Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 23 septembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de la 69ème section du Rhône a autorisé la société Conforama France à le licencier pour motif économique, ensemble la décision du 4 mai 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé cette décision sur recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1704881 lu le 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 18 janvier 2019, présentée pour la société Conforama France, il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1704881 lu le 20 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement dès lors qu'elle s'est efforcée de proposer à M. A... des postes correspondant à ses compétences et qualification et/ou au plus proche de chez lui comme cela était son souhait ;
- le motif économique a l'origine de la demande d'autorisation de licenciement de M. A... est parfaitement établi.
Par mémoire enregistré le 11 avril 2019, le ministre du travail s'associe aux conclusions de la requête de la société Conforama France.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante sont fondés et fait valoir que les premiers juges ne pouvaient prendre en compte un poste de responsable administratif qui n'était pas disponible à la date de la décision de l'inspecteur du travail.
Par mémoires enregistrés les 1er juin et 4 octobre 2019, présentés pour M. A..., il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Conforama France et de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me C... pour la société Conforama France, ainsi que celles de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Conforama France, appartenant au groupe Steinhoff depuis 2011 et qui exerce une activité de vente de biens d'équipements de la maison, après avoir constaté le déclin du secteur de son activité consacré à la réparation des produits électroménagers TV/Vidéo et informatique, sous l'enseigne SAVEO, a mis en place, à partir de l'année 2012, un projet de restructuration se traduisant, en particulier, par un regroupement des activités sur cinq centres seulement au lieu de douze, et la suppression de deux cent quatre-vingt-huit postes. En conséquence d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui impliquait, en particulier, la suppression du poste de responsable administratif occupé sur le site SAVEO de Saint-Priest par M. A..., qui était investi des mandats de membre titulaire du comité d'établissement, de délégué du personnel suppléant, de membre du CHSCT, de membre du comité de groupe, de délégué syndical et de membre de la fédération régionale du CIBC de Rhône-Alpes, la société Conforama France a sollicité, à plusieurs reprises, eu égard aux refus de ce salarié d'accepter les offres de reclassement proposées, et, en dernier lieu, par une lettre du 22 juillet 2016, l'autorisation de le licencier pour motif économique. Cette autorisation lui a été accordée par une décision du 23 septembre 2016 de l'inspecteur du travail de la 69ème section du Rhône et le recours hiérarchique formé par le salarié contre cette décision a été rejeté implicitement le 20 février 2017 puis par une décision du 4 mai 2017 du ministre du travail. La société Conforama France relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a, sur la demande de M. A..., annulé ces décisions et le ministre du travail s'associe aux conclusions de cette requête.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Lorsque le motif de licenciement invoqué par l'employeur fait obligation à l'administration d'apprécier le sérieux des recherches préalables de reclassement effectuées par celui-ci, l'inspecteur du travail doit apprécier les possibilités de reclassement du salarié à compter du moment où le licenciement est envisagé et jusqu'à la date à laquelle il statue sur la demande de l'employeur. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Il appartient au juge, pour juger du respect par l'employeur de l'obligation de moyens dont il est débiteur pour le reclassement d'un salarié, de tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment de ce que les recherches de reclassement conduites au sein de l'entreprise et du groupe ont débouché sur des propositions précises de reclassement, de la nature et du nombre de ces propositions, ainsi que des motifs de refus avancés par le salarié.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à partir du moment où avait été actée la suppression du poste occupé par M. A... et jusqu'à la date à laquelle l'inspecteur du travail a statué sur la demande présentée, par une lettre du 22 juillet 2016, par la société Conforama France pour obtenir l'autorisation de licencier ce salarié pour motif économique, soit durant la période comprise entre octobre 2013 et septembre 2016, cette société a adressé à M. A... dix-sept offres de reclassement, dont la plupart sur des postes de responsable administratif, statut cadre, groupe 6, niveau 1, équivalents à celui occupé par l'intéressé, ainsi que des postes au siège de la société à Lognes, dont le poste de relations clients que M. A... avait lui-même mentionné parmi ses souhaits de reclassement, et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles ne correspondaient pas à ses aptitudes et à son niveau de rémunération. Ainsi, la société Conforama France, qui a recherché des postes à offrir au reclassement au sein du groupe et a effectué plusieurs propositions écrites, précises et sérieuses auxquelles le salarié n'a pas répondu favorablement, sans en contester le caractère sérieux et adapté à ses compétences, et qui n'était pas tenue de lui proposer l'ensemble des offres dans des sociétés du groupe, justifie de la réalité et du caractère suffisant de ses recherches, en dépit de la circonstance, à la supposer établie, que d'autres postes correspondant à ses aptitudes auraient été vacants au sein du groupe sans lui avoir été proposés alors, au demeurant, que la société requérante fait valoir en appel, sans être contredite sur ce point, que le poste de responsable administratif sur le site de Caluire, proche du domicile de M. A..., qui avait été déclaré vacant à compter du mois de novembre 2015 et n'avait été pourvu qu'en février 2016, comme l'ont constaté les premiers juges, avait été proposé prioritairement à une autre salariée, pour des raisons de santé. Dès lors, et alors que M. A... ne peut utilement se prévaloir de ce que la société Conforama France aurait modifié les critères d'ordre de reclassement, dès lors qu'il n'appartient pas à l'administration du travail ni au juge administratif, dans le cadre d'un litige portant sur une autorisation de licenciement d'un salarié protégé, de se prononcer sur un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions relatives à l'ordre des licenciements, c'est à tort que les premiers juges, pour annuler les décisions en litige, se sont fondés sur le motif tiré de ce que l'administration avait estimé à tort que la société Conforama France avait respecté son obligation de reclassement vis-à-vis de M. A....
