Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2016 par lequel le maire de Givors lui a infligé la sanction disciplinaire de la révocation.
Par un jugement n° 1601686 du 21 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 21 janvier 2019 et 20 janvier et 24 février 2020, M. F... B..., représenté par Me C... et Me J..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 novembre 2018 ;
2°) d'annuler la sanction de la révocation du 6 janvier 2016 prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Givors la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la matérialité des motifs qui lui sont reprochés n'est pas établie, à l'exception de la consultation de sites à caractère pornographique et d'un différend regrettable et banal de la vie au travail ;
- les preuves sont déloyales dès lors qu'il a été privé d'accéder à son ordinateur ;
- la sanction est disproportionnée au regard des seuls motifs matériellement établis.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 11 juillet 2019, le 12 février 2020 et le 23 mars 2020, la commune de Givors représentée par Me G... demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de confirmer le jugement attaqué ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;
- le décret n° 2011-444 du 21 avril 2011 portant statut particulier du cadre d'emplois des chefs de service de police municipale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me I..., représentant M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 7 décembre 1967, a été recruté par la commune de Givors, en qualité de chef de la police municipale, le 4 mai 2015 et a été rattaché au secteur usagers et cadre de vie de la commune, après avoir exercé précédemment les mêmes fonctions auprès de la commune de Craponne. M. B..., qui a été révoqué de ses fonctions de chef de la police municipale de Givors, par arrêté du 6 janvier 2016, entraînant sa radiation des cadres et perte de sa qualité de fonctionnaire, relève appel du jugement du 21 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : (...) la révocation (...) ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. Il est tout d'abord reproché à M. B... d'avoir consulté à six reprises, les 22, 23, 27, 28 et 30 juillet ainsi que le 5 août 2015, des images pornographiques avec les moyens et pendant les heures de service. M. B... a reconnu les faits. Devant le conseil de discipline, M. B... a justifié son comportement par l'état de stress dans lequel il se trouvait du fait de sa surcharge de travail. Il ressort des pièces du dossier que les consultations de sites pornographiques représentent un total de 43 h 15, soit une moyenne de 7 heures par journée et ce pendant plusieurs heures consécutives le plus souvent. Cette durée de consultation, qui doit être analysée, sur cette période, comme une pratique récurrente de la part de l'intéressé, représente, en outre, une grande partie du temps de travail quotidien de M. B.... Elle est donc de nature à nuire au bon fonctionnement du service et à compromettre fortement l'exercice réel des fonctions de l'agent, alors même que ces consultations ont été faites pour une faible partie, en dehors des heures de service, mais toujours sur le lieu de travail.
5. La sanction contestée est également fondée sur une altercation qui a eu lieu le 27 juillet 2015, dans les locaux de la police municipale avec un des subordonnés de M. B..., qui a donné lieu à un rapport d'incident du 30 juillet 2015. Si l'appelant soutient qu'il s'agit de simples éclats de voix et de gestes de mauvaise humeur, il ressort des pièces du dossier que l'altercation avec un agent de surveillance des voies publiques, a pris fin grâce à l'intervention du directeur du service informatique et de l'adjoint au maire à la sécurité et à la prévention, lequel a été dans l'obligation de ceinturer M. B... et de lui plaquer les mains derrière le dos afin de l'éloigner de l'agent. Les intéressés ont été entendus comme témoins lors de la séance du conseil de discipline, dont le procès-verbal précise que " deux témoins ont indiqué que M. B... était très énervé et qu'il a dû être maîtrisé ". Par conséquent l'appelant ne peut être regardé comme contestant utilement la matérialité des faits qui lui sont reprochés.
6. S'agissant du troisième motif de la sanction reposant sur le départ en congé de M. B..., sans assurer la continuité du service le 23 juillet 2015 et sans avoir assuré ou organisé, en sa qualité de chef de service, la consultation des signalements du 27 juillet au 31 juillet 2015, ce grief ne repose sur aucune pièce figurant au dossier et ne saurait donc être retenu à l'encontre de M. B....
