Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... J... E... et Mme B... E... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant de la faute commise lors de la prise en charge de l'accouchement de Mme E...-D... le 19 octobre 2012, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du dépôt de leur réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts à la date de la requête de première instance.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à lui rembourser la somme de 86 592 euros avec intérêts de droit à compter du jugement et lui verser la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1510182 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à verser à M. E... et Mme E...-D... la somme de 2 000 euros chacun en réparation du préjudice subi, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2015 et de la capitalisation des intérêts, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire la somme de 8 659,20 euros au titre des débours engagés, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de lecture du jugement et la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 1 680 euros à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 août 2019, Mme E... D... et M. E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 mars 2018 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne à leur verser la somme de 25 000 euros chacun, après application du taux de perte de chance, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du dépôt de leur réclamation indemnitaire et de la capitalisation en raison de la faute commise par cet établissement hospitalier ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Saint-Etienne la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils mettent en doute les conclusions de l'expert qui n'a pas été mis en possession de l'enregistrement du rythme cardiaque foetal ; il n'a pas été répondu à la question posée dans le dire du 6 mars 2015 et relative à l'absence de réévaluation de la situation de la parturiente eu égard aux éléments de risques parfaitement évalués lors de son arrivée au centre hospitalier et alors que le 20 octobre 2012, à 19h15, il était noté une hypercinésie de fréquence ; il n'y a eu aucun réajustement de la technique à adopter compte tenu de la très lente dilatation du col alors même que le travail ne se faisait pas et que la parturiente était hospitalisée depuis 34 heures ; il n'est retrouvé nulle part de mesures échographiques de la hauteur de la présentation qui constituent un élément essentiel avant de tenter les forceps ; si l'expert indique qu'il aurait été logique de procéder à une césarienne le 19 octobre, il est incohérent et contradictoire de prétendre que la responsabilité du CHU dans la perte de chance de survie de l'enfant serait de seulement 20 % ; il est contradictoire d'indiquer que l'enfant aurait souffert d'une absence d'oxygénation avant son arrivée à l'hôpital et d'indiquer que le 21 octobre 2012, à sa naissance, l'enfant présentait un état d'oxygénation satisfaisant ; le tracé du rythme cardiaque foetal n'a jamais été transmis à l'expert ; selon l'autopsie, l'asphyxie est survenue en période péri-partum, c'est-à-dire pendant le travail d'accouchement ; la circonstance que la quantité de liquide est normale et que le liquide à la rupture est clair dément l'hypothèse d'un manque d'oxygène antérieur au 19 octobre 2012 ; l'expertise contient des contradictions dès lors qu'elle indique qu'une césarienne aurait dû être mise en oeuvre la veille en fin d'après-midi ou en début de soirée et que la surveillance du travail aurait dû être confiée au médecin de garde et qu'elle retient principalement la responsabilité de la sage-femme quant à l'état de santé de l'enfant ;
- avant d'avoir exercé en libéral, Mme I... avait été sage-femme à l'hôpital Nord ; la sage-femme voyait la parturiente depuis le début de sa grossesse et il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas effectué une surveillance attentive de la grossesse ; il n'est pas établi, par suite, que le défaut d'oxygénation serait antérieur à l'admission au centre hospitalier ;
- elle n'a été examinée au centre hospitalier que par la sage-femme et l'interne de garde ;
- l'accouchement par voie basse n'aurait jamais dû être envisagé par le centre hospitalier dès lors que tous les éléments médicaux étaient en faveur d'une césarienne ;
- il n'y a aucun retard de croissance permettant de supposer un manque d'oxygène pendant de nombreux jours ;
- aucun dosage de Lactate qui aurait pu permettre d'apprécier l'acidose métabolique du foetus n'a été effectué ;
- la perte de chance de survie de l'enfant est directement liée à la faute commise par le centre hospitalier ; elle présentait une grossesse à risque ; il n'y avait pas de souffrance foetale ; la responsabilité du décès de l'enfant incombe au centre hospitalier et si une césarienne avait été effectuée, l'enfant aurait survécu.
Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2019, le CHU de Saint-Etienne, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Mme E... présentait de nombreux facteurs de risques, raisons pour lesquelles sa grossesse n'aurait pas dû être exclusivement suivie par une sage-femme mais méritait une surveillance médicale spécialisée ;
- l'expert souligne qu'un suivi plus précoce au sein du centre hospitalier aurait probablement conduit à un accouchement par césarienne prophylactique une dizaine de jours avant le terme ;
- c'est essentiellement la surveillance inadaptée de la grossesse qui a été à l'origine d'une perte de chance pour l'enfant d'échapper au décès ;
- il résulte du rapport d'expertise que l'encéphalopathie anoxo-ischémique de l'enfant n'est pas survenue en cours de travail mais est intervenue dans les jours précédents ; les examens excluent donc d'imputer l'asphyxie foetale à la seule période de travail ; si les requérants affirment que le rapport d'autopsie aurait retenu une asphyxie péri-partum, force est de constater que ce rapport n'est pas produit ; les conclusions de ce rapport ne contredisent pas celles du rapport d'expertise ;
- compte tenu des éléments contenus dans le rapport d'expertise, c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que le retard de prise en charge reproché au centre hospitalier a été à l'origine d'une perte de chance d'éviter le décès de l'enfant de 10 %.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.
Considérant ce qui suit :
1. Le 19 octobre 2012, à 9h00, Mme B... E..., née le 14 mai 1982, enceinte de son second enfant, a été admise au centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne à 40 semaines d'aménorrhée et cinq jours. Le 20 octobre 2012, vers 12h30, Mme E... a été admise en salle d'accouchement et le travail a été déclenché par syntocinon vers 20h50. L'absence de progression de la présentation en occipito-iliaque droite postérieure mal fléchie du foetus a conduit le gynécologue-obstétricien à procéder à deux tentatives d'extraction instrumentale, d'abord par application de forceps, puis par ventouse. A 3h38, après application de la ventouse et un effort expulsif, Mme E... a donné naissance à un garçon de 3 690 grammes. L'état clinique du nouveau-né a été noté immédiatement comme préoccupant avec une hypotonie majeure. Il a été pris en charge par le pédiatre et, ensuite, a été transféré en réanimation néonatale pour poursuivre sa prise en charge sous ventilation mécanique. Une première IRM a été réalisée le 22 octobre 2012 et a mis en évidence une hémorragie méningée dans le faux du cerveau, dans le temple du cervelet et les vallées sylviennes et un aspect hétérogène de la substance blanche postérieure correspondant probablement à des lésions ischémiques. Il a été également relevé un céphalhématome pariéto-occipital. Une deuxième IRM réalisée le 2 novembre 2012 a montré des lésions de la substance blanche à l'étage sustentoriel particulièrement marquées au niveau des deux lobes frontaux et sur le lobe pariétal gauche avec une atteinte du cortex. Une troisième IRM pratiquée le 9 novembre 2012 a établi l'aggravation des lésions ischémiques. Devant l'importance des lésions neurologiques et le caractère péjoratif du pronostic, l'arrêt des soins a été décidé. Le nouveau-né est décédé le 13 novembre 2012. Imputant son décès à des fautes commises lors de l'accouchement, Mme et M. E... ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la désignation d'un expert. Par ordonnance du 9 juillet 2014, le président du tribunal administratif de Lyon a désigné le professeur Rudigoz en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 21 janvier 2015. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 13 mars 2018 en tant que le tribunal administratif de Lyon n'a que partiellement fait droit à leur demande d'indemnisation.
Sur la responsabilité du CHU de Saint-Etienne :
2. Aux termes du I de l'article L. 11421 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la grossesse de Mme E... a été presque exclusivement suivie et surveillée par une sage-femme exerçant à titre libéral et ce alors que la parturiente présentait une grossesse à haut risque compte tenu de son obésité importante, d'un antécédent de pré-éclampsie avec un risque éventuel de récidive et un utérus cicatriciel qui aurait dû conduire la sage-femme à confier la surveillance de la grossesse à l'équipe du CHU de Saint-Etienne au plus tard au 4ème mois de grossesse. L'expert, le professeur Rudigoz, souligne encore qu'une consultation plus précoce au centre hospitalier aurait permis à l'équipe médicale de prendre en compte sereinement les difficultés prévisibles de l'accouchement et aurait probablement amené cette équipe à envisager le recours à une césarienne prophylactique. Ainsi, l'absence de suivi en milieu hospitalier de cette grossesse à haut risque a privé l'établissement de santé de la possibilité d'évaluer correctement les facteurs de risque et de décider des modalités de surveillance de la fin de grossesse et d'envisager éventuellement une naissance prématurée par césarienne.
4. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le professeur Rudigoz a relevé l'existence de plusieurs manquements du centre hospitalier à compter de l'entrée de la parturiente dans le service de maternité. En premier lieu, une décision de césarienne prophylactique aurait été logique dès le 19 octobre 2012 compte tenu des multiples facteurs de risque. En deuxième lieu, le travail de l'accouchement, déclenché artificiellement, a été trop long et une décision de césarienne aurait été logique en fin d'après-midi ou au plus tard en début de soirée, le 20 octobre. En troisième lieu, il aurait été indispensable que la sage-femme ou l'interne de garde prévienne le médecin de garde au cours du travail de Mme E..., avant le dernier moment et il n'était pas logique que l'interne de garde réalise elle-même une tentative d'extraction instrumentale qui s'avérait délicate.
5. Mme E... remet en cause les conclusions de l'expertise en faisant valoir que l'expert n'aurait pas répondu au dire formulé par courrier en date du 6 mars 2015 et relatif à l'absence de réévaluation de l'état de santé de la parturiente au regard des risques évalués lors de son arrivée au centre hospitalier. Toutefois, le rapport d'expertise a pris en compte ce dire dès lors qu'à la question : " la décision de procéder à un déclenchement artificiel sur un utérus cicatriciel était-elle logique ' ", le professeur Rudigoz a précisé que " compte tenu de la conjonction des facteurs de risque : obésité, utérus cicatriciel, conditions mécaniques peu favorables, terme atteint, hypertension artérielle, il nous semble qu'il aurait été logique de prendre la décision de procéder à une césarienne dès le 19 octobre, d'autant plus que le déclenchement se promettait d'être délicat et qu'il ne pourrait certainement pas permettre d'obtenir une naissance rapidement ". Dans ses conclusions, l'expert retient parmi les manquements quant à la conduite de l'accouchement de Mme E... l'absence de décision de recours à une césarienne prophylactique dès le 19 octobre compte tenu des multiples facteurs de risque. Le professeur Rudigoz a également relevé l'absence de réajustement de la technique à adopter en fin d'après-midi ou au plus tard en début de soirée du 20 octobre.
6. Il en résulte que le CHU de Saint-Etienne a commis des manquements en ne procédant pas à une césarienne, soit dès le 19 octobre, soit le 20 octobre, compte tenu des risques que présentait l'accouchement par voie basse de Mme E... et en ne faisant pas appel au médecin de garde au cours du travail de la parturiente qui s'est conclu par plusieurs tentatives d'extraction instrumentale dont la première a été réalisée par l'interne seul alors qu'il aurait dû procéder sous la surveillance du médecin de garde. Ces manquements présentent le caractère de fautes de nature à engager la responsabilité du CHU de Saint-Etienne.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne le taux de perte de chance :
7. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
8. Les requérants font valoir que le taux de perte de chance retenu par l'expert, soit 20 %, doit être réévalué pour tenir compte de l'absence de production du tracé de l'enregistrement du rythme cardiaque foetal, de ce que la sage-femme exerçant à titre libéral a effectué un suivi attentif de la grossesse et n'a pas détecté d'anomalies et qu'il n'est pas établi que l'enfant aurait souffert d'une absence d'oxygénation avant son arrivée à l'hôpital.
9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le professeur Rudigoz a indiqué que les manquements relevés " pour regrettables qu'ils soient n'ont sans doute eu aucune conséquence directe sur l'état d'oxygénation du bébé puisque les gaz du sang à la naissance étaient normaux. On a donc toute raison de penser que s'il y a eu une asphyxie au cours du travail, celle-ci a été brève, modérée et n'a pas eu de conséquences importantes sur l'évolution ultérieure du nouveau-né " et a conclu que l'ensemble des manquements relevés a entrainé une perte de chance d'éviter les lésions neurologiques et le décès de l'enfant d'environ 50% en faisant état de ce que la responsabilité en incombe principalement aux manquements retenus à l'encontre de la sage-femme exerçant en libéral pour 80%, la responsabilité du CHU de Saint-Etienne étant plus modeste de l'ordre de 20 % ". Il précise encore que " si la sage-femme exerçant à titre libéral avait adressé Mme E... le 15 octobre au centre hospitalier de Saint-Etienne, il est possible mais non pas certain que l'on ait pu éviter la survenue d'une encéphalopathie anoxo-ischémique et (...) si une césarienne prophylactique avait été décidée par l'équipe du centre hospitalier de Saint-Etienne le 19 octobre, date à laquelle Mme E... a pris contact, pour la première fois avec le CHU, il est hautement probable que des lésions cérébrales aient déjà été constituées. Si une césarienne avait été faite, elle aurait peut-être pu éviter les décès de l'enfant mais si celui-ci avait vécu, il aurait sans doute été porteur de séquelles neurologiques importantes ".
