Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu et des contributions sociales acquittées au titre de l'année 2015.
Par un jugement n° 1607487 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 mai 2019, M. B... et Mme F..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 mars 2019 ;
2°) de prononcer la restitution de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- au regard des règles du droit américain, l'action de la société HPco a été dissoute à la suite de sa scission en deux branches d'activités logées dans deux sociétés distinctes, les sociétés HPI et HPE, de sorte que l'attribution d'actions gratuites de la société HPE relève du 1 de l'article 115 du code général des impôts prévoyant que l'attribution de titres, sommes ou valeurs aux membres de la société apporteuse en contrepartie de l'annulation des titres de cette société n'est pas considérée comme une distribution de revenus mobiliers ;
- elle relève également du 2 de l'article 115 applicable aux attributions de titres représentatifs d'un apport partiel d'actif aux membres de la société apporteuse alors même qu'aucun agrément n'a été demandé dès lors que l'exigence d'un agrément a été sanctionnée par l'arrêt C-14/16 Euro Park Service du 8 mars 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne, et la décision n° 369311 du Conseil d'Etat du 26 juin 2017;
- il s'agit d'une opération de scission partielle, qui doit être placée sous un régime de neutralité fiscale et n'entraîner aucune imposition, conformément à la directive 2005/19/CE du 17 février 2005 ;
Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la valeur des actions de la société HPE attribuées en échange des titres antérieurement détenus est imposable sur le fondement du 3° de l'article 120 du code général des impôts qui considère comme des revenus les répartitions faites aux sociétés, actionnaires et aux porteurs de parts de sociétés à un titre autre que celui de remboursement d'apport ou à de primes d'émission ;
- le 1 de l'article 115 du code général des impôts, qui ne concerne que les actions de la société HPI reçues en échange des titres de la société HPco annulés, attribués en nombre équivalent, ne s'applique pas aux actions de la société HPE attribuées gratuitement pour compenser la diminution de valeur des titres initialement détenus, lesquels n'ont pas été annulés même partiellement ;
- l'application du 2 de l'article 115 du code général des impôts concernant les attributions de titres représentatifs d'un apport partiel d'actif aux membres de la société apporteuse est subordonnée à l'obtention d'un agrément, qui n'a pas été demandé, et qui est exigé dès lors que l'attribution gratuite d'actions n'a pas trait à l'impôt sur les sociétés et ne concerne pas des sociétés d'Etats membres de l'Union européenne.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2005/19/CE du 17 février 2005 ;
- la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pruvost, président,
- les conclusions de Mme H..., rapporteure publique,
- et les observations de Me C..., représentant M. B... et Mme F... ;
Une note en délibéré présentée par M. B... et Mme F... a été enregistrée le 7 juillet 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Le 1er novembre 2015, la société de droit américain Hewlett Packard Company (HPCo), dont M. B..., ancien salarié, détenait 1 095 actions, a scindé ses activités en deux entités, la société HP Enterprise (HPE), société nouvellement créée à laquelle elle a apporté ses activités d'infrastructure d'entreprise, de logiciels et de service informatique, et la société Hewlett Packard Inc (HP Inc) qui a poursuivi les activités d'assemblage d'ordinateurs et de fabrication d'imprimantes. Dans le cadre de cette opération, M. B... a reçu, à titre gratuit, 1 095 actions de la société HPE dont la valeur, soit 13 777 euros, a été soumise, au titre de l'année 2015, au prélèvement de l'article 117 quater du code général des impôts ainsi qu'aux prélèvements sociaux. M. B... et Mme F... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la restitution des impositions acquittées à ce titre.
2. Aux termes de l'article 117 quater du code général des impôts relatif aux prélèvements sur les dividendes, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-1. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui bénéficient de revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et 120 à 123 bis sont assujetties à un prélèvement au taux de 21 %. / Pour le calcul de ce prélèvement, les revenus mentionnés au premier alinéa du présent 1 sont retenus pour leur montant brut. / (...) / Ce prélèvement s'impute sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle il a été opéré. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. (...) ". Aux termes de l'article 120 du même code dans sa rédaction applicable relatif aux revenus des valeurs mobilières émises hors de France et revenus assimilés : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article: / 1° Les dividendes, intérêts, arrérages et tous autres produits des actions de toute nature et des parts de fondateur des sociétés, compagnies ou entreprises financières, industrielles, commerciales, civiles et généralement quelconques dont le siège social est situé à l'étranger quelle que soit l'époque de leur création ; / (...) / 3° Les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission (...) ".
