Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Lyon d'annuler la décision du 18 avril 2017, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de pension militaire d'invalidité et de lui reconnaître un droit à révision de sa pension pour aggravation de son infirmité au taux de 10 %.
Par un jugement n° 17/00006 du 9 avril 2019, le tribunal des pensions a annulé cette décision et a accordé à M. B... une pension au taux de 30 % à compter du 17 novembre 2015.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2019, transférée à la cour le 1er novembre 2019 en application de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, et un mémoire, enregistré le 25 novembre 2020, la ministre des armées demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal des pensions du 9 avril 2019 ;
2°) de confirmer sa décision du 18 avril 2017.
Elle soutient que :
- le tribunal a retenu que des facteurs externes ont contribué à aggraver l'infirmité de M. B... ;
- cette aggravation trouve partiellement son origine dans des lésions neurologiques étrangères à l'infirmité pensionnée et, par suite, n'a pas cette dernière non plus que la blessure constitutive pour origine exclusive ;
- l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre fait dès lors obstacle à ce qu'il soit fait droit à la révision demandée ;
- l'infirmité pensionnée n'est pas la cause directe et déterminante, au sens de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, des troubles postérieurs à la demande de pension initiale dont fait état M. B... à l'appui de sa demande de révision ;
- la perspective d'une intervention chirurgicale ne peut être prise en compte dans l'appréciation de l'aggravation sans méconnaître les articles L. 151-2 et L. 151-6 dudit code ;
- M. B... ne peut utilement faire valoir des éléments médicaux postérieurs à la date de sa demande de révision.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2020, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il justifie que l'aggravation de son infirmité ne trouve pas son origine dans des facteurs extérieurs ;
- les justificatifs médicaux et les éléments cliniques qu'il produit n'ont pas été pris en compte par le médecin de l'administration ni la commission de réforme ;
- c'est à bon droit que le tribunal des pensions a porté à 30 % le taux de son infirmité.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 23 mars 1937, a été rayé des cadres de l'armée de terre le 11 février 1989 avec le grade de lieutenant-colonel à l'issue d'une carrière d'officier. A la suite d'une entorse au genou droit survenue en service le 8 décembre 1977, une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % lui a été concédée à compter du 9 mai 2012 pour des séquelles caractérisées par une instabilité du genou droit avec dérobement, un discret signe du rabot, une laxité externe modérée, une amyotrophie de la cuisse droite, une augmentation du périmètre du genou, l'imagerie révélant une fissure méniscale, un kyste poplité et une hydarthrose modérée. Le 17 novembre 2015, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation. Par un jugement du 9 avril 2019, rendu après une mesure d'expertise judiciaire, le tribunal des pensions militaires de Lyon a annulé la décision du 18 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté cette demande et a accordé à M. B... une pension au taux de 30 % à compter du 17 novembre 2015. La ministre des armées demande l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de M. B....
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. " En vertu de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " Il résulte de ces dispositions qu'au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise du 27 juin 2018 ordonnée par le jugement avant-dire-droit du 13 mars 2018 du tribunal des pensions, que le genou droit de M. B... présente les séquelles de l'entorse survenue le 8 décembre 1977, avec une récidive en 1987, au titre desquelles la pension militaire d'invalidité lui a été accordée au taux de 20 % à compter du 9 mai 2012, et dont l'étendue a été notamment fixée à cette date par une IRM pratiquée le 5 janvier 2012. Une nouvelle IRM effectuée le 2 novembre 2015 a établi une aggravation de la gonarthrose et la dégénérescence de la lésion méniscale interne, s'étendant au condyle fémoral externe. L'état physiologique de la pathologie au titre de laquelle M. B... est pensionné et dont les éléments constitutifs sont mentionnés au point 1 ci-dessus a ainsi, la récurrence des kystes poplités n'étant pas remise en cause par la circonstance que l'examen par imagerie médicale intervenue lors d'une phase de rémission de ceux-ci ne les a pas objectivés le 2 novembre 2015, suivi une évolution vers une aggravation entre les deux dates des demandes de pension initiale et de révision. S'il ressort des éléments recueillis lors de l'expertise, et nonobstant les pièces médicales ou la discussion sur l'indication d'une intervention chirurgicale réparatrice, postérieures à la date de cette dernière demande, que des facteurs neurologiques extérieurs aux éléments constitutifs de la pathologie pensionnée concourent à en amplifier les conséquences fonctionnelles, notamment quant à la mobilité de l'intéressé, ces mêmes facteurs, contrairement à la présentation qui en est faite par la ministre des armées, n'infèrent pas sur l'évolution physiologique de cette pathologie.
4. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées, d'une part, ne peut utilement se prévaloir des articles L. 151-2 et L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour soutenir que les éléments invoqués par M. B... ne sont pas contemporains de sa demande de révision, d'autre part, ne conteste pas sérieusement le lien, au sens des dispositions de l'article L. 154-1 précité du même code, entre cette aggravation physiologique et l'infirmité au titre de laquelle a été initialement concédée la pension dont la révision est demandée.
5. C'est enfin sans erreur manifeste d'appréciation que l'expert, en évaluant l'aggravation par la mesure de ses conséquences fonctionnelles, dont la chronicité d'hydarthrose à poussées kystiques récidivantes, et non comme l'interprète à tort la ministre des armées en attribuant un taux à ces mêmes conséquences, a estimé cette aggravation à 10 % pour porter le taux global de la pension à 30 %.
6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Lyon a annulé la décision du 18 avril 2017 et porté le taux global de la pension accordée à M. B... à 30 %.
7. Il suit de là que la requête de la ministre des armées doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.
N° 19LY04048 2