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15/06/2020 | FRANCE | N°18LY02780

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 juin 2020, 18LY02780


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision n° AA 90/2016 du 16 septembre 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Auvergne Rhône-Alpes a mis à sa charge une amende administrative d'un montant total de 30 000 euros pour manquement à ses obligations de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant sur le territoire national.

Par jugement n° 160857

8 lu le 17 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision n° AA 90/2016 du 16 septembre 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Auvergne Rhône-Alpes a mis à sa charge une amende administrative d'un montant total de 30 000 euros pour manquement à ses obligations de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant sur le territoire national.

Par jugement n° 1608578 lu le 17 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 20 juillet 2018, M. A... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision n° AA 90/2016 du 16 septembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues dès lors que son conseil n'a pas été mis en possession de l'intégralité de la procédure ni lors de son intervention ou lors du rendez-vous du 9 août 2016 ni même ultérieurement ; il n'a pas bénéficié de tous les délais pour faire valoir les observations de son client ;

- la sanction est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le DIRRECTE a méconnu les dispositions des articles L. 1264-1 et suivants du code du travail en ce que seul six salariés ont été détachés et qu'il n'y avait qu'une seule prestation économique réalisée sur différentes périodes.

Par mémoire enregistré le 8 avril 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête de M. D....

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de M. B..., représentant la ministre du travail ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., exploitant individuel sous l'enseigne VM Montaggi, domicilié en Italie, a détaché des salariés sur le territoire français pour l'exécution d'une convention de prestation de services conclue avec la société Tecno S.P.A pour la pose de cloisons sur le chantier Biomérieux à Marcy-L'étoile. Suite à un contrôle des services de l'inspection du travail, le 25 juin 2016, lui a été infligée, par décision n° AA 90/2016 du 16 septembre 2016, une amende d'un montant total de 30 000 euros liquidée selon un tarif unitaire de 1 500 euros sanctionnant chaque manquement à ses obligations de déclaration de détachement préalable et de désignation d'un représentant sur le territoire national, appliqué au nombre de salariés concernés, soit dix. Il relève appel du jugement du 17 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 8115-2 du code du travail dans sa version alors en vigueur : " Lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative, il indique à l'intéressé par l'intermédiaire du représentant de l'employeur [sur le territoire national] (...) le montant de l'amende envisagée et l'invite à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / A l'expiration du délai fixé et au vu des observations éventuelles de l'intéressé, il notifie sa décision et émet le titre de perception correspondant. / L'indication de l'amende envisagée et la notification de la décision infligeant l'amende sont effectuées par tout moyen permettant de leur conférer date certaine ". Aux termes de l'article R. 8115-10 du même code : " Par dérogation à l'article R. 8115-2, lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative sur le fondement des articles L. 4751-1 à L. 4754-1 et L. 8115-1 à L. 8115-8, il invite l'intéressé à présenter ses observations dans un délai d'un mois. / Ce délai peut être prorogé d'un mois à la demande de l'intéressé, si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient ".

3. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration a prononcé une amende sanctionnant la méconnaissance du régime d'emploi de travailleurs détachés en France, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer non sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse mais sur le bien-fondé et le montant de l'amende fixée par l'administration. S'il estime que l'amende a été illégalement infligée, dans son principe ou son montant, il lui revient, dans la première hypothèse, de l'annuler et, dans la seconde, de la réformer en fixant lui-même un nouveau quantum proportionné aux manquements constatés et aux autres critères prescrits par les textes en vigueur.

4. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance, lors de la procédure préalable à l'édiction de la décision en litige, des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe du contradictoire et des droits de la défense ou encore des dispositions de l'article R. 8115-2 du code du travail alors que la procédure contradictoire organisée par les articles L. 8115-1 et suivants du code du travail s'est poursuivie devant le juge de plein contentieux et a donné tout loisir au requérant de faire valoir ses arguments en contestation de la sanction, sont dépourvus d'effet utile sur le bien-fondé et le montant de l'amende en litige.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1262-2-1 du code du travail, dans sa version alors applicable : " I.- L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation. / II - L'employeur mentionné au I du présent article désigne un représentant de l'entreprise sur le territoire national, chargé d'assurer la liaison avec les agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 pendant la durée de la prestation ". Aux termes de l'article R. 1263-3 du même code : " L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues au 1° et au 3° de l'article L. 1262-1, adresse, une déclaration comportant les éléments suivants : (...) 2° L'adresse du ou des lieux successifs où doit s'accomplir la prestation, les nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse électronique et postale en France, et coordonnées téléphoniques et, le cas échéant, la raison sociale du représentant de l'entreprise en France pour la durée de la prestation, la date du début de la prestation et sa date de fin prévisible, l'activité principale exercée dans le cadre de la prestation, la nature du matériel ou des procédés de travail dangereux utilisés, le nom, l'adresse, l'activité principale du donneur d'ordre ainsi que, le cas échéant, son numéro d'identification SIRET ; 3° Les nom, prénoms, date et lieu de naissance, adresse de résidence habituelle et nationalité de chacun des salariés détachés (...) ".

6. Il résulte des termes de ces dispositions que les obligations de déclaration de détachement de salariés étrangers et de désignation d'un représentant de l'entreprise en France mises à la charge des employeurs de salariés étrangers en détachement sur le territoire français doivent être satisfaites lors de chaque prestation de services accomplie par un ou des salariés détachés. Sans égard à la qualification donnée par les parties à la convention de mise à disposition, doit être regardée comme une seule prestation de services, l'exécution d'un ouvrage présentant une homogénéité technique, confiée au(x) même(s) salarié(s) sur le même chantier au profit du même donneur d'ordre, qu'elle soit continue ou discontinue.

7. Ainsi, en retenant que dix salariés devaient être concernés par les manquements aux obligations déclaratives de M. D..., exploitant individuel sous l'enseigne VM Montaggi, lors de deux interventions qui se sont déroulées du 31 mai au 9 juin 2016 avec six salariés et du 20 juin au 29 juin 2016 avec quatre salariés qui étaient déjà intervenus au cours de la précédente période, alors que les salariés en cause avaient participé à la réalisation d'un lot technique homogène, sur le même chantier et pour le compte du même donneur d'ordre, le DIRRECTE Auvergne-Rhône-Alpes a appliqué le taux unitaire de l'amende à un nombre de salariés excédant de quatre les effectifs affectés à l'opération. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que seulement six salariés ont été détachés sur la totalité de la période d'intervention ayant constitué une seule opération économique et que l'amende infligée, appliquée à six salariés au tarif unitaire de 1 500 euros à raison de deux manquements doit en conséquence, être réduite de 30 000 euros à 18 000 euros.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 1264-3 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " / (...) / Le montant de l'amende est d'au plus 2 000 € par salarié détaché et d'au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l'amende ne peut être supérieur à 500 000 €. / Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges (...) ".

9. Il résulte de l'instruction qu'avant de détacher six salariés, M. D... n'a effectué aucune déclaration de détachement ni désignation d'un représentant unique en France lors de la réalisation de prestations de services sur le territoire français. Compte tenu de la nature et de la gravité des manquements ainsi relevés à l'encontre de M. D..., du chiffre d'affaire de son entreprise, et en l'absence d'autres éléments, l'administration, qui a pris en compte les critères prévus par l'article L. 1264-3 du code de travail, n'a pas entaché sa sanction de disproportion en fixant à 1 500 euros le taux de l'amende à infliger par manquement et par salarié.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le montant de l'amende infligée à M. D... par la décision n° AA 90/2016 du 16 septembre 2016 doit être réduit de 30 000 euros à 18 000 euros et que le jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon doit être réformé dans les mêmes proportions.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à M. D... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'amende mise à la charge de M. D... par la décision n° AA 90/2016 du 16 septembre 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne Rhône-Alpes est réduite de 30 000 euros à 18 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1608578 du 17 mai 2018 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la ministre du travail.

Copie sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2020.

N° 18LY02780

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02780
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative - Autorités administratives titulaires du pouvoir de sanction.

Travail et emploi - Réglementations spéciales à l'emploi de certaines catégories de travailleurs.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : S.JOFFROY SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-15;18ly02780 ?
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