Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune de Solaize a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2016 par lequel le préfet du Rhône a approuvé le plan de prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie ;
2°) d'ordonner au préfet du Rhône de produire les extraits des études de dangers des établissements Total Raffinage et Rhône Gaz ainsi que du rapport de l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire établissant la prise en compte des effets dominos induits par la gare de triage de matières dangereuses de Sibelin.
Par jugement n° 1609469 et 1703560 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 19 octobre 2016 et a décidé que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du présent jugement contre les actes pris sur son fondement, cette annulation prendra effet à compter du 10 janvier 2021 et qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par la commune de Solaize.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 mars 2019, la commune de Solaize, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 janvier 2019 en tant qu'il a déclaré n'y avoir pas lieu à statuer sur sa requête ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral n° 69-2016-10-19-001 du 19 octobre 2016 portant approbation du plan de prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne l'irrégularité du jugement :
- la jonction des requêtes de la société Plymouth Française et de la commune de Solaize est entachée d'irrégularité, en tant qu'elle a permis au tribunal administratif de ne pas se prononcer sur ses moyens, lesquels soulèvent pourtant une question essentielle ;
- saisi de la légalité d'une décision qu'il a déjà annulée dans une autre instance, le juge ne peut prononcer un non-lieu que si la première décision est devenue définitive ;
- les premiers juges ne pouvaient conclure au non-lieu à statuer sans en informer préalablement les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne l'évocation :
- l'étude de dangers des installations classées soumises au plan de prévention des risques technologiques (PPRT) est insuffisante ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant que le règlement du PPRT contesté n'édicte aucune mesure de protection concernant la portion de l'autoroute A7 située dans la zone d'aléas les plus forts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est irrecevable et que les moyens soulevés par la commune de Solaize ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l'évaluation de certains plans et documents ayant une incidence sur l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me A... représentant la commune de Solaize, et de Me E... représentant les sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem one et Rhodia Opérations ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 19 octobre 2016 par lequel le préfet du Rhône a approuvé le plan de prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie et a décidé que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du présent jugement contre les actes pris sur son fondement, cette annulation prendra effet à compter du 10 janvier 2021 et qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par la commune de Solaize, laquelle relève appel du jugement en tant qu'il a déclaré n'y avoir pas lieu à statuer sur sa requête.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires. La jonction est, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peut, par suite, être contestée en tant que telle devant le juge d'appel.
3. En second lieu, le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une décision juridictionnelle rendue par lui-même ou par une autre juridiction qu'il n'y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable. Il en va toutefois différemment lorsque, faisant usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il joint les requêtes pour statuer par une même décision, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations. Dans cette hypothèse, toutes les parties concernées sont, en cas d'exercice d'une voie de recours, mises en cause et celle à laquelle un non-lieu a été opposé, mise à même de former, si elle le souhaite, un recours incident contre cette partie du dispositif du jugement.
4. En procédant à la jonction des requêtes de la société Plymouth Française et de la commune de Solaize et en jugeant, après avoir annulé l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2016, que les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par la commune de Solaize avaient perdu leur objet, dès lors que le tribunal y avait déjà fait droit en statuant sur la demande de la société Plymouth Française et qu'il n'y avait donc plus lieu d'y statuer, le tribunal administratif de Lyon a fait une exacte application de son office de juge de l'excès de pouvoir. Il n'était pas tenu d'adresser aux parties un avertissement conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative. La double circonstance d'une part, que le tribunal administratif ne se soit pas prononcé sur les moyens de la commune de Solaize, d'autre part, que la décision d'annulation du tribunal administratif de Lyon ne soit pas définitive, est sans incidence sur la régularité du jugement.
5. La commune de Solaize n'est par suite pas fondée à soutenir que le jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon est entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. L'arrêté litigieux du 19 octobre 2016 par lequel le préfet du Rhône a approuvé le plan de prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie identifie deux types d'aléas sur le territoire de la commune de Solaize. D'une part, il existe un risque de surpression avec des intensités particulièrement fortes, supérieures à 200 mbar pour la portion de l'autoroute A7 se propageant en ondes de choc, et comprises entre 50 et 140 mbar pour toute la partie couvrant la gare de triage de Sibelin. D'autre part, il existe un risque thermique de type " feux continus ", " feux de nuage " et " boules de feu " également d'intensité très élevée, qui impacte l'Ile de la Chèvre, l'autoroute ainsi que la gare de triage.
