Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Nexans France a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :
- la décision du 30 juin 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle annulait la décision de l'inspecteur du travail de la 3ème section du Rhône du 24 décembre 2015 autorisant le licenciement pour motif économique de M. B... et estimait qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. B... ;
- la décision implicite de rejet née le 30 août 2015 du silence gardé par l'inspecteur du travail sur sa demande d'autorisation de licenciement de M. B....
M. A... B... a demandé au tribunal d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 24 décembre 2015 et la décision implicite du ministre chargé du travail du 16 juin 2016.
Par jugement n° 1606107 lu le 3 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 30 juin 2016 en tant qu'elle ne statuait pas sur la demande d'autorisation de licenciement de M. B... et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Nexans France ainsi que les conclusions présentées par M. B...
Procédure devant la cour
I) Par une requête enregistrée le 31 mai 2018 sous le n° 18LY02045, et un mémoire enregistré le 13 juin 2018, présentés pour la société Nexans France, il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1606107 du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 30 juin 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 3ème section du Rhône du 24 décembre 2015 autorisant le licenciement pour motif économique de M. B... ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision de l'inspecteur du travail était insuffisamment motivée dès lors que cette décision répondait aux exigences de motivation issues de la jurisprudence administrative.
Par un mémoire enregistré le 13 décembre 2018, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
II) Par une requête enregistrée le 1er juin 2018 sous le n° 18LY02047, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1606107 du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé la décision du 30 juin 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. B... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de la société Nexans France dirigées contre la décision susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de la la société Nexans France la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il appartenait au ministre de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement alors qu'il n'était pas tenu de le faire.
Par un mémoire enregistré le 13 décembre 2018, le ministre du travail indique s'en remettre à la cour pour l'appréciation des suites à donner à la requête.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., recruté en 1990 en qualité d'opérateur de production au sein de la société Nexans France, était investi des mandats de membre du comité d'entreprise et de délégué du personnel. A la suite d'un plan de sauvegarde de l'emploi ayant donné lieu à un accord collectif, la société Nexans France a, par une lettre du 29 juin 2015 reçue le 30 juin 2015, sollicité l'autorisation de licencier M. B.... Le 30 août 2015, une décision implicite de rejet de cette demande est née du silence gardé par l'inspecteur du travail de la 3ème section du Rhône et, par une lettre du 26 octobre 2015, la société Nexans France a formé un recours hiérarchique auprès du ministre chargé du travail, dont elle s'est toutefois désistée, le 22 janvier 2016, après que l'inspecteur du travail a, par une décision du 24 décembre 2015, retiré sa décision implicite de rejet du 30 août 2015 et a autorisé le licenciement de M. B.... Par une lettre du 11 février 2016, M. B... a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail contre cette décision de l'inspecteur du travail du 24 décembre 2015 mais, le 16 juin 2016, une décision implicite de rejet de ce recours hiérarchique est née du silence gardé par le ministre. Par une décision du 30 juin 2016, le ministre chargé du travail a toutefois retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de M. B..., annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 décembre 2015 et estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. B... , au motif que l'annulation de la décision de l'inspecteur du 24 décembre 2015 avait fait revivre la décision implicite de rejet de la demande d'autorisation de licenciement de ce salarié du 30 août 2015. D'une part, sous le n° 18LY02045, la société Nexans France relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 30 juin 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 3ème section du Rhône du 24 décembre 2015 autorisant le licenciement pour motif économique de M. B.... D'autre part, sous le n° 18LY02047, M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé cette décision du 30 juin 2016 en tant que le ministre a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'autorisation de le licencier.
2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et concernent la situation du même salarié protégé. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête de la société Nexans France:
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ". Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail de la 3ème section du Rhône, saisi par la société Nexans France d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de M. B..., s'est borné, pour accorder à cette entreprise l'autorisation de licenciement sollicitée, après avoir rappelé les arguments avancés par cette société, selon lesquels la demande d'autorisation de licenciement s'inscrivait dans le cadre de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et du groupe, à constater que le poste de travail avait été transféré sur un autre site, compte tenu de l'arrêt de l'activité industrielle de l'usine de Lyon, et que le salarié n'avait pas accepté cette modification de son contrat de travail, et à mentionner le refus du salarié des offres de reclassement sans mentionner avoir procédé au contrôle de la réalité du motif économique et avoir examiné le caractère sérieux des offres de reclassement. Dès lors, contrairement à ce que soutient la société requérante, le ministre du travail était fondé à annuler la décision de l'inspecteur du travail du 24 décembre 2015 ayant, d'une part, retiré la décision implicite de rejet de la demande d'autorisation de licenciement de M. B... et, d'autre part, autorisé le licenciement de ce salarié, au motif de l'insuffisante motivation de cette décision.
Sur la requête de M. B... :
6. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par une lettre du 11 février 2016, M. B... a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail contre la décision du 24 décembre 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section du Rhône avait, d'une part, retiré sa décision implicite, née le 30 août 2015, de rejet de la demande par laquelle la société Nexans France avait sollicité l'autorisation de procéder au licenciement de M. B... et, d'autre part, autorisé ce licenciement. Il appartenait au ministre, saisi d'un recours hiérarchique contre cette décision du 24 décembre 2015 de l'inspecteur du travail retirant une précédente décision de refus d'autorisation et accordant l'autorisation demandée, de statuer sur la légalité de la décision de l'inspecteur, y compris en tant qu'elle retirait le refus initial d'autorisation, ainsi qu'il y a procédé. Ayant prononcé l'annulation de cette décision du 24 décembre 2015, le ministre du travail, qui avait ainsi rétabli la décision implicite de refus d'autorisation de licenciement de M. B..., en date du 30 août 2015, créatrice de droits pour ce salarié, et qui n'était plus saisi, à la date de sa décision, du recours hiérarchique formé le 26 octobre 2015 contre cette décision par la société Nexans France depuis qu'elle s'était désistée, le 22 janvier 2016, de ce recours, le ministre a pu à bon droit estimer qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par cette société. C'est, dès lors, à tort que, pour annuler cette décision du ministre du travail en tant qu'il avait estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande d'autorisation de licenciement, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que le ministre du travail s'était illégalement regardé comme dessaisi du recours dirigé contre la décision du 30 août 2015.
7. D'une part, il résulte de ce qui précède que la société Nexans France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 30 juin 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'il a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 3ème section du Rhône du 24 décembre 2015 autorisant le licenciement pour motif économique de M. B.... D'autre part, en l'absence d'autre moyen susceptible d'être examiné au titre de l'effet dévolutif de l'appel sur ce point, il en résulte également que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement le tribunal a annulé cette décision du 30 juin 2016 dudit ministre en tant qu'il a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'autorisation de le licencier.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans les présentes instances, une somme au titre des frais exposés par la société Nexans France à l'occasion du litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Nexans France une somme au titre des frais exposés par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1606107 du tribunal administratif de Lyon du 3 avril 2018 est annulé.
Article 2 : La requête n° 18LY02045 de la société Nexans France, les conclusions de sa demande devant le tribunal administratif de Lyon dirigées contre la décision du 30 juin 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'il estimait qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. B..., et le surplus des conclusions de la requête n° 18LY02047 de M. B... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nexans France, à M. A... B... et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.
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Nos 18LY02045, 18LY02047
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