Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... H... et la Mutuelle des motards ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le département de la Savoie à lui verser une indemnité totale de 53 652,60 euros en réparation du préjudice résultant de sa chute à motocyclette.
La caisse locale déléguée pour la sécurité des travailleurs indépendants, venant aux droits du régime social des indépendants (RSI) d'Auvergne, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le département de la Savoie à lui verser les sommes de 65 635,10 euros en remboursement des débours engagés et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1602596 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le département de la Savoie à verser les sommes de 13 791 euros à M. H..., de 32 384,80 euros au titre des débours engagés et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et de 866 euros à la Mutuelle des motards et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2018, le département de la Savoie, la SARL PNAS et AREAS DOMMAGES, représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. H..., la Mutuelle des motards et la caisse locale déléguée pour la sécurité des travailleurs indépendants devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener les sommes allouées par le tribunal administratif de Grenoble à de plus justes proportions ;
4°) de mettre à la charge solidaire de M. H... et de la Mutuelle des motards la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble a constaté que la société PNAS est une société de courtage en assurance et non l'assureur du département de la Savoie et l'a mise hors de cause ;
- les dénivellations n'excédant pas cinq centimètres de profondeur ne caractérisent pas par principe un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ; les déformations de la chaussée sont manifestement minimes et ne constituent pas des obstacles excédant ceux que doivent s'attendre à rencontrer les usagers de la voie publique normalement attentifs et prudents ; aucun autre accident n'a eu lieu du fait de cette déformation alors que celle-ci est apparue durant l'hiver précédent et que le route est très fréquentée par des motards et cyclistes ; l'accident étant survenu en plein jour, cette dénivellation ne pouvait échapper à la vigilance de tout usager normalement attentif ;
- la déformation était visible plusieurs dizaines de mètres avant que l'usager ne l'aborde ;
- l'accident est survenu sur une portion de voie constituée d'une succession de virages serrés lesquels étaient signalés par un panneau ; si M. H... avait adopté une vitesse adaptée, il n'aurait pas dû être surpris par la défectuosité mise en cause ; la visibilité aux abords du virage était inférieure à 50 mètres et M. H... n'aurait pas dû rouler à une vitesse excédant 50 km/h ; les gendarmes ont noté des traces de ripage sur près de 20 mètres et le montant des réparations a été chiffré au double de la valeur de remplacement du véhicule accidenté ; il est ainsi démontré que M. H... roulait à une vitesse excessive ;
- les pneumatiques avant et arrière de la moto présentaient respectivement une usure de 80 et 70 % ;
- ces fautes justifient le rejet pur et simple de la demande de M. H... et de la Mutuelle des motards ;
- dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation, M. H... et la Mutuelle des motards n'établissent pas que les préjudices n'auraient pas été pris en charge par l'assureur du conducteur du véhicule qui l'a percuté ; il n'est pas établi que M. G... n'aurait pas été assuré ; il ressort de l'audition de M. G... qu'il était assuré auprès de la société Pacifica en tous risques ;
- concernant le préjudice matériel, M. H... ne justifie pas ne pas avoir été indemnisé du coût de la différence de valeur de son véhicule avant et après l'accident, du coût de remplacement de son casque, des honoraires d'expertise et de la réparation du préjudice résultant de l'immobilisation de son véhicule pendant une journée ; il ne justifie pas des dommages causés à son casque et de sa valeur ; son contrat d'assurance prévoit une garantie pour l'équipement du conducteur avec un plafond de 1 000 euros ; le préjudice résultant de l'immobilisation du véhicule n'est pas caractérisé ;
- concernant les dépenses de santé, M. H... bénéficie d'une garantie pour les frais d'hospitalisation aux termes de son contrat d'assurance ;
- concernant les frais d'assistance par une tierce personne, il n'est pas justifié de la réalité de cette aide qui, en tout état de cause, ne pourrait que constituer un préjudice propre à Mme H... ; l'éventuelle indemnité ne saurait excéder 890 euros ;
- concernant le déficit fonctionnel temporaire, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique, les sommes sollicitées sont excessives ;
- concernant les souffrances endurées, l'évaluation de ce chef de préjudice est excessive dès lors que l'intéressé a repris son activité professionnelle moins de cinq mois après son accident et était autonome quatre mois après cet accident ;
- concernant le préjudice moral, celui-ci n'est pas établi ;
- concernant le préjudice d'agrément, il n'est pas établi que M. H... a dû arrêter la pratique du ski et la pratique de la randonnée est toujours possible ; par suite, aucune indemnité ne sera allouée pour ce chef de préjudice.