Sur l'insuffisance des études de dangers :
7. Aux termes de l'article L. 515-15 du code de l'environnement : " L'Etat élabore et met en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques qui ont pour objet de délimiter les effets d'accidents susceptibles de survenir dans les installations figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-36 et qui y figuraient au 31 juillet 2003, et pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques directement ou par pollution du milieu (...). Ces plans délimitent un périmètre d'exposition aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité des risques technologiques décrits dans les études de dangers et des mesures de prévention mises en oeuvre. ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude de dangers ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
8. La commune de Solaize soutient qu'alors que la gare de triage de matières dangereuses de Sibelin, laquelle connaît des incidents réguliers, jouxte les stockages de gaz de la raffinerie Total et de l'établissement Rhône Gaz, les effets dominos des phénomènes dangereux, que cette infrastructure de transport de matières dangereuses est susceptible de générer, ont été insuffisamment pris en compte dans les études de dangers des établissements Total Raffinage France et Rhône Gaz. Toutefois, le ministre fait valoir, sans être contredit, que cette question fait l'objet d'un traitement spécifique par les services de l'Etat sur le fondement de la règlementation existante en matière de transport de matières dangereuses. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'une étude de dangers spécifique a été réalisée par Sncf réseau le 19 mai 2017 pour la gare de triage de Sibelin et que le préfet a, par arrêté publié le 15 juin 2018, pris des mesures destinées à préserver la sécurité des riverains de la gare sur les territoires des communes de Solaize et de Feyzin. Par ailleurs, le comité d'information et d'échanges spécifique pour la gare de triage de Sibelin, lequel associe Sncf Réseau, les services de l'Etat, les collectivités territoriales intéressées et des représentants des riverains, et dont le règlement intérieur prévoit d'aborder régulièrement le sujet des incidents impliquant des matières dangereuses, a été réuni les 30 avril 2019, 1er juillet 2019 et 6 décembre 2019. Par suite, la commune n'établit pas que les études de dangers des installations classées soumises au plan litigieux seraient insuffisantes, ni même en quoi ces insuffisances auraient eu pour effet de nuire à l'information complète de la population de Solaize ou auraient été de nature à exercer une influence sur la décision du préfet du Rhône. Dans ces conditions le moyen doit être écarté.
Sur l'absence de mesure de protection de l'autoroute A7 :
9. Aux termes de l'article L. 515-16-2 du code de l'environnement : " I.- Dans les zones de prescription mentionnées à l'article L. 515-16, les plans de prévention des risques technologiques peuvent prescrire des mesures de protection des populations contre les risques encourus, relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des installations et des voies de communication existant à la date d'approbation du plan, qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants et utilisateurs dans les délais que le plan détermine. Ces mesures peuvent notamment être relatives aux mouvements et au stationnement des véhicules de transport de matières dangereuses et, pour les seuls logements, porter sur la réalisation de travaux de protection. Les prescriptions portant sur la réalisation de travaux peuvent être formulées sous forme d'objectifs de performance. Les travaux de protection prescrits pour les logements sont réalisés dans un délai de huit ans à compter de l'approbation du plan, ou avant le 1er janvier 2021 si le plan a été approuvé avant le 1er janvier 2013 (...) ". L'article 1.2.3 du titre IV du règlement du PPRT prévoit que : " Pour l'autoroute A7 : Le PPRT prescrit, dans un délai de 2 ans, la réalisation d'une étude d'opportunité et de faisabilité de mesures de gestion de trafic sur l'A7 dont l'objectif est de limiter les congestions dans la zone rouge. Cette étude, prise en charge par l'État, intégrera la possibilité d'instaurer des mesures de gestion du trafic sur les principaux axes connexes (et notamment la RD 383 et la RD 12). Elle intégrera également l'évaluation de l'impact des éventuelles mesures sur l'ensemble de l'A7 et ses axes limitrophes. Si la pertinence et la faisabilité technico-économique des mesures identifiées par l'étude est avérée, à la demande du préfet, le gestionnaire de l'autoroute les met en oeuvre dans un délai de 5 ans. L'étude de faisabilité technique, juridique et financière portant sur les itinéraires de grand contournement de Lyon et sur les dispositifs d'incitation à leur usage réalisée sous la maîtrise d'ouvrage de l'État et co-financée par la Métropole sera menée à terme d'ici 2018. Elle intégrera dans ses conclusions les gains du report de trafic vers des itinéraires non exposés aux risques du présent PPRT. Le PPRT prescrit la mise en place d'une signalisation routière informant des risques dans cette zone dans un délai d'un an après l'approbation du PPRT. ".
10. La commune de Solaize soutient que l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant que le règlement du PPRT contesté n'édicte aucune mesure de protection concernant la portion de 5 km de l'autoroute A7 située dans la zone d'aléas les plus forts, où près de 9 000 personnes sont exposées à un risque létal, s'agissant d'une autoroute empruntée en moyenne quotidienne par plus de 110 000 personnes, et alors que les dispositions de l'article 1.2.3 du titre IV du règlement du PPRT ne sont pas en adéquation avec la gravité des risques pesant sur les usagers de l'autoroute A7. Toutefois, la mise en oeuvre d'un PPRT ne permet de prescrire ni de mesures foncières, ni de travaux de renforcement sur le domaine public. Les éventuels travaux de protection des biens publics, lesquels ne peuvent être ni expropriés, ni être inscrits en zone de délaissement, relèvent de la seule responsabilité des gestionnaires du domaine public. Il ressort, en outre, des pièces du dossier, notamment de la note de présentation du plan litigieux que la réduction de la vulnérabilité de l'A7 s'inscrit dans la problématique plus globale des flux de transit routier qui traversent l'agglomération lyonnaise et qu'il s'agit d'un objectif de long terme qui dépasse l'horizon temporel du présent plan. Les solutions passives de protection de l'A7 ont été envisagées mais écartées du fait de la faisabilité et des coûts, notamment des tunnels ou encore du fait de l'inefficacité des protections tenant aux murs ou aux merlons. Dans ces conditions, l'appelante ne démontre pas, qu'en se limitant à prévoir la réalisation d'une étude d'opportunité et de faisabilité de mesures de gestion de trafic sur l'A7, une étude de faisabilité technique, juridique et financière portant sur les itinéraires de grand contournement de Lyon et la mise en place d'une signalisation routière informant des risques dans cette zone dans un délai d'un an, l'autorité administrative a fait une inexacte application des dispositions précitées.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la commune de Solaize n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Solaize est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Solaize et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Pierre Thierry, premier conseiller,
Mme C... D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 décembre 2020.
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N° 19LY00941