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29/09/2020 | FRANCE | N°18LY02638

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 18LY02638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par deux demandes distinctes, d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé une sanction de déplacement d'office pour motif disciplinaire à son encontre, ainsi que l'arrêté du 21 mars 2017 par lequel le ministre de l'intérieur l'a affecté à compter du 18 avril 2017 à la direction départementale de la sécurité publique de Moulins en qualité d'adjoint au chef d'état-major.

Par un juge

ment n° 1701014-1701015 du 14 mai 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par deux demandes distinctes, d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé une sanction de déplacement d'office pour motif disciplinaire à son encontre, ainsi que l'arrêté du 21 mars 2017 par lequel le ministre de l'intérieur l'a affecté à compter du 18 avril 2017 à la direction départementale de la sécurité publique de Moulins en qualité d'adjoint au chef d'état-major.

Par un jugement n° 1701014-1701015 du 14 mai 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les demandes de M. F....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2018, M. F..., représenté par la SCP B... et associés agissant par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 mai 2018, la décision du 23 janvier 2017 par laquelle lui a été infligée la sanction de déplacement d'office et la décision du 21 mars 2017 prononçant son affectation à Moulins ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a tenu aucun compte des éléments de fait qu'il a produits.

Sur la décision de sanction du 23 janvier 2017 :

- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

- la mention du caractère adapté de la sanction aux faits fait défaut ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il n'a pas eu de comportement déplacé et ambigu à l'égard des élèves policiers qu'il a eu en formation ;

- il est victime de règlements de comptes destinés à salir sa réputation et détruire son image ;

- il ne peut lui être reproché d'avoir agi sans autorisation ni habilitation dès lors qu'il avait qualité pour classer les procédures ;

- il a fait l'objet de harcèlement moral pendant dix-huit mois ;

- il a fait l'objet d'une double sanction, dès lors que sa notation a été baissée ;

- la sanction est disproportionnée.

Sur la décision du 21 mars 2017 l'affectant à la DDSP de Moulins en qualité d'adjoint au chef d'état-major :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'arrêté du 23 janvier 2017 lui infligeant la sanction de déplacement d'office ;

- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;

- il a fait l'objet d'une triple sanction, du déplacement d'office, de la baisse de sa notation, et de sa nouvelle affectation, laquelle constitue une rétrogradation déguisée ;

- la mesure est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de M. F... doivent être écartés.

Par ordonnance du 13 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., commandant de police depuis le 1er décembre 2013, était affecté à la circonscription de sécurité publique de Clermont-Ferrand au poste de chef du service de traitement du contentieux contraventionnel et officier du ministère public suppléant. Par arrêté du 23 janvier 2017, le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction du deuxième groupe de déplacement d'office et, par un arrêté du 21 mars 2017, l'a affecté à la direction départementale de la sécurité publique de Moulins en qualité d'adjoint au chef d'état-major. M. F... relève appel du jugement rendu le 14 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes d'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la décision du 23 janvier 2017 infligeant à M. F... la sanction de déplacement d'office :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Le législateur a entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre du fonctionnaire intéressé, de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui lui est infligée. Il ressort de la décision litigieuse que celle-ci expose avec une précision suffisante les éléments de fait, tirés de son comportement vis-à-vis de stagiaires en formation, et du classement sans suite d'une infraction, ainsi que les textes applicables qui la fondent. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit dès lors être écarté.

3. Aucune règle ne faisant obligation à l'autorité compétente en matière de sanction disciplinaire de mentionner le caractère adapté de la sanction aux faits la justifiant, le moyen tiré de ce que cette mention fait défaut, qui manque en droit, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". L'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique de l'Etat dispose que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Deuxième groupe : - le déplacement d'office. (...) ". Le code de la sécurité intérieure prévoit à son article R. 434-12 que : " Le policier ou le gendarme ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service, y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ". L'article R.434-4 de ce code prévoit que : " I. - L'autorité investie du pouvoir hiérarchique prend des décisions, donne des ordres et les fait appliquer. (...) II. - Le policier ou le gendarme porte sans délai à la connaissance de l'autorité hiérarchique tout fait survenu à l'occasion ou en dehors du service, ayant entraîné ou susceptible d'entraîner sa convocation par une autorité de police, juridictionnelle, ou de contrôle " et R. 434-5 prévoit que : " I. - Le policier ou le gendarme exécute loyalement et fidèlement les instructions et obéit de même aux ordres qu'il reçoit de l'autorité investie du pouvoir hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. (...). II. - Le policier ou le gendarme rend compte à l'autorité investie du pouvoir hiérarchique de l'exécution des ordres reçus ou, le cas échéant, des raisons de leur inexécution. (...) ".