Par des mémoires, enregistrés le 30 janvier et le 13 mars 2019, M. E... H... et la Mutuelle des motards, représentés par Me B..., concluent à la réformation du jugement du 4 octobre 2018 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a retenu que la responsabilité partielle du département de la Savoie et n'a que partiellement fait droit à sa demande, à ce que l'arrêt soit déclaré commun à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, à la condamnation du département de la Savoie à verser à M. H... la somme de 51 109 euros et à la Mutuelle des motards les sommes de 866 et 110 euros et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du département de la Savoie en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- en application de l'article L. 131-2 aliéna 2 du code de la voirie routière, le département de la Savoie est chargé de l'entretien des voies départementales et a l'obligation de maintenir celles-ci dans un état conforme à sa destination ; l'enquête de gendarmerie conclut que l'accident trouve sa cause exclusive dans le mauvais entretien de la chaussée ; M. H... ne pouvait éviter les nids de poule présents sur la chaussée ; ces trous excédaient les risques ordinaires contre lesquels les usagers de la voie publique sont amenés à se prémunir ; aucun document ne permet d'établir la profondeur des trous ; en laissant subsister ces excavations importantes, le département n'a pas mis en oeuvre les mesures appropriées pour un entretien conforme à celui que l'usager est en droit d'attendre d'un service normalement diligent ; les excavations affectent la majeure partie de la voie de circulation, se situent dans un virage sans signalisation particulière et ne pouvaient être évitées ;
- il roulait à une vitesse normale ; il n'avait pas à slalomer sur la voie de circulation pour éviter les trous de la route ; la circonstance qu'aucun accident n'est intervenu sur cette portion de la route antérieurement ne saurait exonérer le département de sa responsabilité ; une usure de pneus de 70 % à 80 % ne constitue pas une infraction et ne peut être impliquée dans l'accident dès lors que la route était sèche ;
- M. H... verse aux débats les conditions particulières de son contrat d'assurance établissant qu'il ne bénéficie pas d'une garantie dommage ; concernant l'assurance de M. G..., il est établi que son véhicule n'était pas assuré ; c'est la raison pour laquelle la Mutuelle des motards a tenté de diriger son recours auprès du Fonds de garantie ;
- la Mutuelle des motards a réglé à M. H... la somme de 866 euros correspondant aux frais de santé restés à sa charge et elle a également remboursé le casque à hauteur de 110 euros ;
- l'assistance par une tierce personne devra être indemnisée à hauteur de 1 335 euros ;
- le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé à hauteur de 6 408 euros, le déficit fonctionnel permanent sera indemnisé à hauteur de 15 000 euros ; les souffrances endurées seront évaluées à 15 000 euros ; le préjudice esthétique sera évalué à 2 500 euros ; le préjudice d'agrément sera évalué à 10 000 euros ;
Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants (RSI) Auvergne agissant pour le compte de la caisse RSI Alpes, représentée par Me A... D..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 4 octobre 2018 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a retenu que la responsabilité partielle du département de la Savoie et n'a que partiellement fait droit à sa demande, à la condamnation du département de la Savoie à lui rembourser les débours engagés à hauteur de 65 635,10 euros, à lui verser la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge du département de la Savoie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la requête du département de la Savoie est irrecevable dès lors qu'elle ne contient pas une copie de la lettre de notification du jugement du tribunal administratif de Grenoble ;
- la responsabilité du département de la Savoie est engagée dès lors qu'il est tenu de maintenir la route départementale dans un état conforme à sa destination ; le département se contente d'affirmer que le trou sur lequel M. H... a roulé serait inférieur à 5 cm sans rapporter le moindre commencement de preuve ; l'état de la chaussée excède ce que doit s'attendre à rencontrer les usagers de la voie publique ; le département n'établit pas qu'il a procédé à un entretien normal de la chaussée ; la circonstance qu'aucun accident similaire sur cette voie n'a été signalé ne permet pas de démontrer l'entretien normal de la voie ; aucune signalisation n'était apposée pour informer les usagers du mauvais état de la chaussée ;
- il n'est pas établi que M. H... roulait à une vitesse excessive ; l'usure des pneus ne peut justifier l'accident qui a eu lieu sur une route sèche ;
- les dépenses de santé actuelles se sont élevées à 55 367,15 euros, les dépenses de santé futures sont évaluées à 451,50 euros ; la perte de gains professionnels actuels s'élève à 9 816,45 euros.