7. Il est aussi reproché à M. B... de ne pas avoir exécuté les consignes données par le maire, notamment au titre de la gestion des espaces publics. Si le requérant requalifie ce reproche en " grief de la surveillance des lieux publics ", il ressort des pièces du dossier, que malgré la demande, par courriel du 21 juillet 2015, du directeur de cabinet du maire rappelant la volonté de celui-ci d'être informé quotidiennement des actions de la police municipale durant la période d'été, et après avoir été relancé à plusieurs reprises, l'appelant n'a répondu que le 24 juillet 2015, en début d'après-midi, après avoir invoqué de prétendus dysfonctionnements de sa messagerie professionnelle, lesquels se sont révélés inexacts. En outre, il n'est pas contesté par l'intéressé que durant la semaine du 20 au 24 juillet inclus 2015, il n'a transmis que deux rapports, pour les journées des 20 et 22 juillet. Si M. B... reproche à la commune de ne pas lui avoir transmis de ligne directrice, il ne pouvait ignorer, compte tenu de la nature du poste qu'il occupe, qu'il lui appartenait, en sa qualité de chef de service, de gérer lui-même les différentes demandes pour lesquelles il était sollicité. De plus, la mission consistant à faire des comptes-rendus quotidiens figure dans la fiche de poste de M. B.... Dans ces conditions, la matérialité de ces faits doit être considérée comme établie.
8. S'agissant du grief relatif à des propos irrespectueux à l'égard de ses supérieurs et d'autres agents, notamment tenant à des remarques dégradantes, déplacées et insultantes, si M. B... soutient que ces faits ne sont pas datés et non circonstanciés, il ressort des pièces du dossier d'une part, que M. B... s'est comporté de manière irrespectueuse envers le directeur du secteur usagers et cadre de vie, en lui indiquant qu'il n'avait pas de compte à lui rendre et qu'il n'attendait pas de conseil de sa part et, d'autre part, que la secrétaire du service de la police municipale a indiqué que M. B... avait tenu des propos agressifs et méprisants sur son service, qu'il avait un comportement dénigrant à l'encontre d'un agent de police municipale, la critiquant sur sa tenue. Ce même agent a indiqué que M. B... l'avait dénigré devant des agents de la Métropole de Lyon, qu'il lui avait reproché de ne pas porter son pantalon réglementaire alors qu'elle bénéficie d'une autorisation et d'une prescription de son médecin, en raison de problèmes de santé. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir également ce motif de sanction.
9. La sanction contestée est également fondée sur la circonstance, non sérieusement contestée, que M. B... aurait tenu des propos déplacés et aurait adopté une attitude inappropriée à l'encontre d'un agent du centre de surveillance urbaine, laquelle a indiqué à la direction des ressources humaines que M. B... lui avait tenu des propos déplacés, présentant un caractère sexuel et l'avait invitée à s'asseoir sur ses genoux lorsqu'elle lui avait indiqué être fatiguée. De même, M. B... ne conteste pas utilement avoir sous-entendu, lors de son entretien du 17 août 2015, que la Directrice Générale des Services entretenait une relation avec le Directeur du secteur usagers et cadre de vie. Dans ces conditions, ces deux griefs doivent être regardés comme établis.
10. En ce qui concerne le sixième et dernier grief qui doit être retenu à l'encontre de M. B... et lié à l'absence de port de son uniforme durant ses heures de service le 6 août 2015, M. B..., qui reconnaît les faits, ne peut se justifier par la période de canicule qui sévissait durant cette période, alors qu'il n'établit pas avoir obtenu l'accord des élus de la commune sur cette dispense.
11. Contrairement à ce qu'il soutient, M. B... a bien attesté avoir eu connaissance de l'intégralité de son dossier lors de la procédure disciplinaire. S'il est constant que certains dysfonctionnements étaient antérieurs à sa prise de fonction, M. B... ne peut justifier ses nombreux manquements à ses obligations par le caractère ponctuel de ces fautes et le contexte de tension qui régnait dans le service, alors même qu'il reconnaît que certains actes de sa part " ont pu être maladroits et ou mal perçus par les agents ". Si l'appelant prétend que les faits survenus dans d'autres collectivités n'auraient pas dû être pris en compte, ces faits ne figurent pas dans la motivation de la sanction.
12. Compte tenu des répercussions de l'ensemble de ces faits sur le fonctionnement du service de la police municipale de la commune de Givors, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire les ait inexactement qualifiés de faute disciplinaire. Eu égard d'une part, à leur gravité et à leur accumulation et d'autre part, aux fonctions exercées par l'agent et à sa position hiérarchique, eu égard à l'obligation d'exemplarité qui pesait sur l'intéressé et aux répercussions sur le fonctionnement du service et sur l'image de la commune, l'autorité disciplinaire, même si elle n'avait pas retenu le motif illégal mentionné au point 6, n'a pas pris une sanction disproportionnée en prononçant la révocation de M. B... et sa radiation des cadres, nonobstant les appréciations favorables dont il a pu faire l'objet au cours de sa carrière sur son professionnalisme dans ses missions de police municipale.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Givors, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Givors, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la commune de Givors une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et à la commune de Givors.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
Mme E... A..., présidente de chambre,
M. Fédi, président-assesseur,
Mme D... H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.
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N° 19LY00222