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17/12/2020 | FRANCE | N°19LY01269

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 17 décembre 2020, 19LY01269


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Ormylia a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des retenues à la source prélevées sur les dividendes versés à la SARL Ormylux au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des majorations correspondantes.

Par un jugement nos 1605614 - 1706708 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes public

s demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Ormylia a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des retenues à la source prélevées sur les dividendes versés à la SARL Ormylux au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des majorations correspondantes.

Par un jugement nos 1605614 - 1706708 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 2018 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la SAS Ormylia devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de remettre à sa charge les retenues à la source d'un montant de 1 921 142 euros et les majorations correspondantes d'un montant de 205 903 euros.

Il soutient que :

- si la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 et l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation fiscale nationale qui subordonne l'octroi de l'avantage fiscal prévu à l'article 5, paragraphe 1, de cette directive à la condition que celle-ci établisse que la chaîne de participation n'a pas comme objet principal ou comme l'un de ses objets principaux de tirer avantage de cette exonération, l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 prévoit expressément qu'elle ne fait pas obstacle à l'application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d'éviter les fraudes et les abus ;

- en l'espèce, la chaîne de participations avait comme objet principal l'obtention de l'exonération de la retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 ter du code général des impôts dès lors que la SARL Ormylux a été créée concomitamment au transfert de résidence fiscale de M. E... en Suisse, que la création de la SARL Ormylux n'avait aucun but économique et que son interposition démontre l'existence d'un montage artificiel destiné à éviter l'imposition ;

- à titre subsidiaire, la SAS Ormylia n'a pas démontré que la condition prévue au d. du 2 de l'article 119 ter était satisfaite ;

- la société n'établit pas l'existence d'une erreur de calcul de la retenue à la source, dès lors que cette dernière doit être assise sur la somme des produits effectivement versés au bénéficiaire et de l'avantage résultant pour ce dernier de l'absence de retenue pratiquée sur les produits versés.

Par un mémoire, enregistré le 15 juin 2019, la SAS Ormylia, représentée par Me D..., demande à la cour de rejeter la requête du ministre de l'action et des comptes publics et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les dispositions du 3 de l'article 119 ter sont inapplicables dès lors qu'elles instituent une discrimination contraire au droit de l'Union ;

- l'administration, qui n'a pas mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit, ne peut soutenir que le montage avait un but exclusivement fiscal ;

- en tout état de cause, l'administration ne démontre pas que la chaîne de participations avait comme objet principal le bénéfice de l'exonération de la retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 ter du code général des impôts ;

- la condition prévue au d du 2 de l'article 119 ter est satisfaite ;

- la retenue à la source doit être calculée " en dedans ".

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 90/435/CE du Conseil du 23 janvier 1990 ;

- la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt C-6/16 du 7 septembre 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme F..., rapporteure publique,

- et les observations de Me D..., représentant la SAS Ormylia ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 novembre 2020, présentée par la SAS Ormylia ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Ormylia, créée en 1969, qui exerce une activité de gestion de patrimoine et a pour unique associé M. E..., est détenue par la société luxembourgeoise SARL Ormylux depuis le 1er juin 2011, date de création de cette dernière société à laquelle M. E... a apporté la totalité de ses titres. La SAS Ormylia a fait l'objet de vérifications de comptabilité portant sur les périodes du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 à l'issue desquelles l'administration fiscale, après avoir constaté que la société avait décidé, les 27 février 2013, 29 avril 2014 et 14 août 2014, de distribuer des dividendes en 2013 et 2014 à son associé unique, la SARL Ormylux, dont le capital est détenu par M. E..., résident suisse depuis le 1er juin 2011, et par ses six enfants, a mis à sa charge la retenue à la source de 5 % prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts au titre des exercices clos en 2013 et 2014. Par un jugement du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint ses deux demandes, a prononcé la décharge de ces retenues à la source et des majorations correspondantes. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.

2. Le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts soumet à l'application d'une retenue à la source les revenus distribués par des personnes morales françaises à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Aux termes de l'article 119 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux exercices en litige : " 1 La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal. 2 Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'elle remplit les conditions suivantes : (...) d. Etre passible, dans l'Etat membre où elle a son siège de direction effective, de l'impôt sur les sociétés de cet Etat, sans possibilité d'option et sans en être exonérée ; (...)3 Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas lorsque les dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'Etats qui ne sont pas membres de la Communauté, sauf si cette personne morale justifie que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage des dispositions du 1. ".

3. Dans l'arrêt du 7 septembre 2017 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel par une décision n° 374836 du 30 décembre 2015 sur saisine des sociétés Eqiom et Enka, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, d'une part, que, dans la mesure où l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990, qui reconnaît uniquement aux Etats membres le pouvoir d'appliquer des dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d'éviter les fraudes et les abus, n'opère pas une harmonisation exhaustive, la législation nationale adoptée afin de mettre en oeuvre ces dispositions peut également être appréciée au regard des dispositions du droit primaire et, d'autre part, que l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 90/435/CEE et l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation fiscale nationale qui subordonne l'octroi de l'avantage fiscal prévu à l'article 5, paragraphe 1, de cette directive - à savoir l'exonération de retenue à la source des bénéfices distribués par une filiale résidente à une société mère non-résidente, lorsque cette société mère est contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'Etats tiers - à la condition que celle-ci établisse que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme l'un de ses objets principaux de tirer avantage de cette exonération. Il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que les dispositions du 3 de l'article 119 ter du code général des impôts instituent une discrimination contraire au droit de l'Union européenne. Par suite, l'administration ne pouvait se fonder sur ces dispositions pour remettre en cause le bénéfice de l'exonération de la retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 ter du code général des impôts.

4. Si l'administration fiscale fait valoir que l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 prévoit que cette directive ne fait pas obstacle à l'application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d'éviter les fraudes et les abus et soutient qu'en l'espèce, la chaîne de participations avait comme objet principal le bénéfice de l'exonération de la retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 ter du code général des impôts, ainsi qu'il a été ci-dessus, elle ne peut néanmoins se fonder sur le 3 du même article pour remettre en cause le bénéfice de cette exonération de la retenue aux versements de dividendes opérés par la SAS Ormylia à la SARL Ormylux et ne se prévaut d'aucune autre disposition nationale permettant de s'opposer à l'exonération de la retenue à la source en cas de fraude.

5. Enfin, il résulte de l'instruction, et, notamment, des certificats de résidence fiscale établis par l'administration des contributions fiscales du Luxembourg le 25 août 2011 et le 4 février 2013, que la SARL Ormylux, résidente fiscale luxembourgeoise, est assujettie dans cet Etat à l'impôt sur le revenu des collectivités, sans possibilité d'option et sans en être exonérée. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir, à titre subsidiaire, que la condition prévue au d du 2 de l'article 119 ter, tenant à ce que la société mère soit passible de l'impôt sur les sociétés dans l'Etat où elle a son siège de direction effective, n'est pas satisfaite.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des impositions en litige.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SAS Ormylia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Ormylia la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Ormylia et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

N° 19LY01269

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01269
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : ARCHIMEDE AVOCATS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;19ly01269 ?
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