Le mémoire, enregistré le 28 juin 2020, présenté par la CPAM du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse du régime social des indépendants (RSI) Auvergne agissant pour le compte de la caisse RSI Alpes, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me A... D..., représentant la CPAM du Puy-de-Dôme.
Considérant ce qui suit :
1. Le 3 août 2013, vers 9h00, M. H... a été victime d'un accident alors qu'il circulait en motocyclette sur la route départementale (RD) 909 au lieudit Manant dans la commune de Flumet (dans le département de la Savoie). Il a perdu le contrôle de sa motocyclette, a glissé et heurté la camionnette circulant en sens inverse conduite par M. G.... Il a été transporté au centre hospitalier d'Annecy où il lui a été diagnostiqué un traumatisme thoracique avec des fractures multiples des côtes à droite, un traumatisme abdominal avec contusion hépatique et hématome surrénalien droit, une fracture comminutive de la clavicule gauche, une fracture des apophyses transverses bilatérales L1 à L4, une fracture du fémur gauche et droit, une fracture du plateau tibial latéral gauche, une entorse du genou gauche et une dermabrasion de l'épaule droite. Le 18 août 2014, la Mutuelle des motards a saisi le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) qui lui a précisé, par courrier du 27 août 2014, qu'il lui appartenait d'intenter une action à l'encontre de la collectivité en charge de la gestion de la chaussée pour obtenir l'indemnisation de la victime. M. H... et la Mutuelle des motards ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation du département de la Savoie à les indemniser des préjudices subis. La caisse locale déléguée pour la sécurité des travailleurs indépendants, venant aux droits du régime social des indépendants (RSI) d'Auvergne a également présenté des conclusions à fin d'indemnisation des débours engagés pour M. H.... Le département de la Savoie et la société AREAS DOMMAGES relèvent appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné le département de la Savoie à verser les sommes de 13 791 euros à M. H..., de 32 384, 80 euros au titre des débours engagés et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et de 866 euros à la mutuelle des Motards. Par la voie de l'appel incident, M. H... et la Mutuelle des motards ainsi que la CPAM du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité des travailleurs indépendants, demandent la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à leurs conclusions indemnitaires.
Sur la recevabilité de la requête du département de la Savoie et de la société AREAS DOMMAGES :
2. La CPAM du Puy-de-Dôme fait valoir que la requête du département de la Savoie est irrecevable dès lors qu'elle ne contient pas une copie de la lettre de notification du jugement du tribunal administratif de Grenoble.
3. En application des dispositions combinées des articles R. 4121 et R. 81113 du code de justice administrative, les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement attaqué et non pas de la copie de la lettre de notification du jugement attaqué. Ainsi, le défaut de production de la copie de cette lettre est sans incidence sur la recevabilité de la requête.
Sur la responsabilité du département de la Savoie :
4. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
5. Le département de la Savoie fait valoir que les déformations de la chaussée sont minimes et ne constituent pas des obstacles excédants ceux que doivent s'attendre à rencontrer les usagers de la voie publique normalement prudents et attentifs.