10. Pour formuler de telles conclusions, le professeur Rudigoz a estimé qu'"une asphyxie per-partum peut être évoquée puisque le travail de l'accouchement a été long, que l'accouchement lui-même a été difficile : plusieurs applications de forceps et de ventouse et que l'état neurologique de l'enfant était très mauvais dès la naissance. (...) Par contre, les pH à la naissance étaient bons ce qui n'est pas courant en cas d'asphyxie per-partum puisque le pH est un très bon reflet de l'état d'oxygénation du bébé dans les 4 à 6 heures qui précèdent l'accouchement. Par ailleurs, il ne semble pas que des anomalies grave du rythme cardiaque foetal soient survenues pendant l'accouchement. Enfin, la première IRM fait le jour même de la naissance montrait déjà l'existence d'anomalies de la substance blanche. Or, il faut toujours un certain délai, quelques heures, quelques jours pour que des lésions soient visibles à l'IRM. On peut donc dire que, sans pouvoir écarter formellement une asphyxie per-partum, celle-ci paraît peu probable du fait de la convergence d'un certain nombre d'arguments biologiques et d'imagerie. Une asphyxie ante-partum, survenue en fin de grossesse, nous semble l'hypothèse la plus probable. En effet, l'état de l'enfant à la naissance était cliniquement très péjoratif alors même que les gaz du sang étaient bons, ce qui a priori écarte une asphyxie dans les heures qui ont précédé la naissance. (...) Cette asphyxie n'est certainement pas survenue de façon chronique depuis très longtemps avant la naissance puisque le poids de naissance du bébé était normal et que le placenta ne montrait pas de lésion significative. On a donc l'hypothèse de loin la plus probable que cette asphyxie est survenue dans les derniers jours de la grossesse. Il faut d'ailleurs noter qu'en fin de grossesse, Mme E... présentait des oedèmes importants et une hypertension artérielle nette. ". L'expert indique également qu'un argument peut être retenu contre cette hypothèse et qu'il résulte du fait que les enregistrements du rythme cardiaque foetal, qu'il n'a pas pu vérifier, étaient normaux.
11. Mme E... fait valoir que les conclusions de l'expertise sont contestables en l'absence, dans le dossier médical, du tracé de l'enregistrement du rythme cardiaque foetal. Il résulte de l'instruction que l'expert a relevé, à plusieurs reprises, l'absence de cet enregistrement en indiquant notamment que " l'analyse fine des conditions de l'accouchement est toutefois rendue difficile par l'absence d'enregistrements du rythme cardiaque foetal dans le dossier, ce qui ne nous permet pas d'analyser cet élément de surveillance fondamentale ". Malgré cette absence de tout tracé du rythme cardiaque foetal dans le dossier médical, l'expert a formulé des conclusions quant aux causes des lésions neurologiques dont l'enfant était atteint à la naissance et au moment où ces lésions sont survenues en se fondant, d'une part, sur les enregistrements du rythme cardiaque foetal tels qu'ils étaient reportés dans le dossier médical et, d'autre part, sur les autres éléments du dossier médical disponibles en indiquant qu'" on peut donc dire que, sans pouvoir écarter formellement une asphyxie per-partum, celle-ci paraît peu probable du fait de la convergence d'un certain nombre d'arguments biologiques et d'imagerie ".