5. En premier lieu, il ressort de la décision litigieuse qu'il est tout d'abord reproché à M. F... d'avoir adopté un comportement déplacé et ambigu vis-à-vis de stagiaires féminines en adressant, notamment, de nombreux SMS à plusieurs d'entre elles, d'avoir ainsi manqué à son obligation de discernement et d'exemplarité et d'avoir adopté un comportement propre à porter atteinte au crédit de 1'institution policière et à la considération du corps de commandement auquel il appartient. S'il est constant que M. F... a eu régulièrement des échanges par SMS avec plusieurs stagiaires dont il assurait la formation, entre août 2014 et janvier 2015 au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), notamment avec Mme G. L*** qui s'était blessée lors de l'une des séances de formation et dont il a ainsi pris des nouvelles pendant plus d'un mois après l'incident, il ressort du procès-verbal d'audition de cette stagiaire recueilli pour les besoins de l'enquête menée par l'inspection générale de la police nationale (IGPN), qu'aucun de ces messages n'a présenté un caractère déplacé. S'il a par ailleurs été reproché à M. F... d'avoir envoyé à plusieurs autres stagiaires des SMS, aucune d'entre elles n'a considéré avoir fait l'objet de messages ou de comportements à connotation sexuelle, ni n'a souhaité, au cours de l'enquête interne menée par l'IGPN, dénoncer une attitude ambiguë à leur égard, en vue de faire pression sur elles. Dans ces circonstances, M. F... est fondé à soutenir que le grief qui lui est fait d'avoir adopté un comportement déplacé et ambigu vis-à-vis de stagiaires féminines n'est pas établi par les pièces du dossier.

6. Il est reproché, en deuxième lieu, à M. F... d'avoir procédé en août 2015, sur demande d'un avocat de sa connaissance et sans y être autorisé ni habilité, au classement d'une procédure pour excès à grande vitesse visant un député-maire local sans en rendre compte au directeur départemental de la sécurité publique, seul officier du ministère public en titre, et d'avoir ainsi manqué à ses obligations statutaires et déontologiques d'obéissance, de loyauté et de rendre-compte. Il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental de la sécurité publique peut, en tant qu'officier du ministère public, décider de l'opportunité de faire cesser des poursuites en matière de contravention. Si M. F... en tant qu'officier du ministère public suppléant disposait également de cette compétence, il est constant que, pour les infractions concernant les personnalités, seuls le directeur départemental de la sécurité publique et son adjoint pouvaient prendre une décision de classement. Les affirmations de M. F... selon lesquelles il aurait procédé au classement de l'infraction en cause sur instruction du directeur départemental de la sécurité publique ont été formellement démenties par ce dernier et ne sont étayées par aucune trace écrite, contrairement à la procédure observée pour de tels cas de figure. Il ressort également des pièces du dossier que M. F... ne pouvait ignorer la qualité de député maire du bénéficiaire de la décision de classement, laquelle figurait dans son dossier. Dans ces circonstances, les faits reprochés M. F... constituant le second motif de la sanction litigieuse sont suffisamment établis par les pièces du dossier. Ces faits, constitutifs d'un manquement à son obligation d'obéissance et de loyauté présentaient un caractère fautif et étaient à eux seuls de nature à justifier, sans erreur d'appréciation, la sanction du deuxième groupe de déplacement d'office.

7. En troisième lieu, si M. F... expose qu'il a été privé de toute fonction à compter de septembre 2015, et a subi un harcèlement moral, cette circonstance est sans incidence à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation contre la décision litigieuse, qui est fondée sur des faits survenus en août 2015, dont le caractère fautif justifie la sanction prononcée.

8. En quatrième lieu, si l'évaluation professionnelle de M. F... a fait l'objet, pour l'année 2016 d'un abaissement notable par rapport aux années précédentes, cette circonstance est également sans incidence sur le bien-fondé de la sanction de déplacement d'office, laquelle n'est pas entachée, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, d'erreur d'appréciation.

9. Enfin, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse du 23 janvier 2017 est le résultat de règlements de comptes destinés à salir sa réputation et détruire son image doit être écarté, un tel détournement de pouvoir n'étant pas établi par les pièces du dossier.

10. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre la décision du 23 janvier 2017, lui infligeant la sanction de déplacement d'office.

Sur la décision du 21 mars 2017 affectant M. F... à la direction départementale de Moulins en qualité d'adjoint au chef d'état-major :

11. En premier lieu, les conclusions de M. F... dirigées contre la décision du 23 janvier 2017 lui infligeant la sanction de déplacement d'office étant rejetées, l'intéressé n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'affectant à Moulins.

12. En deuxième lieu, la décision fixant le poste d'affectation d'un agent faisant l'objet d'un déplacement d'office à titre de sanction disciplinaire fait partie intégrante de la mesure disciplinaire, même si elle est matériellement distincte de la décision prononçant le déplacement d'office. Cette mesure ne fait pas partie de celles qui doivent être obligatoirement motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

13. En troisième lieu, la seule circonstance, non contestée, que le poste sur lequel M. F... a été affecté à Moulins était auparavant occupé par un capitaine de police n'est pas de nature à établir que cette affectation constitue une rétrogradation déguisée, aucune pièce ne permettant de constater que les fonctions y afférentes ne relèvent pas des attributions d'un commandant.

14. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'affectation de M. F... à Moulins, à environ cent kilomètres de sa précédente résidence administrative à Clermont-Ferrand, méconnaisse l'intérêt du service, qu'elle l'oblige, contrairement à ses affirmations, à déménager et qu'elle porte, en tout état de cause, une atteinte disproportionnée à sa vie de famille. Par suite, le moyen tiré de ce que la mesure d'affectation litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions à fin d'annulation contre la décision du 21 mars 2017 l'affectant à Moulins.

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions de M. F... en ce sens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme D... G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

N° 18LY026382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02638
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET J.F. CANIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;18ly02638 ?
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