6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'enquête de la gendarmerie nationale de la compagnie d'Albertville que le 3 août 2013 vers 9h00, M. H... a perdu le contrôle de sa moto en raison " du mauvais état de la chaussée (nid de poule) engendrant la perte d'adhérence la roue avant ". Selon les photographies produites au dossier, cette portion de la route départementale présentait notamment sur l'axe central de la voie de circulation de M. H... des malformations d'une largeur importante, dont il n'est pas établi qu'elles étaient inférieures à cinq centimètres. Ces malformations excèdent les obstacles ou défectuosités que les usagers de la voie publique, et en particulier les conducteurs de véhicules à deux roues, doivent normalement s'attendre à rencontrer. Si le département de la Savoie fait valoir que ces malformations étaient visibles à l'heure de l'accident et ne pouvaient échapper à la vigilance d'un conducteur attentif, il n'est pas établi que ces déformations, situées sur une route de montagne dans un virage, étaient visibles de loin de sorte que l'intéressé aurait été en mesure de prendre toutes les précautions utiles pour éviter une perte d'adhérence. En l'absence de toute signalisation du risque que présentait la circulation sur la route en raison de ces malformations, le département de la Savoie et son assureur n'établissent pas, alors que la charge de la preuve leur incombe, avoir entretenu normalement l'ouvrage public.
7. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que M. H... aurait eu un comportement inapproprié dans la conduite de son véhicule et qu'il conduisait à une vitesse excessive.
8. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du véhicule que le pneu de la roue avant présentait un taux d'usure de 80 % et celui de la roue arrière présentait un taux d'usure de 70 %. Par suite, M. H... a commis une faute en prenant le risque de circuler à moto avec des pneus présentant un tel taux d'usure qui entraîne nécessairement une perte d'adhérence y compris lorsque la chaussée est sèche. Cette faute commise par M. H... est de nature à exonérer partiellement le département de la Savoie de sa responsabilité. Il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à la charge de M. H... et de la Mutuelle des motards 50 % des préjudices indemnisables.
Sur l'action subrogatoire de la Mutuelle des motards :
9. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances, applicable en matière d'assurance aux véhicules " l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui par leur fait ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". L'assureur qui bénéficie de la subrogation instituée par les prescriptions de l'article L. 121-12 du code des assurances dispose de la plénitude des droits et actions que l'assuré qu'il a dédommagé aurait été admis à exercer à l'encontre de toute personne responsable, à quelque titre que ce soit, du dommage ayant donné lieu au paiement de l'indemnité d'assurance. Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré.
10. Il résulte de l'instruction que la Mutuelle des motards, en sa qualité d'assureur du véhicule à deux roues de M. H..., a remboursé à M. H... la somme de 866 euros pour les frais d'hospitalisation correspondant à une chambre standard, à la location d'une télévision et à la mise en service du wifi ainsi qu'en atteste l'acceptation du règlement produite en première instance et la somme de 110 euros pour le remplacement du casque, qui a été détruit par l'expert ainsi qu'en atteste la mention figurant sur l'annexe au rapport d'expertise " chiffrage du choc n°1 ". La Mutuelle des motards est ainsi, dans la limite de ces sommes, régulièrement subrogée dans les droits et actions de M. H....
Sur l'évaluation des préjudices :
11. Le département de la Savoie fait valoir que M. H... et la Mutuelle des motards n'établissent pas que les préjudices subis n'auraient pas été pris en charge par l'assureur du conducteur du véhicule, M. G..., qui l'a heurté. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 5 juillet 2014, M. G... a informé la Mutuelle des motards que son véhicule n'était pas assuré au moment de l'accident, ce qui a contraint la Mutuelle des motard à saisir le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) qui a refusé de procéder à toute indemnisation en indiquant, par courrier du 27 août 2014, que son obligation était subsidiaire eu égard à la responsabilité du département de la Savoie dans l'accident de M. H.... Par suite, il n'est pas établi que M. H... et la Mutuelle des motards auraient bénéficié d'une indemnisation par l'assureur de M. G....
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des dépenses de santé :
12. Si le département de la Savoie et son assureur font valoir que la somme de 866 euros correspondant aux frais d'hospitalisation de M. H... restés à sa charge a été pris en charge par sa compagnie d'assurance, il résulte de l'instruction que cette somme a été effectivement réglée par la Mutuelle des motards subrogés à concurrence de cette somme dans les droits de M. H... et que seule la Mutuelle des motards sollicite son remboursement.
