Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions des 31 juillet et 28 août 2015 par lesquelles le maire de la commune de Boffres (Ardèche) a refusé d'interdire la circulation des sports motorisés sur une portion du chemin rural des Perrets desservant sa propriété et d'enjoindre au maire de prendre un arrêté pour interdire les sports motorisés sur la partie du chemin des Perrets du hameau de Gleizé jusqu'au village, avec pose de panneaux d'interdiction, et de disposer aux abords de la passerelle des dispositifs pour rendre inaccessible le passage de la passerelle aux sports motorisés. La SCI Le Moulin de Gleizé est intervenue au soutien de cette demande.
Par un jugement n° 1508201 du 22 août 2018, le tribunal administratif de Lyon, après avoir admis l'intervention de la SCI Le Moulin de Gleizé, a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 octobre 2018 et un mémoire enregistré le 17 février 2020, M. C... et la SCI Le Moulin de Gleizé, représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 août 2018 ;
2°) d'annuler les décisions du maire de Boffres des 31 juillet et 28 août 2015 ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Boffres d'édicter un arrêté interdisant la circulation des véhicules motorisés sur la partie du chemin des Perrets du hameau de Gleizé jusqu'au village prévoyant la pose de panneaux d'interdiction ainsi que de dispositifs pour rendre inaccessible auxdits véhicules le passage de la passerelle ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Boffres une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le maire n'a pas été valablement habilité par le conseil municipal pour défendre la commune devant le tribunal, la délibération du conseil municipal du 4 avril 2018 étant un faux ;
- les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article L. 362-1 du code de l'environnement ;
- le chemin des Perrets ne présente qu'une largeur de 98 centimètres au droit de la passerelle située après le Moulin de Gleizé et ne peut donc être emprunté par tout véhicule ;
- il constitue une voie sans issue et traverse un espace naturel.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2019, la commune de Boffres, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'infliger aux requérants une amende de 5 000 euros pour recours abusif et de mettre la somme de 3 500 euros à leur charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le recours gracieux du 12 juillet 2015 est dépourvu d'objet en l'absence de décision préalable ;
- l'intérêt pour agir de M. C... n'est pas démontré ;
- ses écritures de première instance étaient recevables, le maire ayant été habilité par une délibération du conseil municipal du 4 avril 2018 ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
La commune de Boffres a produit, le 21 février 2020, un mémoire qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de Mme D...,
- et les observations de Me B..., pour la commune de Boffres ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., qui habite Le Moulin de Gleizé, et la SCI Le Moulin de Gleizé, dont M. C... est le co-gérant et qui est propriétaire de ce moulin, relèvent appel du jugement du 22 août 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a admis l'intervention de la SCI avant de rejeter la demande de M. C... tendant à l'annulation des décisions du maire de la commune de Boffres des 31 juillet et 28 août 2015 refusant d'interdire la circulation des véhicules motorisés sur la portion du chemin rural des Perrets située entre le hameau de Gleizé et le centre du village de Boffres et à ce qu'il soit enjoint au maire d'édicter un arrêté à cette fin, prévoyant la pose de panneaux d'interdiction, et de disposer aux abords de la passerelle des dispositifs pour rendre inaccessible le passage de cette passerelle aux véhicules motorisés.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations des conseillers municipaux produites par la commune, que le conseil municipal a délibéré lors de sa séance du 4 avril 2018 pour autoriser le maire à défendre la commune. L'absence de mention de cette délibération dans le compte-rendu de la séance ne suffit pas à établir que la délibération du 4 avril 2018 produite devant le tribunal serait un faux, alors en outre que la numérotation des délibérations lors de la séance suivante corrobore le numéro attribué à cette délibération. Par suite, contrairement à ce que font valoir les requérants, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le maire de la commune de Boffres avait été régulièrement habilité par le conseil municipal pour défendre la commune dans le cadre de l'instance devant le tribunal.
Sur la légalité des décisions du maire de Boffres des 31 juillet et 28 août 2015 :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 362-1 du code de l'environnement : " En vue d'assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l'État, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le chemin "Les Perrets" est un chemin rural. Dès lors, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les arrêtés contestés méconnaîtraient les dispositions précitées de l'article L. 362-1 du code de l'environnement, qui n'interdisent pas la circulation des véhicules à moteur sur de tels chemins, alors même qu'ils traversent un espace naturel.
5. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-4 de ce code : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques (...) / Ces dispositions ne s'appliquent pas aux véhicules utilisés pour assurer une mission de service public et ne peuvent s'appliquer d'une façon permanente aux véhicules utilisés à des fins professionnelles de recherche, d'exploitation ou d'entretien des espaces naturels ". Aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ". Aux termes de l'article D. 161-10 de ce code : " Dans le cadre des pouvoirs de police prévus à l'article L. 161-5, le maire peut, d'une manière temporaire ou permanente, interdire l'usage de tout ou partie du réseau des chemins ruraux aux catégories de véhicules et de matériels dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces chemins, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le chemin des Perrets est un chemin rural affecté à l'usage du public. M. C... soutient que la pratique des sports motorisés sur la portion de ce chemin qui débute après sa propriété, est de nature à détériorer les espaces, les paysages et les sites, à compromettre la tranquillité et la sécurité sur ce chemin qui est fréquenté par les promeneurs et que la sécurité et la tranquillité publiques justifient l'interdiction de la circulation des véhicules motorisés. Toutefois, l'intensité de la fréquentation du chemin par des véhicules de type quad ou moto-cross n'est pas établie et le passage répété de ces engins n'apparaît pas à l'origine de nuisances pour l'environnement et de risques pour la sécurité des promeneurs. En outre, si l'assiette du chemin se rétrécit après le Moulin de Gleizé pour se réduire à une largeur de seulement 98 centimètres sur la passerelle enjambant un ruisseau, il ne ressort pas des pièces du dossier que la nature du sol du chemin ou sa configuration justifieraient la nécessité d'une interdiction de la circulation sur ce chemin, alors en outre que la configuration des lieux est par elle-même de nature à limiter la circulation. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le refus du maire d'interdire la circulation des véhicules motorisés sur le chemin des Perrets méconnaîtrait les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et du code rural et de la pêche maritime ou serait entaché d'une erreur d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune, que M. C... et autre ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. C... et autre, n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Ces conclusions doivent donc être rejetées.
Sur les conclusions de commune de Boffres tendant à ce que soit infligée une amende pour recours abusif :
9. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende (...) ".
10. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la commune de Boffres tendant à ce que les requérants soient condamnés à une telle amende ne sont pas recevables.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Boffres, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse aux requérants une somme au titre des frais liés au litige et à ce que la SCI Le Moulin de Gleizé, qui était intervenante devant le tribunal et n'a dès lors pas la qualité de partie dans le cadre de la présente instance verse une somme à la commune à ce titre. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à ce titre une somme de 2 000 euros à la charge de M. C... à verser à la commune.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... et autre est rejetée.
Article 2 : M. C... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Boffres en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Boffres sont rejetées pour le surplus.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à la SCI Le Moulin de Gleizé et à la commune de Boffres.
Délibéré après l'audience du 27 février 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme G..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 avril 2020
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N° 18LY03845