Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2014, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1600572 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 13 septembre 2018, le 12 avril 2019 et le 20 janvier 2020, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 juillet 2018 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme E... soutient que l'administration ne pouvait remettre en cause sa qualité d'assujettie au seul motif qu'elle n'avait pas réalisé d'opérations imposables durant la période vérifiée, dès lors qu'elle a eu l'intention dès 2007 de réaliser de telles opérations et qu'elle n'en a été empêchée que par des circonstances étrangères à sa volonté ;
Par des mémoires, enregistrés le 6 mars 2019 et le 22 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme H..., rapporteure publique,
- et les observations de Me D..., représentant Mme E... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a déclaré en 2007 exercer, à titre individuel, une activité d'élevage et de prise en pension de chevaux et autres équidés et a opté à cette date pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a fait l'objet en 2014 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et d'un contrôle sur pièces portant sur la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2014, à l'issue desquels l'administration, après avoir remis en cause sa qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, lui a réclamé, selon la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe déduite à tort au titre de la période vérifiée et à la régularisation, sur le fondement du 4° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, d'une partie de la taxe déduite au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2010. Mme E... relève appel du jugement du 13 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2014.
Sur les conclusions à fin de décharge des impositions :
2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. "
3. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière de celles de l'article 9 paragraphe 1 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, que le droit à déduction, qui prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le fournisseur, reste acquis, dès lors que l'assujetti s'est acquitté du prix des biens ou services et détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, même lorsque l'activité économique envisagée ne donne pas lieu à des opérations ouvrant droit à déduction ou lorsque l'assujetti n'a pas utilisé les biens ou services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d'une opération taxable, comme il prévoyait de le faire, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et en l'absence de toute intention frauduleuse ou abusive.
4. Il résulte de l'instruction que Mme E..., qui a obtenu en 2003 un baccalauréat professionnel " conduite et gestion de l'exploitation agricole ", a créé en 2007 une entreprise d'élevage de chevaux et autres équidés sous l'enseigne commerciale Le Val de brume et a obtenu, pour ce faire, une aide à l'installation des jeunes agriculteurs. Elle a sollicité, respectivement en 2007, 2010 et 2012, des autorisations d'urbanisme pour construire, outre une maison d'habitation, une écurie pour chevaux, un manège, une sellerie et un hangar à fourrage. Si l'administration fait valoir qu'elle n'a déposé aucune déclaration d'achèvement des bâtiments dont la construction a été autorisée, il est toutefois constant que ces bâtiments ont été réalisés. La requérante a déclaré des chiffres d'affaires de, respectivement, 10 010 euros, 5 068 euros et 1 139 euros au titre des périodes correspondant aux années 2011, 2012 et 2013. Si l'administration soutient que ces chiffres d'affaires ne proviennent pas de la vente d'équidés, il résulte de l'instruction qu'ils résultent de la vente de foin et constituent ainsi des revenus agricoles. Mme E... a également déduit des dépenses relatives à l'acquisition d'une mangeoire et d'un abreuvoir et à la réalisation de box à chevaux et de clôtures. Si l'administration indique que Mme E... était salariée à temps plein dans une société tierce durant la période vérifiée, cette circonstance demeure sans incidence sur l'appréciation qu'il y a lieu de porter sur l'exercice d'une activité économique au sens des dispositions précitées. Eu égard aux démarches ainsi accomplies par Mme E..., qui démontrent que cette dernière a mobilisé, pour les besoins de son élevage, des moyens analogues à ceux d'un professionnel, la requérante doit être regardée comme ayant établi la réalité de son intention de réaliser des opérations taxables dans le cadre d'une activité agricole d'élevage de chevaux. Si l'administration fait valoir que la requérante n'a comptabilisé aucun cheval dans un compte d'immobilisation au titre de la période vérifiée et que l'activité d'élevage et de prise en pension de chevaux n'a été engagée qu'à compter du début de l'année 2015, postérieurement à la période vérifiée, il résulte de l'instruction, et, notamment, du jugement du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay du 18 décembre 2015, qu'à la suite de retards et de malfaçons intervenus lors de la construction de la maison d'habitation de Mme E... et de l'écurie, lesquels ont donné lieu dès 2008 à un litige avec la société qui a entrepris les travaux, la réalisation de ces derniers a été interrompue jusqu'en 2015 et que la requérante a dû faire appel à d'autres entreprises pour effectuer, notamment, les enduits de l'écurie. Il en résulte que Mme E... a été contrainte de retarder l'engagement de l'activité d'élevage et de prise en pension de chevaux pour des raisons indépendantes de sa volonté. L'administration n'établit, ni même n'allègue, que l'absence d'opérations taxables au cours de la période vérifiée résulterait d'une intention frauduleuse ou abusive. Dans ces conditions, Mme E... est fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2014.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
7. Mme E... n'établissant pas avoir exposé de dépens dans la présente instance, ses conclusions tendant à ce que ceux-ci soient mis à la charge de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par Mme E... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : Mme E... est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2014.
Article 3 : L'Etat versera 1 500 euros à Mme E... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 18 février 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme C..., présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction, le 3 avril 2020.
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N° 18LY03511
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