Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par requête enregistrée sous le n° 1606180, M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) de condamner la ville de Lyon à lui verser une somme de 40 000 euros en réparation de préjudices consécutifs aux conditions d'exécution de contrats successifs d'emploi et du non-renouvellement du dernier en date ;
2°) de mettre à la charge de la ville de Lyon une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par jugement n° 1606180 du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 14 décembre 2018 et 29 juillet 2020, M. B..., représenté par Me A... demande, dans ses dernières écritures, à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 octobre 2018 ;
2°) de condamner la ville de Lyon à lui verser une somme de 40 000 euros en réparation des préjudices matériels, financiers, professionnels et moraux nés des conditions d'exécution de la relation de travail et de l'irrégularité de la décision mettant fin à celle-ci ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Lyon une somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'emploi qu'il occupait, ne reposant pas sur des besoins saisonniers mais ayant un caractère permanent, lui ouvrait droit, après les renouvellements successifs de ses contrats pendant six ans, à un contrat à durée indéterminée en application de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 ; le recours à une succession de contrats courts à durée déterminée revêt un caractère abusif en le maintenant dans une situation précaire ;
- l'annualisation irrégulière de sa charge de travail au regard des durées de travail quotidiennes et hebdomadaires l'a privé d'une part de la rémunération de ses heures supplémentaires ;
- en l'absence de notification régulière de proposition de renouvellement de son dernier contrat, le non-renouvellement de ce dernier procède en réalité d'une volonté de le sanctionner ;
- il justifie de préjudices matériels, moraux et professionnels qui peuvent être estimés à la somme de 40 000 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés les 29 avril 2019 et 7 septembre 2020, la ville de Lyon, représentée par Me D..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, M. B... ne pouvant légalement avoir été recruté par un contrat à durée déterminée, aucune faute ne peut lui être imputée dans l'exécution des contrats et la requête est dépourvue de bien-fondé ;
- à titre subsidiaire, M. B..., qui notamment a refusé le dernier engagement qui lui a été proposé, ne justifie pas des préjudices allégués.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;
- le code général des collectivités locales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me D..., pour la ville de Lyon ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... a été recruté par la ville de Lyon à compter du 1er septembre 2005 en qualité d'agent d'accueil et chef de salle à l'Auditorium de l'Orchestre National de Lyon, à temps incomplet, en qualité d'adjoint administratif non titulaire saisonnier par un contrat à durée déterminée. Ce dernier a été renouvelé par une succession, discontinue, de contrats de même nature, le dernier ayant eu pour échéance le 30 juin 2015. M. B... demande à la cour l'annulation du jugement du 17 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de la ville de Lyon à l'indemniser de préjudices matériels, professionnels, financiers et moraux qui résulteraient, d'une part, des conditions dans lesquelles il a été amené à exercer cet emploi, d'autre part, de la rupture de son engagement, et le prononcé de cette condamnation.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. La loi du 26 janvier 1984 susvisée dispose à son article 3 : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à : / 1° Un accroissement temporaire d'activité, pour une durée maximale de douze mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de dix -huit mois consécutifs ; /2° Un accroissement saisonnier d'activité, pour une durée maximale de six mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de douze mois consécutifs. " et à son article 3-2 : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. / Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. Il ne peut l'être que lorsque la communication requise à l'article 41 a été effectuée. Sa durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir. " Aux termes de son article 3-3 : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi ; / 3° Pour les emplois de secrétaire de mairie des villes de moins de 1 000 habitants et de secrétaire des groupements composés de villes dont la population moyenne est inférieure à ce seuil ; / 4° Pour les emplois à temps non complet des villes de moins de 1 000 habitants et des groupements composés de villes dont la population moyenne est inférieure à ce seuil, lorsque la quotité de temps de travail est inférieure à 50 % ; / 5° Pour les emplois des villes de moins de 2 000 habitants et des groupements de villes de moins de 10 000 habitants dont la création ou la suppression dépend de la décision d'une autorité qui s'impose à la collectivité ou à l'établissement en matière de création, de changement de périmètre ou de suppression d'un service public. / Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. "
