du 25 juin 2018 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 avril 2020.
N° 18LY03320 2