13. Il résulte de l'instruction que la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants a exposé au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation rendus nécessaires par l'état de santé dans lequel s'est trouvé M. H... à la suite de l'accident en cause la somme de 55 367,15 euros et que les dépenses de santé futures s'élèvent à la somme de 451,50 euros.
14. Ainsi, le total des dépenses de santé s'élève à la somme de 56 684,65 euros. Compte tenu de la part de préjudice indemnisable de 50 %, le montant de la réparation incombant au département de la Savoie et à son assureur s'élève à la somme de 28 342,32 euros. L'indemnité ainsi calculée devant être attribuée par préférence à la victime ou à son assureur subrogé dans ses droits conformément aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, elle sera intégralement versée à la Mutuelle des motards à concurrence de la somme de 866 euros. La caisse a droit, quant à elle, au versement du solde soit un montant de 27 476,32 euros.
S'agissant des pertes de gains professionnels :
15. Il n'est pas contesté que la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs a versé à M. H... la somme de 9 816,45 euros au titre des indemnités journalières. Compte tenu du taux de responsabilité retenu, il y a lieu de condamner le département de la Savoie et AREAS DOMMAGES à verser à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 4 908,22 euros.
S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne :
16. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise diligenté par la Mutuelle des motards que l'assistance de M. H... par une tierce personne a été nécessaire à hauteur d'une heure par jour du 7 octobre 2013, date du retour à domicile, jusqu'au 1er janvier 2014. Par suite, il y a lieu de retenir pour cette période un besoin en assistance par une tierce personne d'une heure par jour. Il y a lieu de fixer ce tarif horaire à 13,16 euros afin de tenir compte de l'évolution du SMIC et des charges sociales. Compte tenu de ce tarif horaire de 13,16 euros, porté à 14,85 afin de tenir compte des majorations de rémunération liées aux congés payés et au travail les dimanches et jours fériés, du nombre total de 88 jours écoulés entre le 7 octobre 2013 et le 1er janvier 2014, les frais au titre de l'assistance par une tierce personne s'établissent à la somme de 1 307,20 euros. Par suite, et compte tenu du partage de responsabilité, le département de la Savoie et AREAS DOMMAGES doivent être condamnés à verser à M. H... la somme de 653 euros.
S'agissant des frais divers :
17. Le département de la Savoie fait valoir que M. H... ne justifie pas ne pas avoir été indemnisé du coût de la différence de valeur de son véhicule avant et après l'accident. Il résulte de l'instruction que la différence de valeur de la moto avant et après l'accident a été estimé, selon l'expert en automobile mandaté par la Mutuelle des motards, à 2 240 euros. Les garanties particulières du contrat d'assurance de M. H... précise que seul l'équipement du conducteur est indemnisé jusqu'à 1 000 euros sans franchise. Par suite, M. H... peut prétendre à l'indemnisation du coût de la différence de valeur de son véhicule à hauteur de 2 240 euros. Compte tenu du taux de responsabilité retenu, il y a lieu de condamner le département de la Savoie et AREAS DOMMAGES à verser à M. H... la somme de 1 120 euros.
18. Concernant le coût de remplacement du casque, la Mutuelle des motards établit avoir procédé au remboursement du casque à hauteur de 110 euros. Par suite, il y a lieu de condamner le département de la Savoie et AREAS DOMMAGES à verser à la Mutuelle des motards la somme de 55 euros, compte tenu du taux de partage de responsabilité.
