Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... G..., a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler la décision du 2 juillet 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'obtention du statut d'apatride ;
2°) de le reconnaître comme apatride ;
3°) à titre subsidiaire d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 1808661 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 janvier 2020 et 27 août 2020, M. D... G..., représenté par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 15 octobre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 2 juillet 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'obtention du statut d'apatride ;
3°) de le reconnaître comme apatride ;
4°) à titre subsidiaire d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de réexaminer sa demande ;
5°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
* aucun Etat ne le considère comme son ressortissant ;
* l'acte d'état-civil qu'il produit est probant : il est né à Bakou le 22 octobre 1971 ; ce n'est que le duplicata qui a été considéré comme apocryphe par l'OFPRA ; il a quitté l'Azerbaïdjan à la fin de l'année 1988 ; il parle le russe et l'azérie ; il est arrivé en Russie en 1989 ; il a retrouvé en 1990 ses parents en Russie ; il a vécu en Russie jusqu'en 1998, y a travaillé, et y a été soumis à des rackets ; à partir de 1998, il a fait " des allers-retours " entre la Russie et l'Ukraine ; entre 2010 et 2013, il a résidé habituellement en Russie et a fait l'objet en 2012 de deux arrêtés d'expulsion ;
* en ce qui concerne la nationalité arménienne, il a effectué plusieurs démarches auprès des autorités arméniennes aux fins de se voir reconnaître cette nationalité ; le consulat d'Arménie n'a pas trouvé trace d'information concernant sa nationalité et a indiqué qu'il n'avait pas eu de passeport de la République d'Arménie ; à la suite du jugement du tribunal administratif, il a entrepris de nouvelles démarches auprès des autorités arméniennes ; ses parents ne sont pas nés en Arménie et n'ont pas eu la nationalité arménienne ; ni lui, ni ses parents, n'ont souscrit une demande de nationalité dans les trois années suivant sa majorité alors que c'est une condition posée par le textes ; l'origine arménienne ou la notion d'Arménien de souche ne sont pas des définitions juridiques ; ces démarches vaines, répétées et assidues établissent qu'il n'a aucun droit objectif ;
* en ce qui concerne la nationalité russe, une condition de séjour régulier en Russie est nécessaire pour souscrire une demande de naturalisation ; il n'a pas eu de propiska en Russie et ne justifie pas d'une résidence régulière en Russie en 2002 du fait de ses résidences russes et ukrainiennes ; c'est à tort que l'ambassade de Russie a indiqué qu'il avait vécu en Azerbaïdjan jusqu'en 2012 ; il n'a pas revu son père depuis 1998 ; il n'a pas pu bénéficier de la loi sur la nationalité russe du 28 novembre 1991.
Par décision du 18 décembre 2019, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. G....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de New-York du 28 septembre 1954 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E..., première conseillère ;
Un mémoire a été produit le 29 septembre 2020 pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui n'a pas été communiqué.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... G... est entré en France en 2013. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile respectivement par des décisions des 13 août 2015 et 21 février 2017. M. G... a déposé le 12 juillet 2017 une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride. Il fait appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision du 2 juillet 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'obtention du statut d'apatride.
2. Aux termes de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " (...) Le terme "apatride" désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) ". Aux termes de l'article R. 721-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnait la qualité de réfugié ou d'apatride et accorde le bénéfice de la protection subsidiaire ". Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, créé par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'Etat de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches.
3. Pour rejeter la demande de M. G..., le directeur général de l'OFPRA a relevé que l'intéressé a indiqué être né le 22 octobre 1971 à Bakou (R.S.S. d'Azerbaïdjan) de deux parents soviétiques d'origine arménienne. Si l'OFPRA a estimé que l'authenticité des documents produits par l'intéressé était sujette à caution et que sa provenance d'Azerbaïdjan n'a pas pu être établie, il a toutefois estimé qu'au regard des éléments déclarés par l'intéressé, et à supposer établie la réalité de son parcours, la situation de l'intéressé entre, du fait de sa résidence en Russie de 1990 à 2010, dans le champ d'application de la loi n° 1948-1 sur la nationalité russe du 28 novembre 1991 modifiée, entrée en vigueur le 6 février 1992 et qu'il n'apportait pas d'élément sérieux de nature à faire naître un doute sur ce que les dispositions de la loi du 28 novembre 1991 sur la nationalité russe ne lui seraient pas applicables. Il a aussi noté qu'il ne démontrait pas avoir initié la moindre démarche sérieuse afin de se voir reconnaître la nationalité russe, ni en Fédération de Russie ni depuis son arrivée sur le territoire français. Le directeur général de l'OFPRA a également exposé qu'au vu des dispositions de l'article 13 de la loi sur la nationalité arménienne du 26 novembre 1995, amendée pour la dernière fois en 2017, l'intéressé pouvait également, en raison de ses seules origines arméniennes, se prévaloir de la nationalité arménienne. Il a relevé que l'intéressé n'apportait toutefois aucun élément permettant de conclure qu'il a accompli la moindre démarche pour se faire reconnaître la nationalité arménienne.