3. Pour contester les impositions acquittées, M. B... et Mme F... soutiennent, en premier lieu, et à titre principal, que l'attribution de titres dont ils ont bénéficié doit être regardée comme s'inscrivant dans le cadre d'une scission et bénéficier du régime prévu au 1 de l'article 115 du code général des impôts et, à titre subsidiaire, qu'elle doit être regardée comme une opération d'apport partiel d'actif au sens du 2 du même article.
4. Aux termes de l'article 115 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. En cas de fusion ou de scission de sociétés, l'attribution de titres, sommes ou valeurs aux membres de la société apporteuse en contrepartie de l'annulation des titres de cette société n'est pas considérée comme une distribution de revenus mobiliers. / 2. Les dispositions du 1 s'appliquent également sur agrément délivré à la société apporteuse dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, en cas d'attribution de titres représentatifs d'un apport partiel d'actif aux membres de la société apporteuse, lorsque cette attribution, proportionnelle aux droits des associés dans le capital, a lieu dans un délai d'un an à compter de la réalisation de l'apport. (...) ".
5. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du document mis à la disposition de ses actionnaires par la société HPCo versé au dossier de première instance, que, comme le soutient le ministre, cette société n'a pas été dissoute et qu'à la suite à la transmission de l'une de ses branches d'activité à la société HPE, elle a seulement changé de dénomination pour devenir HPInc. Les titres de la société HPCo n'ont pas été annulés et ont seulement reçu un nouveau code dans le cadre des transactions effectuées sur le marché boursier. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'opération ne relève pas des dispositions du 1 de l'article 115 du code général des impôts.
6. D'autre part, si l'opération de restructuration en cause doit s'analyser comme un apport partiel d'actifs, il est constant qu'elle n'a fait l'objet d'aucun agrément. Or, le 2 de l'article 115 précité subordonne expressément le bénéfice de la neutralité fiscale pour les actionnaires de la société effectuant un apport partiel d'actif à la délivrance d'un agrément à cette société apporteuse, quel que soit son Etat de rattachement, quand bien-même une convention d'assistance administrative a été conclue en vue notamment de prévenir la fraude fiscale en matière d'impôt sur le revenu. L'agrément étant par ailleurs exigé par ces dispositions pour toute société apporteuse, quelle que soit sa nationalité, M. B... et Mme F... n'est, en tout état de cause, pas fondé à invoquer l'arrêt C-14/16 Euro Park Service de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 mars 2017, qui sanctionne au regard du droit de l'Union européenne une différence de traitement entre les opérations de fusion réalisées en France entre entreprises françaises et les opérations de fusion impliquant une entreprise d'un autre Etat membre de l'Union européenne.
7. En deuxième lieu, la directive 2005/19/CE du Conseil du 17 février 2005, dont les dispositions ont été reprises dans la directive codificatrice 2009/133/CE du 19 octobre 2009, invoquée par le requérant concerne, ainsi que l'énonce son article 1er, le régime fiscal commun applicable aux opérations de fusion, de scission, de scission partielle, d'apport d'actifs et échange d'actions qui concernent des sociétés de deux ou plusieurs États membres ainsi qu'aux opérations de transfert du siège statutaire, d'un Etat membre à un autre, des sociétés européennes et des sociétés coopératives européennes. Dès lors que l'opération d'apport partiel d'actif en cause concerne exclusivement la société HPCo, devenue HPInc, dont le siège est situé aux Etats-Unis, de même que la société HPE, créée dans le cadre de la restructuration des activités de cette société, le moyen que les requérants tirent de l'incompatibilité du droit interne avec cette directive, en admettant même qu'il ait été soulevé, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme E... F... et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme D..., présidente-assesseure,
Mme I..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 août 2020.
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N° 19LY01810