19. Concernant les frais d'honoraires d'expertise et la réparation du préjudice résultant de l'immobilisation du véhicule pendant une journée, le tribunal administratif de Grenoble a écarté ces chefs de préjudices et M. H... ne demande plus en appel la condamnation du département de la Savoie à l'indemniser de ces frais.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux de M. H... :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
20. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'état de santé de M. H... est consolidé au 5 mars 2015. Il a subi un déficit fonctionnel total durant son hospitalisation du 3 août au 7 octobre 2013, le 27 novembre 2013 en raison du déverrouillage proximal des fémurs droit et gauche et du 23 au 27 décembre 2014 pour l'ablation de l'ensemble du matériel d'ostéosynthèse et méniscectomie interne au centre hospitalier d'Annecy. L'expert retient également une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III du 7 octobre 2013 au 3 janvier 2014, de classe II du 4 janvier au 22 décembre 2014 et du 28 décembre 2014 au 13 janvier 2015 et de classe I du 14 janvier au 5 mars 2015. Il sera fait une juste appréciation de préjudice subi résultant du déficit fonctionnel temporaire total et partiel en l'estimant, compte tenu du partage de responsabilité retenu, à la somme de 2 170 euros.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
21. Il résulte de l'instruction que les garanties particulières du contrat d'assurance de M. H... précisent que " pour les dommages corporels du conducteur - déficit fonctionnel permanent, plafond de 80 000 euros, franchise de 10 % ". Selon le rapport d'expertise, M. H... subit un déficit fonctionnel permanent en lien avec l'accident estimé à 10 %. Par suite, ce préjudice n'a pas fait l'objet d'une indemnisation par l'assureur de M. H.... Les premiers juges ont correctement évalué ce préjudice en allouant à la victime la somme de 9 000 euros, soit compte tenu du taux de partage de responsabilité, la somme de 4 500 euros.
S'agissant des souffrances endurées :
22. L'expert a évalué les souffrances endurées, en tenant compte des lésions initiales, des hospitalisations, des interventions chirurgicales, de la lenteur de la consolidation osseuse, des difficultés de déambulation et de la marche prolongée avec cannes, des soins infirmiers, de la rééducation fonctionnelle prolongée et des souffrances morales endurées, à 4,5 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 10 000 euros, soit compte tenu du partage de responsabilité la somme de 5 000 euros.
S'agissant du préjudice esthétique :
23. L'expert a évalué le préjudice esthétique à 2 sur une échelle de 7 en tenant compte des différentes cicatrices et de la discrète modification d'axe du membre inférieur gauche. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en l'estimant à hauteur de 2 000 euros, soit compte tenu du taux de partage de responsabilité, la somme de 1 000 euros.
S'agissant du préjudice d'agrément :
24. L'expert a retenu l'existence d'un préjudice d'agrément résultant de ce que la reprise du ski est contre-indiquée et que celle de la randonnée pédestre reste limitée. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'estimant à 1 000 euros, soit compte tenu du taux de partage de responsabilité la somme de 500 euros.
25. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Savoie et AREAS DOMMAGES ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le département de la Savoie à indemniser M. H..., la Mutuelle des motards et la caisse locale déléguée pour la sécurité des travailleurs indépendants des préjudices subis et des frais engagés. M. H... et la Mutuelle des motards sont seulement fondés à demander que les indemnités respectives de 13 791 euros et de 866 euros que le tribunal administratif de Grenoble a condamné le département de la Savoie à payer respectivement à chacun d'eux en réparation des préjudices subis soient portées aux sommes respectives de 14 943 euros et de 921 euros. La CPAM du Puy-de-Dôme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a limité le montant de sa condamnation à 32 384,54 euros.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
26. Dès lors que les conclusions tendant à la majoration des sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées sont rejetées par le présent arrêt, la CPAM du Puy-de-Dôme ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 3761 du code de la sécurité sociale.
Sur les frais liés au litige :
27. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge M. H... et la Mutuelle des motards, qui ne sont partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de la Savoie, la société PNAS et la société Areas dommages demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Savoie et de son assureur une somme de 1 000 euros à verser à M. H... et à la Mutuelle des motards au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 13 791 euros que le département de la Savoie a été condamné à verser à M. H... par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2018 est portée à 14 943 euros.
Article 2 : La somme de 866 euros que le département de la Savoie a été condamné à verser à la Mutuelle des motards par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2018 est portée à 921 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le département de la Savoie versera à M. H... et à la Mutuelle des motards la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H..., à la Mutuelle des motards, au département de la Savoie, à la société PNAS, à la société Areas dommages et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme C..., premier conseiller,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 août 2020.
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N° 18LY04343