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, du 1er septembre 2005 au 30 juin 2015, M. B... a été recruté comme agent saisonnier dix mois sur chaque période d'un an par dix-huit actes d'engagements successifs pour des fonctions qui ont évolué mais uniquement en lien avec l'accueil du public de l'auditorium de Lyon. M. B... soutient qu'en vertu des dispositions précitées il aurait dû bénéficier d'un contrat à durée indéterminée et que le refus de renouveler son dernier engagement, qui a pris fin le 30 juin 2015, doit s'analyser comme une sanction. Toutefois, il n'établit pas, contrairement à ses affirmations, que son emploi d'agent d'accueil et chef de salle à l'auditorium Orchestre national de Lyon ne revêtait pas, au regard notamment de la répartition de son activité sur l'année et des variations de la charge de travail qu'il fait lui-même valoir, un caractère saisonnier au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi susvisée du 26 janvier 1984. Par ailleurs, aucun de ces contrats successifs n'avait pour objet le remplacement temporaire d'un fonctionnaire. S'il invoque une méconnaissance de l'article 3-3 de la même loi, M. B... n'indique pas à quel titre son recrutement entrait dans l'un des cas prévus par ces dispositions dérogatoires, par suite énumératives, et il ne ressort pas des pièces du dossier, en tout état de cause, que son recrutement entrait effectivement dans l'une des hypothèses prévues par cet article. Par suite, la seule circonstance, au demeurant non contestée par la ville, que pendant la période en litige M. B... a occupé des fonctions qui auraient pu être exercées par un agent titulaire, n'avait pas pour effet de lui conférer le droit au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée, non plus qu'un droit au renouvellement de son engagement. Enfin, l'allégation de M. B... selon laquelle la décision du 28 mai 2015, sur laquelle d'ailleurs la ville de Lyon était revenue en proposant postérieurement à l'intéressé un nouvel engagement, procédait d'une volonté de le sanctionner n'est établie par aucune pièce du dossier.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la ville de Lyon a commis une faute en lui refusant le bénéfice d'un contrat de travail à durée indéterminée ou en refusant en dernier lieu le renouvellement de son engagement.
5. En deuxième lieu, les allégations de M. B... aux termes desquelles la ville de Lyon lui a imposé des périodes et des horaires de travail générateurs d'heures supplémentaires qui auraient été inexactement pris en compte dans sa rémunération par l'effet d'un lissage d'un mois à l'autre ne sauraient être établies par la seule production des tableaux récapitulatifs des manifestations à l'Auditorium de septembre 2011 à février 2015 valant illustration du tableau de service de l'intéressé et de son rapprochement avec les éléments comptables transmis par son chef de service et les bulletins de salaire produits par M. B..., qui ne justifie pas des incohérences alléguées, tandis que, par son courrier du 10 juillet 2015 accompagné du décompte des heures de travail du dimanche, de nuit, complémentaires et supplémentaires, de M. B... à compter de 2011, la ville de Lyon justifie le paiement de ces dernières.
6. En troisième lieu, si, en vertu des articles 3 et suivants de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, les collectivités territoriales peuvent recruter des agents non titulaires en vue d'assurer des remplacements momentanés ou d'effectuer des tâches à caractère temporaire ou saisonnier par contrat à durée déterminée, et disposent ainsi de la possibilité de recourir, le cas échéant, à une succession de contrats à durée déterminée, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'en cas de renouvellement abusif de tels contrats, l'agent concerné puisse se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de la relation d'emploi. Pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, il incombe au juge de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause. Le préjudice de l'agent peut alors être évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 3, et si M. B... a constamment exercé ses fonctions d'accueil à l'auditorium depuis son premier contrat, il ressort de la succession de ses engagements que les périodes d'interruption dans ceux-ci correspondent, hors une période plus longue de janvier 2008 à septembre 2008 inclus, au chômage estival des manifestations organisées à l'auditorium, caractérisant ainsi la saisonnalité de l'activité. La seule circonstance alléguée par l'intéressé, à la supposer établie, qu'une part de cette activité aurait été maintenue mais transférée à la charge d'autres agents, qui relève de l'organisation interne du service, n'est pas par elle-même de nature à établir que les fonctions de M. B... correspondaient à un besoin permanent. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que son recrutement en tant que saisonnier ne constituait pas le cadre juridique adapté pour faire face au besoin du service et que la ville de Lyon avait abusivement recouru aux engagements à durée déterminée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander la réparation du préjudice qu'il affirme avoir subi, en fonction, comme il a été dit ci-dessus, des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Lyon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B... à l'occasion du litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la ville de Lyon au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Lyon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ville de Lyon.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.
N° 18LY04473 2