Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans en qualité de conjointe de Français.
Par un jugement n° 1809579 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 décembre 2019, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er octobre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 décembre 2018 du préfet de la Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de renouveler, pour une durée de 10 ans, le certificat de résidence sollicité en qualité de conjoint d'un ressortissant français.
Elle soutient que :
Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :
- son récépissé de demande de titre de séjour l'autorise à travailler et elle justifie avoir travaillé comme agent à domicile du 1er avril 2017 au 27 août 2018 auprès de l'AIMV et ensuite en qualité d'associé de la société Le Scampi dont l'activité est la fabrication et la vente de pizzas ;
- la décision méconnaît l'article 6 et 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il appartient à l'autorité administrative d'apporter la preuve de l'absence de caractère stable de la communauté de vie ; aux termes de l'article 108 du code civil, les époux peuvent avoir un domicile distinct sans pour autant porter atteinte aux règles relatives à la communauté de vie ; elle est propriétaire en France d'un appartement à Saint-Etienne où son conjoint réside pour des raisons médicales ; son époux souffre d'un syndrome anxio-dépressif et il lui est difficile de supporter la présence de ses trois enfants issus d'une précédente union ; s'ils ne cohabitent pas au quotidien, ils n'ont jamais cessé la vie commune ; aucune procédure de divorce n'a été engagée ; l'enquête des services de police est succincte ; compte tenu de l'âge des enfants, il est normal qu'ils ne puissent apporter des précisions quant au lieu où réside son époux ; ils sont tous deux titulaires d'un abonnement EDF ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnaît le 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est intégrée, qu'elle exerce une activité professionnelle en France ; elle vit avec son époux de nationalité française ; ses enfants sont scolarisés en France depuis 2015 ;
Par un mémoire, enregistré le 21 février 2020, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.
Mme B... C... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... épouse D..., ressortissante algérienne née le 26 mai 1971, est entrée en France le 19 mars 2015. Le 19 décembre 2015, elle a épousé M. D..., ressortissant français. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français valable jusqu'au 7 septembre 2017. Le 12 septembre 2017, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 17 décembre 2018, le préfet de la Loire a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :
2. Aux termes des stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article". Aux termes de l'article 6 de ce même accord : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...)/ 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...)/ Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ". Aux termes de l'article 215 du code civil : " Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie. / La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord. ". Aux termes de l'article 108 du même code : " Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie ".
3. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de la Loire a refusé de renouveler le titre de séjour dont était titulaire Mme D... en raison de l'absence de communauté de vie avec son époux, révélée par une enquête diligentée par la direction départementale de la sécurité publique de la Loire qui s'est conclue par un rapport du 8 juin 2018 constatant une telle absence.
4. Mme D... fait valoir qu'en application de l'article 108 du code civil, la circonstance que les époux ont un domicile distinct ne suffit pas à établir l'absence de vie commune, que l'existence d'un domicile distinct s'explique par le syndrome anxio-dépressif dont souffre son époux qui lui rend difficilement supportable la présence de ses trois enfants issus d'une précédente union.
5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, selon le rapport d'enquête de police, Mme D... vit rue Berthelot à Saint-Etienne avec ses trois enfants issus d'une précédente union et que son époux vit dans un appartement appartenant à la requérante rue des alliés dans cette même ville. Lors de son audition, Mme D... a déclaré ne plus avoir de vie commune avec son époux. L'officier de police judiciaire a indiqué qu'il avait eu l'impression, lors de l'enquête de communauté de vie, que les deux filles de Mme D... ne connaissaient que très peu son époux. Celui-ci a également déclaré ne plus vivre avec sa femme depuis un an " car il n'était pas près de vivre avec des enfants ". Si un certificat médical établit que son époux présente une dépression grave sans syndromes psychotiques, la requérante ne produit aucune pièce permettant d'établir que le couple a une relation effective et stable en dépit d'un logement distinct. Il s'ensuit que Mme D..., qui n'établit pas avoir une vie commune avec son époux à la date de la décision attaquée, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Loire a méconnu le 2 de l'article 6 et 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié en refusant de renouveler son titre de séjour.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance... ".
7. Il est constant que Mme D... est entrée en France le 19 mars 2015 et a, dès lors, vécu jusqu'à l'âge de 44 ans dans son pays d'origine où elle n'établit pas ne pas avoir conservé des attaches privées et familiales. Ainsi qu'il a été dit au point 5, elle n'établit pas l'existence d'une communauté de vie avec son époux. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et nonobstant la circonstance qu'elle travaille et qu'elle soit l'associée d'une société de vente de pizza, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 7°) L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...) ".
9. Si Mme D... fait valoir que la décision méconnaît le 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'établit pas l'existence d'une communauté de vie avec son époux ainsi qu'il a été dit au point 5. Par suite, la décision critiquée n'a pas méconnu ces dispositions
10. Mme D... fait valoir que la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs ainsi qu'il été dit au point 7. Par suite, et nonobstant les circonstances qu'elle exercice une activité professionnelle et que ses enfants sont scolarisés, la décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 juin 2020.
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N° 19LY04803