4. En premier lieu, aux termes de l'article 13 de la loi n° 1948-1 du 28 novembre 1991 relative à la nationalité de la Fédération de Russie, modifiée par la loi n° 62-FZ du 31 mai 2002 : " sont reconnus citoyens de la Fédération de Russie tous les citoyens de l'ex-URSS résidant en permanence sur le territoire de la Fédération de Russie au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi si, dans l'année qui suit, ils ne déclinent pas cette nationalité ". En vertu de ces dispositions, sont reconnus comme citoyens de cette Fédération tous les anciens soviétiques qui résidaient en permanence sur le territoire de la Fédération de Russie à la date de l'entrée en vigueur de cette loi, soit le 6 février 1992, sauf si, dans un délai d'un an à compter de cette date, ils ont expressément décliné cette nationalité. Par une décision n° 5-VO2-250/249 du 31 octobre 2002, la Cour suprême de Russie a estimé que cette reconnaissance de la nationalité russe ne requiert ni démarche des particuliers ni décision de la part des autorités publiques.
5. Il ressort des déclarations mêmes de l'intéressé à l'OFPRA, lesquelles ne sont pas contestées et qu'il réitère devant les juridictions, que né le 22 octobre 1971 en Azerbaidjian, il a résidé en Russie de 1990 à 1998 puis a justifié d'une double résidence en Russie et en Ukraine entre 1998 et 2010 avant de se réinstaller en Russie à compter de 2010. Il n'allègue pas avoir décliné la nationalité russe. Le requérant en se bornant à soutenir, sans d'ailleurs apporter aucun élément probant au soutien de cette allégation, qu'il n'aurait pas détenu de propiska quand il résidait de manière permanente en Russie de 1990 à 1998 et de 2010 à 2013 et de manière alternée entre 1998 et 2010 n'établit pas ne pas être dans le champ des dispositions précitées de l'article 13 de la loi n° 1948-1 du 28 novembre 1991 modifiée en 2002 et de la décision précitée du 31 octobre 2002 de la Cour suprême de Russie. Dans les conditions décrites, il doit être regardé comme un ressortissant russe par application des dispositions précitées. Si le requérant se prévaut d'un document du 16 août 2018 émanant du Consulat général de la Fédération de Russie qui ne peut pas lui confirmer sa nationalité russe compte tenu d'une résidence en Azerbaidjian jusqu'en 1992, il indique lui-même que cette information sur une telle résidence est erronée. Contrairement à ce qu'il soutient, et au regard d'une telle mention erronée sur sa résidence en 1992, le requérant ne justifie pas de démarches répétées et assidues auprès des autorités russes aux fins d'obtenir la nationalité russe.
6. En second lieu, si M. G... critique la traduction figurant au dossier du paragraphe 3 de l'article 13 de la loi arménienne sur la nationalité du 24 novembre 1995 laquelle mentionne qu'une personne qui n'a pas la nationalité arménienne mais qui est " Arménienne de souche ", peut obtenir la nationalité arménienne sans remplir les critères des points 1), 2) et 3) du paragraphe 1 de cet article, il ne produit aucun élément de nature à remettre utilement en cause le motif retenu par l'OFPRA tenant à " ses origines ethniques " arméniennes. Si le requérant allègue qu'aucun de ses deux parents n'est né en Arménie ni n'a la citoyenneté arménienne, il ne conteste pas la mention figurant dans la décision de la CNDA du 21 février 2017 selon laquelle l'acte de naissance dont le requérant s'est prévalu confirme ses origines arméniennes. Par suite, il peut dès lors obtenir la nationalité arménienne. La seule production en appel de courriels et courriers adressés le 22 janvier 2020, soit postérieurement à la décision en litige, et au jugement du tribunal administratif par le conseil du requérant et la circonstance qu'il se serait présenté auprès des services consulaires arméniens le 7 décembre 2018 et le 7 novembre 2019, après le jugement du tribunal administratif de Lyon en litige, ne saurait établir l'existence de démarches répétées et assidues auprès des autorités arméniennes aux fins d'obtenir la nationalité arménienne.
7. Il résulte de ce qui précède, qu'eu égard aux éléments de naissance et de résidence dont il se prévaut, le requérant pourrait prétendre tant à la nationalité arménienne qu'à la nationalité russe. Dans ces conditions, M. G... n'établit pas entrer dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. G... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce que soit enjoint, à l'OFPRA de lui accorder le statut d'apatride, et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. G... demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
Mme A..., présidente,
Mme E... première conseillère,
Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
2
N° 20LY00333