Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- d'annuler la décision du 6 mars 2014 par laquelle la directrice de l'établissement public isérois des services pour enfants et adolescents handicapés (EPISEAH) lui a infligé un avertissement, ensemble la décision du 28 mai 2014 rejetant son recours gracieux ;
- d'annuler, d'une part, la décision du 10 février 2016 par laquelle la directrice de l'établissement public isérois des services pour enfants et adolescents handicapés (EPISEAH) lui a infligé la sanction de l'abaissement d'échelon et, d'autre part, la décision du même jour par laquelle la même directrice l'a reclassé au 10ème échelon de son grade à la date du 26 juillet 2015 et de condamner l'EPISEAH à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la sanction disciplinaire ;
- d'annuler la décision du 28 juin 2016 par laquelle la directrice de l'établissement public isérois des services pour enfants et adolescents handicapés (EPISEAH) lui a refusé l'octroi de la protection fonctionnelle ;
- de condamner l'EPISEAH à lui verser une somme de 34 200 euros en réparation de ses préjudices.
Par jugement n°1602250, 1602269, 1604887 et 1604888 lu le 17 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions des 6 mars 2014 et 28 mai 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de M. A....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 novembre 2018, M. B... A..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 10 février 2016 et de condamner l'EPISEAH à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des préjudices subis consécutifs à l'illégalité de la sanction édictée ;
3°) d'annuler la décision du 28 juin 2016 ;
4°) de condamner l'EPISEAH à lui verser une somme de 34 200 euros en réparation de ses préjudices ;
5°) d'enjoindre à l'EPISEAH de procéder au réexamen de sa demande de protection fonctionnelle dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte du paiement d'une somme de 100 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de l'EPISEAH le versement d'une somme de 5000 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal ne pouvait, sans se contredire, annuler la sanction de 2014 et considérer que l'existence de cette sanction permettait de justifier de façon valable l'édiction d'une nouvelle sanction en 2016 ;
- le refus opposé à son épouse, régulièrement mandatée, de consulter son dossier disciplinaire préalablement à la tenue du conseil de discipline a vicié la procédure disciplinaire et le principe du contradictoire n'a pas été respecté par l'établissement, de même que les droits de la défense ; subsidiairement, la procédure a été viciée compte tenu de l'absence de tenue du conseil de discipline préalablement à l'édiction de la sanction du 10 février 2016 ;
- contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal, l'édiction de la sanction du 10 février 2016 n'a pas purgé la procédure antérieure ;
- il a été victime de harcèlement moral ;
- il incombait à l'établissement en application de l'article 6 quinquies et du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, de prendre toute mesure nécessaire à la préservation de sa santé ;
- le tribunal a omis de répondre à ses conclusions tendant à ce que l'EPISEAH produise son entier dossier administratif et à faire ordonner toute mesure utile à la manifestation de la vérité ;
- l'EPISEAH doit être condamné à lui verser la somme de 34 200 euros correspondant à 18 mois de salaire en indemnisation des préjudices qu'il a subis dès lors qu'il a vu sa rémunération impactée par une sanction injustifiée dans le cadre de harcèlement moral, que son évolution professionnelle a été pénalisée, sa santé s'est dégradée ainsi que sa réputation professionnelle.
Par un mémoire enregistré le 8 février 2019, l'établissement public isérois des services pour enfants et adolescents handicapés (EPISEAH), représenté par Me de la Porte des Vaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2012-739 du 9 mai 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,
- et les observations de Me de la Porte des Vaux représentant l'établissement public isérois des services pour enfants et adolescents handicapés ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., titularisé à compter du 1er novembre 2009 en qualité d'éducateur des activités physiques et sportives et affecté à compter de 2012 au sein de l'établissement public isérois des services pour enfants et adolescents handicapés (EPISEAH), s'est vu infliger, le 6 mars 2014, la sanction disciplinaire de l'avertissement. Par des décisions du 10 février 2016 la directrice de l'EPISEAH lui a infligé la sanction de l'abaissement d'échelon et l'a reclassé au 10ème échelon de son grade à la date du 26 juillet 2015. Par courrier du 30 mai 2016, M. A... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, s'estimant victime depuis plusieurs mois d'une situation de harcèlement au travail et a également sollicité l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 34 200 euros. Par une décision du 28 juin 2016, la directrice de l'établissement public précité a rejeté ces demandes. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble lu le 17 mai 2018, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 10 février et 28 juin 2016 ainsi que ses conclusions tendant à la condamnation de l'EPISEAH à lui verser une somme de 3 000 euros en raison de l'illégalité de la sanction disciplinaire du 10 février 2016 et une somme de 34 200 euros en réparation de ses autres préjudices.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En se prononçant sur le bien-fondé des allégations de M. A... relatives aux faits de harcèlement moral dont il aurait été victime, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement rejeté ses conclusions tendant à ce que l'EPISEAH produise son entier dossier administratif et à faire ordonner " toute mesure utile à la manifestation de la vérité ". Par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé des demandes :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 10 février 2016 :
3. Aux termes de l'article 84 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : " L'autorité investie du pouvoir de nomination ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. ". L'article 26 du décret du 9 mai 2012 susvisé prévoit que : " En matière disciplinaire, lorsque l'avis émis par la commission des recours prévoit une sanction moins sévère que celle qui a été prononcée par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, celle-ci est tenue de lui substituer une nouvelle décision qui ne peut comporter de sanction plus sévère que celle retenue par la commission des recours. ". En application de ces dispositions, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire est en situation de compétence liée par rapport à l'avis du conseil supérieur de recours et elle doit prendre une nouvelle décision qui se substitue à la première décision disciplinaire sans être tenue de solliciter un nouvel avis du conseil de discipline.
