Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 avril 2019 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1903275 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 janvier 2020, M. E... B... représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'enjoindre le préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de condamner le préfet de la Loire au paiement de la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnaît d'une part, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, d'autre part, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour, méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2020, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.
Il déclare s'en rapporter à ses écritures de première instance et aux motifs retenus par les premiers juges.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E... B..., ressortissant tunisien né le 20 mai 1983, relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 décembre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 avril 2019 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour avant de refuser son admission exceptionnelle au séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne prévoit également que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ".
4. M. B... fait état de la durée de son séjour en France où serait ancrée sa vie privée, sociale et professionnelle et des liens familiaux dont il dispose. Toutefois, si l'appelant est entré sur le territoire français en 2009, la continuité de son séjour sur le territoire n'est pas démontrée par les pièces versées à l'instance. Par ailleurs, s'il est constant que le père de M. B... et les frères de son père résident sur le territoire national, l'un des frères du requérant ayant, au demeurant, fait l'objet par des décisions du même jour d'un refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français, M. B..., qui est célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches en Tunisie où résident sa mère et ses trois soeurs. En outre, arrivé en France à l'âge de vingt-six ans, il a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine. De plus, eu égard notamment à ses faibles revenus, M. B... ne peut être regardé comme justifiant d'une insertion professionnelle à la fois ancienne et significative, alors même qu'il dispose d'un contrat de travail et que l'entreprise " Le Djerba ", dont la gérance est assurée par son père, a accompli des formalités pour procéder à son embauche. A cet égard, M. E... B... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, au demeurant non établie, que son père n'aurait trouvé aucun candidat sur le marché du travail national pour le remplacer et ne pourrait être assisté que par ses fils. Enfin, le requérant n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il ne pourrait pas poursuivre son existence en Tunisie. Par suite, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent dès lors être écartés.
5. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Dans ces conditions, M. E... B..., qui ne conteste pas avoir été dépourvu de visa de long séjour lors de son entrée en France, ne peut utilement invoquer le bénéfice de ces dispositions, cette seule circonstance suffisant à lui refuser l'accès au séjour sur ce fondement. De même, l'appelant ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, laquelle est dépourvue de valeur règlementaire.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs exposés aux points précédents, la décision obligeant le requérant à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 que M. E... B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
8. Il résulte de l'ensemble ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
Mme D... A..., présidente de chambre,
M. Fédi, président-assesseur,
Mme C... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
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N° 20LY00207