Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... H... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 20 juin 2016 et 4 juillet 2016 par lesquelles le maire de la commune de Billiat a refusé de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle qu'il lui avait accordée par décision du 22 juin 2015 et d'enjoindre à cette autorité, soit de réparer directement les préjudices consécutifs aux décisions attaquées, soit de prendre en charge les frais afférents aux procédures à engager.
Par un jugement n° 1606340 du 21 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 20 juin 2016 et du 4 juillet 2016, en ce qu'elles refusent d'indemniser l'intéressé des pertes de traitement et de ses accessoires, des pertes de bénéfices tirés de l'activité d'entrepreneur, ainsi que des frais de kinésithérapie et des frais de déplacement y afférents, et a enjoint au maire de Billiat de notifier à M. H... une proposition d'indemnisation de ses pertes de traitement et de ses accessoires, de ses pertes de bénéfices d'entrepreneur, ainsi que des frais de kinésithérapie et des frais de déplacement y afférents reposant, d'une part, sur les documents annexés à la demande du 26 mai 2016 et de tout autre document porté à la connaissance de la commune dans le cadre de l'instance engagée, d'autre part, sur la période d'indisponibilité de l'intéressé.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2019 la commune de Billiat, représentée par la SELARL Cabinet Philippe C... et associes, agissant par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 novembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. H... ;
3°) de mettre à la charge de M. H... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont inexactement qualifié les décisions des 20 juin 2016 et 4 juillet 2016 de refus de mise en oeuvre de la protection fonctionnelle ;
- M. H... n'a produit qu'une simple demande de provision pour une éventuelle action contre son agresseur à laquelle s'opposait le principe du paiement après service fait ;
- M. H... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de la protection fonctionnelle car les attaques qu'elle protège doivent avoir été subies ès qualité, ce qui n'était pas sa situation ;
- en tout état de cause, la protection fonctionnelle ne saurait justifier la réparation de tous préjudices notamment sans lien avec les fonctions :
o ni en ce qui concerne la perte de traitement et de ces accessoires de rémunération ;
o ni en ce qui concerne une prétendue perte de bénéfice liée à son activité d'entrepreneur ;
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2019, M. H... représenté par la SCP Deygas-Perrachon et associés, agissant par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la commune de Billiat la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me G... représentant la commune de Billiat, et de Me E... représentant M. H... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. H... adjoint technique 2ème classe, est agent de la commune de Billiat pour un emploi à temps non complet de 21 heures hebdomadaires et exerce parallèlement une activité de paysagiste en tant que travailleur indépendant. Lors de l'exercice de ses fonctions, il a subi, le 8 juin 2015 une agression au cours de laquelle il a été blessé au poignet et a été consécutivement placé en arrêt de travail. L'accident a été reconnu imputable au service et, par une décision du 22 juin 2015, le maire de la commune de Billiat lui a accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par des courriers des 26 mai et 21 juin 2016, M. H... a demandé à la commune l'indemnisation des préjudices personnels qu'il estimait résulter de l'agression. Par des décisions des 20 juin 2016 et 4 juillet 2016, le maire de la commune de Billiat a rejeté ces demandes. La commune relève appel du jugement rendu le 21 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ces deux décisions et lui a enjoint de notifier à M. H... une proposition d'indemnisation de ses pertes de traitement et de ses accessoires, de ses pertes de bénéfices d'entrepreneur, ainsi que des frais de kinésithérapie et des frais de déplacement y afférents.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV. La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) VI - La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des faits mentionnés aux IV (...) la restitution de sommes versées au fonctionnaire (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogée, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis.
3. La commune ayant été saisie sans ambiguïté par M. H... de demandes d'indemnisation, sur le fondement de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983, elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont inexactement qualifié les décisions des 20 juin 2016 et 4 juillet 2016 par lesquelles elle a rejeté ces demandes de refus de mise en oeuvre de la protection fonctionnelle.
4. Si le caractère d'acte créateur de droits de la décision accordant la protection prévue par les dispositions précitées fait obstacle à ce que l'administration puisse légalement retirer, plus de quatre mois après sa signature, une telle décision, hormis dans l'hypothèse où celle-ci aurait été obtenue par fraude, l'autorité administrative peut mettre fin à cette protection pour l'avenir si elle constate, à la lumière d'éléments nouvellement portés à sa connaissance, que les conditions de la protection fonctionnelle n'étaient pas réunies ou ne le sont plus, notamment si ces éléments permettent de révéler l'existence d'une faute personnelle ou que les faits allégués à l'appui de la demande de protection ne sont pas établis.
5. La commune de Billiat ne fait état d'aucun élément porté à sa connaissance postérieurement à sa décision du 22 juin 2015 accordant cette protection qui révélerait que les conditions de celle-ci n'étaient pas réunies ou ne le sont plus. Cette décision ne pouvant plus, dès lors, être retirée, la commune ne peut utilement soutenir pour justifier son refus de mettre en oeuvre la protection qu'elle a accordée à M. H... que celui-ci ne remplit pas les conditions du bénéfice d'une telle protection.
6. La circonstance que M. H... a bénéficié de congés rémunérés au cours de ses arrêts de travail, en application du décret du 20 mars 1991, n'a pas pour effet de décharger la commune de réparer intégralement les préjudices causés par les violences subies par M. H.... Par suite, la commune de Billiat n'est pas fondée à soutenir que celui-ci ne saurait prétendre à être indemnisé de la perte de son traitement et de ces accessoires, excepté pour ce qui concerne les primes et indemnités liées à l'exercice de ses fonctions. De même, la circonstance que l'activité d'entrepreneur soit sans lien avec ses fonctions est sans influence sur le droit à réparation que M. H... tient de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983.
7. La commune soutient au sujet de cette activité que M. H... ne lui a jamais fait parvenir la déclaration écrite de son existence, prévue par l'article 16 du décret du 2 mai 2007 susvisé. Cette obligation de déclaration écrite a seulement pour objet d'informer l'employeur public afin qu'il soit en mesure, le cas échéant de s'opposer à une telle activité. Par suite, la circonstance que M. H... n'ait pas effectué cette déclaration écrite est en l'espèce encore sans incidence sur son droit à réparation dès lors que la commune avait une parfaite connaissance de cette activité privée, exercée, selon les déclarations non contredites de M. H..., avant même son recrutement à temps non complet pour la commune. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, M. H... a droit à la réparation du préjudice découlant de l'arrêt de son activité d'entrepreneur, pour autant, toutefois, qu'il établisse la réalité de la perte de rémunération résultant de la diminution du chiffre d'affaires de son entreprise.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Billiat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a fait droit aux conclusions à fin d'annulation de M. H... et lui a indiqué les mesures à prendre pour procéder à la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de M. H..., qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions de commune de Billiat en ce sens doivent être rejetées.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Billiat une somme de 2 000 euros qu'elle paiera à M. H..., au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Billiat est rejetée.
Article 2 : La commune de Billiat versera une somme de 2 000 euros à M. H... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Billiat et à M. B... H....
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme D... A..., présidente de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
No 19LY001172