Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite du préfet de la Côte-d'Or lui ayant refusé un titre de séjour " membre de la famille d'un citoyen de l'Union " ou " vie privée et familiale " ; et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1900486 du 27 août 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 31 octobre 2019, Mme E..., représentée par la SCP D...-Gourinat agissant par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 27 août 2019 et la décision du préfet de la Côte-d'Or refusant de lui délivrer un titre de séjour en tant qu'ascendant de ressortissant communautaire ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour parent d'un ressortissant communautaire :
- la décision est entachée d'une erreur de droit car elle remplit les conditions de l'article L. 121-3 ;
- les revenus de son fils qui l'héberge sont suffisants pour l'accueillir ;
Sur le refus de titre de séjour " vie privée et familiale " :
- elle remplit les critères de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2020, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., née le 1er janvier 1942, de nationalité marocaine, a formé le 29 juin 2018 une demande de carte de séjour de " membre de la famille d'un citoyen de l'Union ", ou, subsidiairement portant la mention " vie privée et familiale " qu'elle a renouvelée le 4 septembre 2018. En lui délivrant un titre de séjour " visiteur ", le préfet de la Côte-d'Or a implicitement rejeté cette demande. Mme E... relève appel du jugement rendu le 27 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision implicite de rejet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose à son article L. 121-1 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ", à son article L. 121-3 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. " et à son article R. 121-14 : " Les membres de famille ressortissants d'un Etat tiers mentionnés à l'article L. 121-3 présentent dans les trois mois de leur entrée en France leur demande de titre de séjour avec leur passeport en cours de validité ainsi que les justificatifs établissant leur lien familial et garantissant le droit au séjour du ressortissant accompagné ou rejoint. / Lorsque le ressortissant qu'ils accompagnent ou rejoignent n'exerce pas d'activité professionnelle, ils justifient en outre des moyens dont celui-ci dispose pour assurer leur prise en charge financière et d'une assurance offrant les prestations mentionnées aux articles L. 160-8 et L. 160-9 du code de la sécurité sociale. ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un ascendant à charge d'un ressortissant de l'Union européenne résidant en France peut bénéficier d'une carte de séjour en qualité de membre de famille, à condition que ledit ressortissant exerce une activité professionnelle ou dispose, pour lui et les membres de sa famille, de ressources suffisantes. Si les dispositions du premier alinéa de l'article R. 121-14 précité prévoient que la demande de titre est présentée par les intéressés dans les trois mois de leur entrée en France, il ressort des pièces du dossier que Mme E... a fait une telle demande, lors de son entrée en France en 2011, à laquelle le préfet de la Côte-d'Or a opposé un refus. Dans ces conditions et alors, au surplus, que l'intéressée s'est maintenue en France régulièrement à la faveur de titres pendant plusieurs années, la condition ne peut plus lui être opposée. Par suite, Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a considéré que le préfet de la Côte-d'Or a pu légalement refuser la délivrance de la carte de séjour sollicitée au motif que celle-ci avait été présentée plus de trois mois après son entrée en France.
4. Le préfet de la Côte-d'Or a fait valoir en première instance que les moyens financiers dont justifiait le fils de Mme E..., qui l'héberge, pour assurer sa prise en charge, conformément au second alinéa de l'article R. 121-14, sont insuffisants. Il ressort des pièces du dossier que M. H... E... est marié et père d'un enfant, que son foyer fiscal a déclaré des revenus de plus de 19 300 euros en 2017, et qu'il est salarié. Ces revenus lui assurent un revenu mensuel moyen de plus de 1 600 euros qui n'apparaît pas insuffisant dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... ait des besoins particuliers et qu'il résulte également des pièces du dossier que les autres enfants de Mme E..., qui vivent tous en France régulièrement, contribuent également à la pension de leur mère à hauteur de 200 euros par mois.
5. Par suite Mme E... est fondée à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur de fait et que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon, dont le jugement doit être annulé, a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet lui refusant un titre de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros qu'il paiera à Mme E..., au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900486 du tribunal administratif de Dijon du 27 août 2019 et la décision implicite du préfet de la Côte-d'Or rejetant la demande de titre de séjour de Mme E... en tant que membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme F... A..., présidente de chambre,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Mme C... G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.
No 19LY040112