Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 par lequel le président du conseil départemental de l'Isère l'a mis à la retraite d'office pour invalidité et l'a radié des cadres à compter du 1er juin 2016 et d'enjoindre à la même autorité de le réintégrer sur un poste adapté à son état de santé.
Par un jugement n° 1607448 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de M. C....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 mai 2019 et un mémoire enregistré le 16 septembre 2020, M. B... C..., représenté par Me D...-L'Abbé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 ;
3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Isère de le réintégrer sur un poste adapté.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il ne précise pas la teneur des avis visés, qui ne sont pas joints, et qu'il ne fait pas référence à l'impossibilité de son reclassement ;
- il a été pris à la suite d'une procédure irrégulière, le département n'ayant pas justifié de la transmission à la commission de réforme de l'attestation de reclassement mentionnée par le procès-verbal, l'avis émis par cette commission n'étant pas motivé, et étant incomplet et entaché d'inexactitude matérielle ;
- l'inaptitude totale et définitive à toutes fonctions n'est pas établie ;
- le département a manqué à son obligation de reclassement.
Par des mémoires en défense enregistrés le 10 octobre 2019 et le 16 octobre 2020, le département de l'Isère, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux est suffisamment motivé, dès lors qu'il vise les textes applicables, que M. C... était parfaitement informé des avis de la commission de réforme et de la CNRACL mentionnés dans la décision et qu'il n'y avait pas lieu de faire référence à l'absence de reclassement de l'intéressé ;
- le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté, dès lors qu'aucune disposition n'imposait un rapport écrit du médecin de prévention et une attestation de reclassement, laquelle a été consultée par la commission de réforme, et que l'avis de celle-ci est suffisamment motivé avec la mention de l'expertise médicale ;
- le requérant est inapte totalement et définitivement à toutes fonctions, et il n'a pas contesté l'avis du médecin expert alors qu'il a été informé de cette possibilité, si bien que l'administration n'était pas tenue de rechercher à procéder à son reclassement.
Par ordonnance du 21 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 octobre 2020.
Vu la décision attaquée et les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tallec, président ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Berlottier-Merle, avocat, représentant le département de l'Isère.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., adjoint technique territorial de première classe employé depuis 2001 par le département de l'Isère en qualité de cuisinier chauffeur-livreur, a été victime le 9 février 2011 d'un accident de service. Placé en arrêt de travail, M. C... n'a jamais repris son activité et, le 18 mars 2014, il a été examiné, à la demande de son employeur, par un médecin agréé, lequel a conclu que les arrêts de travail étaient en lien avec cet accident, que les lésions n'étaient pas consolidées, et qu'un reclassement sur un poste ne nécessitant pas le port de charges devait être envisagé. Le 9 novembre 2014, M. C... a demandé un reclassement professionnel à l'administration, qui lui a indiqué le 27 novembre 2014 avoir engagé des démarches en ce sens. Le 20 mars 2015, M. C... a été informé que les services du département n'avaient pas été en mesure de lui trouver un poste adapté ou un emploi de reclassement lui permettant de poursuivre son activité dans des conditions compatibles avec son état de santé, et qu'il serait soumis à un nouvel examen dans la perspective d'une mise en retraite pour invalidité. L'expert ayant déposé ses conclusions le 1er juin 2015, le service en a informé M. C... le 26 juin 2015, en lui indiquant qu'il pouvait contester cet avis et demander une contre-expertise, ce qu'il n'a pas fait. Le 15 octobre 2015, la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités locales de l'Isère a conclu à l'inaptitude définitive de M. C... à toutes fonctions. Par arrêté du 30 mai 2016, M. C... a été mis à la retraite pour invalidité et radié des cadres à compter du 1er juin 2016. Le requérant a déposé un recours gracieux le 5 septembre 2016, rejeté par le département de l'Isère le 24 octobre 2016. M. C... a alors saisi le tribunal administratif de Grenoble, qui par jugement du 7 mars 2019, a rejeté ses demandes. M. C... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " En application de ces dispositions, la décision qui, comme l'arrêté attaqué, met fin avant son terme normal à la carrière d'un fonctionnaire, est au nombre de celles qui doivent être motivées.
