Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'EURL M2I Fayard a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1409282 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure initiale devant la Cour
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2017, l'EURL M2I Fayard demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais engagés en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration a estimé que l'association K-RO Formula ne poursuivait pas un but d'intérêt général dès lors qu'elle ne peut être regardée comme fonctionnant au profit d'un cercle restreint de personnes ;
- les sommes qu'elle a versées à cette association participent d'une opération de mécénat d'entreprise sans attente de contrepartie commerciale et entraient ainsi dans le champ de l'article 238 bis du code général des impôts ;
- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 6 et 7 de l'instruction publiée au bulletin officiel des impôts le 26 avril 2000 sous la référence 4 C-2-00, repris aux paragraphes 100 et 110 de la documentation référencée BOI-BIC-RICI-20-30-10-20 selon lesquels : " Il sera considéré que l'association du nom de l'entreprise versante aux opérations réalisées par l'organisme relève du mécénat si elle se limite à la mention du nom du donateur, quels que soient le support de la mention (logo, sigle...) et la forme du nom, à l'exception de tout message publicitaire (cf. § 120). / Le bénéfice du dispositif en faveur du mécénat ne sera remis en cause que s'il n'existe pas une disproportion marquée entre les sommes données et la valorisation de la " prestation " rendue. ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête n'étaient pas fondés.
Par un arrêt n° 17LY00187 du 28 juin 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2016 et prononcé la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés assignés à l'EURL M2I Fayard au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et des majorations correspondantes.
Procédure devant le Conseil d'État
Par une décision n° 423664 du 20 mars 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 28 juin 2018 et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'État
Par un mémoire, enregistré le 17 juillet 2020, Me G... H..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de l'EURL M2I Fayard, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés assignés à l'EURL M2I Fayard au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme non chiffrée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sur le terrain de la loi, la contrepartie dont l'EURL M2I Fayard a bénéficié du fait de l'apposition de son seul nom sur les véhicules utilisés est demeurée limitée si bien que les dépenses en cause doivent être qualifiées de dépenses de mécénat entrant dans le champ de l'article 238 bis du code général des impôts ;
- sur le terrain de l'interprétation de la loi, il peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 6 et 7 de l'instruction publiée au bulletin officiel des impôts le 26 avril 2000 sous la référence 4 C-2-00, repris aux paragraphes 100 et 110 de la documentation référencée BOI-BIC-RICI-20-30-10-20.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme J..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL M2I Fayard, qui exerce une activité de travaux de maçonnerie générale et de gros oeuvre de bâtiment à Saint-Etienne (Loire) et a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, a fait l'objet en 2013 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause les réductions d'impôt, d'un montant de 24 942 euros et 20 400 euros, dont elle a bénéficié sur le fondement de l'article 238 bis du code général des impôts au titre, respectivement, des exercices clos en 2010 et 2011 à raison du versement des sommes de 41 570 euros en 2010 et 35 500 euros en 2011 à l'association K-RO Formula, laquelle a pour objet la promotion du sport automobile féminin par le biais du financement de l'activité des pilotes de sexe féminin, au motif, d'une part, que cette association ne constituait pas un organisme d'intérêt général, et, d'autre part, que les dépenses en cause, qui ont donné lieu au bénéfice d'une contrepartie pour la société, ne pouvaient être regardées comme des dépenses de mécénat. L'EURL M2I Fayard a, en conséquence, été assujettie, selon la procédure contradictoire, à des compléments d'impôt sur les sociétés, assortis de majorations, au titre des exercices clos en 2010 et 2011. Par un arrêt du 28 juin 2018, la cour a fait droit à l'appel formé par l'EURL M2I Fayard contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon avait rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. Par une décision n° 423664 du 20 mars 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'arrêt de la cour du 28 juin 2018 et lui a renvoyé l'affaire.
2. Aux termes du 1 de l'article 238 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit : / a) D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises (...). Ces dispositions s'appliquent même si le nom de l'entreprise versante est associé aux opérations réalisées par ces organismes ".