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en appel.
Sur les moyens à examiner au titre de l'effet dévolutif :
5. En premier lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. Si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.
6. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la société Conforama France, confrontée à un déclin du secteur de son activité consacré à la réparation des produits électroménagers TV/Vidéo et informatique, sous l'enseigne SAVEO, a mis en place, à partir de l'année 2012, un projet de restructuration se traduisant, en particulier, par un regroupement des activités sur cinq centres seulement au lieu de douze, et la suppression de deux cent quatre-vingt-huit postes, visant, selon l'entreprise, à sauvegarder la compétitivité de ce secteur d'activité. Après l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi et plusieurs demandes d'autorisation rejetées par l'administration du travail la société a, par sa lettre 22 juillet 2016, présenté une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique concernant M. A..., en invoquant ce motif tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité de réparation des produits électroménagers TV/Vidéo et informatique, sous l'enseigne SAVEO.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et n'est au demeurant pas contesté par M. A..., qu'au sein du groupe Steinhoff, qui comporte des filiales oeuvrant dans les secteurs du transport logistique, de la production de bois, de la fabrication de meubles et de la commercialisation de produits d'équipement de la maison, seule la société Conforama France exerce une activité de réparation de biens électroménagers-TV/vidéo et informatique. Dès lors, eu égard, en particulier, à la nature des services fournis par l'enseigne SAVEO, qui ne peuvent être fournis par d'autres entreprises du groupe, c'est à bon droit que l'autorité administrative a pris en considération, pour apprécier la réalité des menaces pesant sur sa compétitivité, la situation économique de la seule entreprise du groupe Steinhoff oeuvrant dans ce secteur d'activité, société Conforama France.
8. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier une dégradation continue de la compétitivité du secteur d'activité de la réparation des produits électroménagers TV/vidéo, résultant en particulier d'une chute du nombre d'interventions de 37 % entre 2006 et 2011 et des pertes cumulées depuis juin 2011 s'élevant à 142,6 millions d'euros. Dès lors, le ministre du travail a pu estimer que la réalité des menaces sur la compétitivité de ce secteur d'activité était établie, nonobstant la circonstance, à la supposer établie, que, comme l'affirme M. A..., les documents communiqués ne permettraient pas de déterminer si le groupe n'était pas bénéficiaire.
9. En second lieu, alors qu'ainsi qu'il a été dit, la société Conforama France a recherché des postes à offrir au reclassement au sein du groupe et a effectué plusieurs propositions écrites, précises et sérieuses auxquelles M. A... n'a pas répondu favorablement, les seules circonstances qu'alors que la demande d'autorisation de licenciement était en cours et que le poste de M. A... avait été supprimé, il avait été dispensé d'activité sans que lui soit proposé le poste situé à Caluire, qui était alors occupé par un autre salarié, et qu'après son licenciement un poste libre à Champagne-au-Mont d'Or ne lui avait pas été proposé ne sont pas de nature à démontrer un lien entre le licenciement de M. A... et l'exercice de ses mandats.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Conforama France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 23 septembre 2016 de l'inspecteur du travail, ensemble la décision du 4 mai 2017 du ministre du travail.
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Conforama France et de l'État, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A... à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1704881 du 20 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Conforama France, à M. B... A... et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président-assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.
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N° 19LY00275
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