3. L'arrêté portant admission à la retraite pour invalidité de M. C... vise les textes législatifs et réglementaires applicables à sa situation, ainsi que les avis favorables à la mesure émis le 15 octobre 2015 par la commission de réforme et le 26 mai 2016 par la CNRACL. Si le requérant soutient que ces avis, que le président du conseil départemental de l'Isère a fait siens, n'étaient ni incorporés ni joints à la décision litigieuse, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'ils avaient été adressés, antérieurement à la notification de celle-ci, à M. C..., permettant ainsi à ce dernier de connaître les considérations de fait constituant le fondement de l'arrêté. Si M. C... fait également valoir que celui-ci ne fait pas référence à l'absence de reclassement par la collectivité, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de l'acte attaqué, qui a été pris en raison de l'inaptitude totale et définitive de l'intéressé à toutes fonctions. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, M. C... soutient que l'avis émis le 15 octobre 2015 par la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités locales de l'Isère comporte plusieurs irrégularités de nature à entacher la légalité de l'arrêté litigieux.
5. D'une part, si le requérant fait valoir que le département de l'Isère n'aurait pas justifié de la transmission d'une attestation de reclassement, il ressort du procès-verbal de la séance que les membres de la commission ont indiqué avoir pris connaissance du document établi le 25 juin 2015 par les services du département, laquelle transmission n'est, au demeurant, imposée par aucune disposition législative ou réglementaire relative au fonctionnement des commissions de réforme de la fonction publique territoriale.
6. D'autre part, aux termes de l'article 17 de l'arrêté susvisé du 4 août 2004 : " Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical ". Si M. C... soutient que la commission n'aurait pas suffisamment précisé les éléments retenus pour fonder ses conclusions d'inaptitude définitive à toutes fonctions, le procès-verbal de la séance mentionne le rapport d'expertise et les six pathologies identifiées par le médecin agréé, ainsi que les réponses aux questions permettant d'aboutir à ces conclusions.
7. Enfin, si le requérant affirme que cet avis serait incomplet et entaché d'inexactitudes, au motif que les épaulalgies dont il souffre seraient en lien avec son activité, contrairement à ce qu'a indiqué la commission, et auraient dû donner lieu à un taux d'invalidité supérieur à celui retenu, il ne fournit aucun élément justificatif à l'appui de ses allégations.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme doit être écarté.
9. En troisième lieu, aucun des éléments produits par M. C... n'est de nature à remettre en cause les conclusions du médecin agréé en date du 1er juin 2015 sur son inaptitude totale et définitive à toutes fonctions. En particulier, le requérant, qui n'a au demeurant pas sollicité de contre-expertise alors qu'il avait pourtant été invité à le faire, ne saurait utilement invoquer les conclusions du même praticien dans son rapport du 18 mars 2014, eu égard à la nature différente des missions confiées à l'expert et à l'évolution de l'état de santé de l'intéressé durant la période en cause.
10. En quatrième et dernier lieu, M. C... soutient que suite à sa demande de reclassement professionnel déposée le 9 novembre 2014, le département de l'Isère n'aurait ni respecté la procédure applicable au reclassement des fonctionnaires territoriaux, ni cherché sérieusement à le reclasser avant d'engager la procédure de mise à la retraite d'office pour invalidité. Toutefois, ces circonstances, à les supposer même établies, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, pris au motif que l'état de santé du requérant le rendait incapable d'exercer toute activité professionnelle.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2016 par lequel le président du conseil départemental de l'Isère l'a mis à la retraite d'office pour invalidité et l'a radié des cadres à compter du 1er juin 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. C..., et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département de l'Isère de présentées sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de l'Isère présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au département de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
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N° 19LY01746