Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Bouygues Travaux Publics Régions France, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Gestion Technique d'Equipement Civil (GETEC) à lui verser la somme de 1 563 006,30 euros HT outre intérêts moratoires à compter du 28 mai 2010, capitalisés au 28 mai 2011, en indemnisation de ses préjudices financiers.
Par un jugement n° 1503236 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 27 juin 2018, la société Bouygues Travaux Publics Régions France, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 novembre 2017 ;
2°) de condamner la société GETEC à lui verser une somme de 1 563 006,30 euros HT outre intérêts moratoires à compter du 28 mai 2010, capitalisés au 28 mai 2011 ;
3°) de condamner la société GETEC à lui verser la somme de 18 462,58 euros TTC au titre de frais d'expertise qu'elle a supportés, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013 ;
4°) de mettre à la charge de la société GETEC une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les erreurs commises par le maître d'oeuvre, le dossier de consultation des entreprises étant trop sommaire, ont engendré un préjudice lié aux études qu'elle a dû effectuer durant la période de préparation du chantier qui doit être évalué à 196 017,50 euros HT ;
- la société GETEC ne l'a pas informée qu'elle ignorait les composants des encorbellements, et la présence de fers doux filants a engendré un préjudice de 116 448 euros HT ;
- la société GETEC a omis, avant de rédiger le dossier de consultation des entreprises, de procéder à une reconnaissance de la partie centrale de l'ouvrage et a ensuite dû modifier le projet de dalle tirant en encorbellement, ce qui lui a causé un préjudice qui doit être évalué à 41 600 euros ;
- les travaux de démolition-reconstruction des hourdis inférieurs des poutres caisson sont dus à une erreur de la société GETEC dans la conception des plans, ce qui a entrainé un préjudice de 245 402, 35 euros HT ;
- le surcoût lié à la réalisation de la dalle tirant est dû aux erreurs du dossier de consultation des entreprises sur la géométrie du tablier existant et a occasionné pour elle un préjudice de 191 802 euros ;
- compte tenu des fautes commises par la société GETEC, la prolongation du délai d'exécution et son surcoût de 144 741 euros HT doivent lui être imputés ;
- les frais bancaires auxquels elle a été confrontée pendant l'exécution du marché du fait des erreurs de la société GETEC correspondent à un préjudice de 45 279,43 euros HT.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2018 la société GETEC, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la société Bouygues Travaux Publics Régions France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme D...,
- et les observations de Me C..., pour la société Bouygues Travaux Publics Régions France et de Me A..., pour la société GETEC ;
Considérant ce qui suit :
1. Le département de la Haute-Savoie a, le 23 décembre 2008, confié à la société DV Construction un marché de travaux pour la réparation de la structure du pont de la Caille sur la route départementale 1201, sous maîtrise d'oeuvre de la société GETEC. La Société Bouygues Travaux Publics Régions France, venant aux droits de la société DV Construction, relève appel du jugement du 14 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société GETEC à lui verser la somme de 1 563 006,30 euros en indemnisation de ses préjudices.
Sur les conclusions indemnitaires de la Société Bouygues Travaux Publics Régions France :
2. Le participant à une même opération de construction peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de l'un des autres participants à cette opération de construction avec lequel il n'est lié par aucun contrat pour obtenir l'indemnisation des conséquences onéreuses résultant des difficultés auxquelles il a été confronté dans l'exécution de son marché du fait de ce participant.
3. Il résulte de l'instruction que les travaux confiés à la société requérante, qui portaient sur la réparation d'un ouvrage d'art construit et mis en service depuis plusieurs décennies, ne pouvaient être précisément identifiés et évalués qu'à l'issue d'études et sondages nécessitant l'interruption de la circulation et la démolition partielle de certaines parties de l'ouvrage. Dès lors, le dossier de consultation des entreprises ne pouvait être exhaustif, sans que cela ne constitue en l'espèce une faute, et ce d'autant que certains sondages, études et définitions de certains travaux nécessaires ne pouvaient être effectués que durant la phase d'exécution des travaux. Au vu de ces documents de consultation des entreprises, la société requérante ne pouvait d'ailleurs ignorer les risques qu'elle encourait en soumissionnant à des prix qui ne couvraient pas un aléa détecté dès le stade de la mise en concurrence. Par suite, en l'absence de faute du maître d'oeuvre, la société Bouygues Travaux Publics Régions France n'est pas fondée à demander sa condamnation à lui verser une indemnisation correspondant aux préjudices qu'elles prétend avoir subi du fait d'une période de préparation anticipée, de carences du maître d'oeuvre ou liés à la démolition des encorbellements existants, à la modification du projet de dalle tirant en encorbellement, à la démolition-reconstruction des hourdis inférieurs des poutres caisson et de la réalisation de la dalle tirant.
4. La société requérante ne développe pas davantage en appel qu'en première instance ses prétentions relatives à la prolongation du délai d'exécution lié aux modifications de travaux, dont elle n'établit pas qu'elle serait imputable à une faute du maitre d'oeuvre.
5. En l'absence de faute du maître d'oeuvre, la demande de la Société Bouygues Travaux Publics Régions France relative à l'indemnisation des frais bancaires auxquels elle a été soumise pendant l'exécution du marché doit être rejetée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bouygues Travaux Publics Régions France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
7. Aux termes du jugement n° 1402945 du tribunal administratif de Grenoble confirmé par l'arrêt de la cour n° 17LY02613 de ce jour, les dépens ont été mis à la charge définitive de la société requérante. Au soutien des conclusions qu'elle présente dans la présente instance, elle n'établit pas que la société GETEC devrait en supporter le coût, en tout ou partie. Par suite, les dépens doivent demeurer à la charge définitive de la Société Bouygues Travaux Publics Régions France.
Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société GETEC, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Bouygues Travaux Publics Régions France une somme au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à ce titre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Bouygues Travaux Publics Régions France à verser à la société GETEC.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Bouygues Travaux Publics Régions France est rejetée.
Article 2 : La société Bouygues Travaux Publics Régions France versera une somme de 2 000 euros à la société GETEC en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bouygues Travaux Publics Régions France et à la société Gestion Technique d'Equipement Civil.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme F..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 juillet 2020.
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N° 18LY00138