4. Il ressort des pièces du dossier que, suite à l'avis de la commission de recours du 16 juillet 2015, la directrice de l'établissement précité a pris, le 10 février 2016, un nouvelle sanction disciplinaire d'abaissement d'un échelon, décision qui a implicitement mais nécessairement retiré la sanction initiale d'abaissement de quatre échelons prononcée à l'encontre de M. A... le 20 juillet 2015. En constatant, au vu des pièces du dossier, que les irrégularités invoquées et relatives à la consultation du dossier de l'intéressé avant la réunion du conseil de discipline préalablement à la décision initiale du 20 juillet 2015 sont sans incidence sur la légalité de la décision du 10 février 2016, le tribunal, qui s'est borné à répondre au moyen invoqué par l'intéressé, n'a pas soulevé d'office un moyen d'ordre public, et cela alors même que cet argument n'était pas invoqué en défense. Par ailleurs, et compte tenu de ce qui vient d'être dit concernant la substitution de la décision prise après recours devant la commission de recours à la sanction initiale, l'autorité administrative n'était pas tenue de solliciter un nouvel avis du conseil de discipline.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
5. En premier lieu, en l'absence d'illégalité fautive, ainsi qu'il résulte du point 4, M. A... n'est pas fondé à demander la condamnation de l'EPISEAH à l'indemniser des préjudices consécutifs à la sanction disciplinaire prononcée le 10 février 2016 qui résulteraient d'une telle illégalité.
6. En second lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment (...) l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions (...), d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause (...) / (...) / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".
7. M. A... entend, par la présente requête, se prévaloir de l'illégalité du refus de protection fonctionnelle susmentionné en tant que les faits allégués par l'intéressé seraient constitutifs de harcèlement moral dont il estime avoir été victime lors de l'exercice de ses fonctions au sein de l'établissement public isérois des services pour enfants et adolescents handicapés (EPISEAH). Il y a donc lieu, pour la cour, d'examiner si une mesure de protection fonctionnelle dont le champ excède les situations de harcèlement moral, devait, au cas d'espèce, être mise en oeuvre à raison de l'existence d'une situation répondant aux conditions énoncées par l'article 6 quinquies précité.
8. À cet égard, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
9. Il résulte de l'instruction, et contrairement à ce que soutient M. A..., que les deux sanctions disciplinaires qui lui ont été infligées les 6 mars 2014 et 10 février 2016 reposaient sur des faits matériellement établis relatifs au non-respect de procédures internes concernant la situation d'un mineur accueilli ainsi que, durant les années scolaires 2013/2014 et 2014/2015, à des méthodes éducatives inappropriées au regard notamment de la particularité des mineurs accueillis dans l'établissement ou encore de son attitude irrespectueuse envers ses collègues. Par ailleurs, si l'intéressé soutient qu'il aurait été, à tort, accusé de la fugue d'un mineur et du vol d'une trottinette appartenant à l'établissement ou qu'il aurait fait l'objet de dénigrement de la part de ses collègues lors de réunions, aucune pièce du dossier ne vient établir ses assertions. Enfin, la circonstance que sa notation 2015 ait été modifiée à sa demande sans pour autant remettre en cause les difficultés tenant à ses pratiques professionnelles ou encore qu'il ait fait l'objet de deux contrôles lors de son congé maladie, ne caractérise pas une situation de harcèlement au sens de l'article 6 quinquies précité.
10. Il suit de là que, faute d'éléments de fait susceptibles de faire présumer un harcèlement, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 mai 2018, qui n'est pas entaché d'une contradiction de motifs, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 10 février 2016 et a refusé de l'indemniser des préjudices qu'il aurait subis en lien avec la situation de harcèlement qu'il dénonce. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation doivent, dès lors être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction.
11. L'EPISEAH n'étant pas la partie perdante, les conclusions de M. A... tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement à l'EPISEAH d'une somme en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'établissement public isérois des services pour enfants et adolescents handicapés (EPISEAH) tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'établissement public isérois des services pour enfants et adolescents handicapés (EPISEAH).
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
Mme Djebiri, premier conseiller,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
N° 18LY04041
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