12. Mme E... fait également valoir que le suivi de la grossesse par la sage-femme exerçant à titre libéral a été consciencieux et que lors de cette surveillance, la sage-femme n'a décelé aucune anomalie. Ainsi qu'il a été dit plus haut, la grossesse de Mme E... a été surveillée presque exclusivement par une sage-femme exerçant en libéral. Or, la grossesse de Mme E... était une grossesse à haut risque qui aurait dû conduire la sage-femme à confier le suivi de la grossesse dès le 4ème mois à l'équipe du CHU de Saint-Etienne. L'expert retient qu'une surveillance clinique et surtout échographique plus attentive aurait dû être mise en oeuvre, ce qui aurait permis de surveiller plus attentivement cette grossesse et aurait peut-être permis de mettre en évidence des anomalies, cliniques, échographiques ou vélocimétriques qui auraient pu attirer l'attention de l'équipe médicale sur le risque d'asphyxie périnatale et aurait permis à cette équipe d'intervenir à temps. L'expert ajoute que " le 15 octobre 2012, c'est-à-dire au voisinage du terme, devant la constatation de signes cliniques inquiétants, oedèmes des membres inférieurs, hypertension artérielle, chez une patiente obèse ayant des antécédents de pré-éclampsie, il était impératif que la sage-femme exerçant en libéral adresse le jour même Mme E... à la maternité du centre hospitalier de Saint-Etienne et ne conseille pas d'attendre 4 jours pour aller à la maternité. Cette décision est regrettable car il n'est pas du tout exclu que l'ischémie cérébrale dont a été victime le foetus soit survenue pendant cette période, entre le 15 et le 19 octobre 2012 ". Ainsi, et nonobstant la circonstance que la sage-femme exerçant en libéral avait, par le passé, exercé ses fonctions au sein du CHU de Saint-Etienne, Mme E... n'établit pas que le suivi de sa grossesse a été conforme aux règles de l'art.
13. Si Mme E... fait valoir que les taux de perte de chance retenus par l'expert sont contradictoires avec ses conclusions qui indiquent qu'il aurait été logique de procéder à une césarienne dès le 19 octobre ou encore que les conclusions de l'expert estimant que le foetus avait souffert d'une absence d'oxygénation avant le 19 octobre 2012 sont contradictoires avec l'affirmation selon laquelle l'enfant présentait un état d'oxygénation satisfaisant à la naissance et ne souffrait pas de retard de croissance ou encore que la quantité et l'aspect du liquide étaient normaux, elle n'établit pas, en se bornant à faire état de ces constatations, le caractère erroné des conclusions de l'expert et notamment du taux de perte de chance retenu et de la part de responsabilité du centre hospitalier dans cette perte de chance de survie de l'enfant. Par ailleurs, si l'expert a lui-même relevé que le caractère normal des enregistrements du rythme cardiaque foetal pouvait être retenu contre l'hypothèse d'une asphyxie survenue dans les derniers jours de la grossesse, il a procédé à une analyse des différents éléments dont il disposait, et notamment de l'état clinique de l'enfant à la naissance, des gaz du sang et des données de l'IRM, pour pouvoir formuler l'hypothèse, qui lui paraissait la plus probable, d'une asphyxie ayant débuté en fin de grossesse.
14. Mme E... soutient également que le médecin légiste aurait conclu que le décès de l'enfant est dû à une encéphalopathie anoxo-ischémique constituée en période péri-partum. Toutefois, ce rapport du médecin légiste n'est pas produit par la requérante ainsi que le souligne le CHU.
15. Eu égard à ce qui a été dit, il sera fait une juste appréciation de la part du CHU de Saint-Etienne à l'évaluant à 10 % des préjudices subis. Il s'ensuit que l'ampleur de la perte de chance retenue étant de 10 %, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Saint-Etienne la réparation de cette fraction du dommage corporel.
En ce qui concerne les préjudices :
16. Aucune partie ne conteste le jugement attaqué en ce qu'il a estimé que les troubles dans les conditions d'existence, y compris le préjudice moral, subis par M. et Mme E..., devaient être évalués à hauteur de 20 000 euros chacun. Par suite, et compte tenu du taux de perte de chance retenu, c'est à juste titre que le tribunal administratif a condamné le CHU de Saint-Etienne à verser la somme de 2 000 euros à chacun des deux parents de l'enfant décédé.
17. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité le montant de la condamnation du CHU de Saint-Etienne à la somme de 2 000 euros pour chacun des parents de l'enfant décédé.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Saint-Etienne, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme et M. E... demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... J... E... et Mme B... E... D..., au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 juin 2020.
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N° 18LY01713