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15/04/2021 | FRANCE | N°20LY02097

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 avril 2021, 20LY02097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 25 septembre 2018 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 1901609 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Dijo

n a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 25 septembre 2018 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 1901609 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1901609 du tribunal administratif de Dijon du 30 juin 2020 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour n'avoir pas visé le code civil dont le tribunal a fait application, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. A... avait justifié de son identité par les documents qu'il avait produits, alors que la comparaison de ses empreintes avec celles figurant dans le système Visabio a fait apparaître qu'il était connu sous une autre identité et que cette manoeuvre lui avait permis de bénéficier d'avantages conférés aux mineurs non accompagnés et d'être protégé contre les mesures d'éloignement.

Par un mémoire, enregistré le 7 janvier 2021, présenté pour M. A..., il conclut au rejet de la requête et à ce soit mis à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le moyen soulevé par le préfet de Saône-et-Loire n'est pas fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien qui indique être né le 6 août 1999, déclare être arrivé en France le 22 février 2016. Se disant mineur, il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de Saône-et-Loire par un jugement du 6 avril 2016 du juge des enfants du tribunal de grande instance de Mâcon. Le 29 juin 2017, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code. Le 25 septembre 2018, le préfet de Saône-et-Loire lui a opposé un refus qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, d'une décision fixant le pays de renvoi et d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans. Le préfet de Saône-et-Loire relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application (...) ". Si les visas du jugement attaqué ne font pas mention du code civil, les motifs de ce jugement reproduisent le texte des dispositions de l'article 47 de ce même code dont le tribunal a fait application. Le jugement attaqué satisfait ainsi aux dispositions précitées.

Sur la légalité des décisions en litige :

3. Pour juger qu'un document d'identité produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis, notamment sur les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé Visabio. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

4. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A... sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code, le préfet de Saône-et-Loire s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé avait dissimulé son identité et son âge afin de bénéficier d'avantages conférés aux mineurs, après avoir constaté que, si l'intéressé, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, avait présenté initialement une carte consulaire délivrée par l'ambassade du Mali le 10 juin 2016 ainsi qu'un passeport malien délivré le 3 août 2017 et valable jusqu'au 2 août 2022, portant comme date de naissance le 6 août 1999, la consultation du fichier Visabio, prévue à l'article L. 611-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avait permis de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que l'intéressé avait précédemment sollicité, entre 2013 et 2015, des visas sous l'identité de M. B... ou Djokirou Konte, né le 3 mai 1993 au Mali, en présentant alors trois autres passeports.

5. Dans ces conditions, quand bien même, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les services de la police de l'air et des frontières, dans le cadre de la procédure de placement en assistance éducative, avaient conclu que le passeport alors présenté par M. A... était authentique, eu égard aux incohérences relevées par le préfet de Saône-et-Loire entre les différents passeports successivement produits par l'intéressé, et dont aucun ne dispose d'une force probante particulière dès lors qu'un passeport ne constitue pas un acte d'état civil mais un document de voyage pour lequel la présomption de validité résultant des dispositions de l'article 47 du code civil ne s'applique pas, et nonobstant la circonstance que M. A... avait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, les pièces versées au dossier par ce dernier, en particulier l'extrait d'acte de naissance produit pour la première fois en appel mais qui ne comporte pas le numéro d'identification nationale (NINA) devant figurer sur un acte d'état civil délivré par le Mali, ne sont pas de nature à établir son identité ni son âge lors de sa prise en charge par ces services. Dès lors, le préfet a pu, à juste titre, à défaut pour le demandeur d'établir la réalité de son identité, refuser pour ce motif de lui délivrer la carte de séjour demandée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code. Par suite c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler les décisions en litige, sur le motif tiré de ce que le préfet de Saône-et-Loire ne pouvait refuser de lui délivrer la carte de séjour demandée en considérant que son identité avait été falsifiée.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant le tribunal administratif de Dijon qu'en appel au soutien des conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Saône-et-Loire.

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper à l'encontre de la décision d'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité du refus de titre de séjour.

8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre le refus de lui accorder un délai de départ volontaire, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

10. M. A... se prévaut de ce qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance et qu'il dispose d'une adresse et d'un travail. Il résulte toutefois de ce qui a été dit qu'ayant fait usage de documents falsifiés, il entre dans le champ d'application du e) du 3 du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet au préfet, pour ce seul motif, de refuser un délai de départ volontaire à un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.

11. En troisième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé (...) / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

12. Il appartient au préfet, en vertu des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'assortir une obligation de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français sauf dans l'hypothèse où des circonstances humanitaires justifieraient qu'il soit dérogé au principe. M. A... s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Les circonstances dont il fait état ne peuvent être regardées comme des circonstances humanitaires qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français et M. A... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la décision du préfet a été notifiée par voie postale dès lors que les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité. S'agissant de la durée de cette interdiction, la décision contenue dans l'arrêté en litige, qui ainsi est suffisamment motivée, fait référence à la circonstance que M. A... a présenté de faux documents d'identité ne permettant d'établir de façon exacte son identité, aux conditions de son séjour sur le territoire français et à l'absence de liens stables ou anciens en France et par la mention du risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire prise par le même arrêté. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni méconnu les dispositions précitées en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour en France faite à l'intimé.

13. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Saône-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions en litige du 25 septembre 2018. Par voie de conséquence, les conclusions de M. A... tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901609 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A.... Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

1

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N° 20LY02097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02097
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP CLEMANG-GOURINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-15;20ly02097 ?
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