3. En premier lieu, l'association K-RO Formula, dont l'objet est la promotion du sport automobile féminin par le biais du financement de l'activité des pilotes de sexe féminin, et qui a ainsi un caractère sportif, ne peut être regardée comme ne fonctionnant qu'au profit d'un cercle restreint de bénéficiaires aux seuls motifs qu'elle promeut exclusivement les femmes et qu'elle concerne un sport déterminé. Si l'administration fait valoir qu'au cours des exercices litigieux, ses activités n'ont effectivement profité qu'à trois personnes et qu'elles ont essentiellement consisté à financer la saison de course de la pilote Carole F..., elle n'apporte aucun élément permettant de considérer que l'association aurait restreint son accès suivant d'autres critères que celui d'être de sexe féminin. Dès lors, l'administration n'établit pas que cette association ne pouvait être regardée comme étant au nombre des organismes d'intérêt général au sens du 1 de l'article 238 bis du code général des impôts.
4. En second lieu, si le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par les dispositions du 1 de l'article 238 bis du code général des impôts n'est pas susceptible d'être remis en cause par la seule circonstance que le nom de l'entreprise versante soit associé aux opérations réalisées par l'organisme bénéficiaire du versement, il ne saurait toutefois être admis qu'à la condition que la valorisation du nom de l'entreprise ne représente, pour cette dernière, qu'une contrepartie très inférieure au montant du versement accordé.
5. Sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application d'une réduction d'impôt eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations.
6. Il est constant que les dons de 24 942 euros et 20 400 euros que l'EURL M2I Fayard a consentis à l'association K-RO Formula, au titre, respectivement, des exercices clos en 2010 et 2011, ont majoritairement concouru au financement de la saison de pilote de rallye de Mme D... F... en Racecar euro series, épreuve organisée par la Fédération française de sport automobile, et qu'en contrepartie de ces dons, l'EURL M2I Fayard a pu apposer son nom, d'une part, sur la carrosserie du véhicule conduit par Mme F..., en lettres de grande taille, et, d'autre part, sur le camion assurant le transport de l'équipe de la pilote et de son matériel.
7. Le mandataire de l'EURL M2I Fayard soutient que seul le nom de la société, à l'exclusion de la nature de son activité et de tout message publicitaire, a été apposé sur la carrosserie des véhicules, que les épreuves du rallye de Racecar euro series, qui ont eu lieu dans des régions de France où la société n'exerce pas son activité ainsi qu'à l'étranger, sont au surplus peu suivies par le grand public et que les informations relatives à cette course sont essentiellement relayées par la presse spécialisée si bien que ces manifestations présentent un caractère confidentiel et qu'il ne peut ainsi en résulter aucune disproportion marquée entre la valeur du don et celle de la prestation dont elle a pu bénéficier en contrepartie.
8. L'administration fait valoir que le rallye de Racecar euro series a rassemblé 350 000 spectateurs en 2011, qu'il a bénéficié d'une couverture dans la presse écrite généraliste, tant nationale que locale, ainsi qu'à la télévision et à la radio, et que les prestations de Mme F..., qui a été la première femme ayant remporté une manche de ce rallye et est originaire de Saint-Etienne, commune où la société requérante exerce son activité, ont été relayées par les médias locaux, notamment dans le journal Le Progrès, qui bénéficie d'une diffusion locale importante et enfin que cette activité est mentionnée sur le site internet de la société sous l'onglet " sponsoring ". Elle soutient que la société requérante a ainsi bénéficié, en contrepartie de ses dons, d'une exposition médiatique et d'une amélioration de son image, notamment au niveau local, qui sont susceptibles de générer des retombées commerciales positives. Elle relève également que l'EURL M2I Fayard a déduit le montant des dons consentis à l'association K-RO Formula de ses résultats imposables en tant que dépenses de " sponsoring ". Toutefois, en dépit de la mesure d'instruction diligentée par la cour aux fins d'obtenir tout élément permettant d'évaluer la valeur de la contrepartie dont a bénéficié l'EURL M2I Fayard aux dons qu'elle a consentis à cette association, aucune des deux parties n'a fourni d'élément permettant de déterminer le montant de la contrepartie en cause. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que la valorisation du nom de l'entreprise ne représenterait pas pour elle qu'une contrepartie très inférieure aux versements accordés. Dans ces conditions, l'administration n'est pas fondée à soutenir que les dépenses en cause ne pouvaient ouvrir droit aux réductions d'impôt en litige.
9. Il résulte de ce qui précède que Me H..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de l'EURL M2I Fayard, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés assignés à l'EURL M2I Fayard au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et des majorations correspondantes.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Me H... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2016 est annulé.
Article 2 : L'EURL M2I Fayard est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et des majorations correspondantes.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me G... H..., mandataire judiciaire de l'EURL M2I Fayard et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2021.
N° 20LY01162 2