Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1705349 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer partiel et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 décembre 2019 et le 23 juillet 2020, M. A..., représenté par la SELAS Abocap Conseil, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités maintenues à sa charge au titre de l'année 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- le jugement a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le directeur des services fiscaux de l'Isère n'avait pas qualité pour défendre au nom de l'administration ;
- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-30-10-20191030 distingue, en ses paragraphes 200 et 220, les obligations d'information et de communication ; ses droits de la défense ont été méconnus puisque, compte tenu de la procédure pénale en cours, il n'était pas en possession des documents nécessaires à la vérification du bien-fondé des impositions litigieuses ;
- la procédure de vérification de comptabilité menée à l'encontre de la SARL Lamart Développement est irrégulière ;
- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve qu'il a appréhendé la somme de 58 844 euros correspondant à une cession de créances prétendument injustifiée ; il n'a jamais disposé de cette somme dès lors que la SARL Lamart Développement a été mise en liquidation judiciaire ; la doctrine administrative référencée BOI-IR-BASE-10-10-10-40 admet que la présomption de disponibilité peut être renversée ; la somme en cause ne pouvait être réputée distribuée sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;
- la somme de 113 940 euros inscrite au crédit de son compte-courant d'associé correspond au prix des parts qu'il détenait au sein du capital des SARL Marti Services et Maint Industrie qu'il a cédées à la SARL Lamart Développement ;
- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déduite de manière prétendument injustifiée, outre que l'administration produit seulement une facture faisant mention d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 1 043,91 euros, il n'est pas démontré que les dépenses engagées par la SARL Lamart Développement l'ont été à son seul profit ;
- la majoration de 40 % n'est pas justifiée.
Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que :
- le jugement est régulier ;
- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition n'est pas fondé ; ceux tirés de l'irrégularité de la vérification de comptabilité suivie à l'encontre de la SARL Lamart Développement sont inopérants ;
- l'inscription de la somme de 58 744 euros au crédit du compte courant d'associé de l'appelant constitue une cession de créance non justifiée ; cette somme est imposable entre ses mains comme revenu distribué sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts qu'il convient de substituer du 1° du 1 de ce même article ; M. A... n'établit pas qu'il était dans l'impossibilité de disposer effectivement de cette somme au 31 décembre 2012 ;
- la somme de 113 940 euros inscrite au crédit de son compte courant d'associé a été regardée à bon droit comme un revenu distribué imposable entre les mains de M. A... sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts qu'il convient de substituer au 1° initialement invoqué ;
- le montant de 4 370 euros comptabilisé dans un compte de TVA déductible de la SARL Lamart Développement correspond en réalité au solde toutes taxes comprises restant à payer sur la facture en cause ; M. A... y est mentionné comme le bénéficiaire des achats qui n'ont pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise ;
- les pénalités sont justifiées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... était associé, à hauteur de 50 % des parts, et salarié, en tant que directeur financier, de la SARL Lamart Développement, qui exerçait avant sa liquidation judiciaire le 3 juin 2015 une activité de holding, de gestion de titres de participations et de fourniture de prestations administratives, et qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, étendue au 30 novembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration a, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012, notamment réintégré dans les résultats de la société des sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. A... au motif qu'elles constituaient un passif injustifié et a remis en cause la déduction de montants de taxe sur la valeur ajoutée incluant ceux portés sur deux factures correspondant à des dépenses personnelles de M. A.... Au titre de l'exercice clos en 2013, la société n'ayant pas rempli ses obligations déclaratives, l'administration fiscale a d'office établi son résultat imposable après avoir reconstitué son chiffre d'affaires. L'administration ayant considéré que les sommes réintégrées dans les résultats de la société au titre de l'exercice clos en 2012 ainsi que la moitié du bénéfice rectifié au titre de l'exercice clos en 2013 constituaient des revenus imposables entre les mains de M. A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, a assujetti ce dernier à des compléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2012 et 2013 notifiés selon la procédure contradictoire. Ces cotisations supplémentaires ont été assorties des majorations prévues aux a. et c. de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, constaté que les conclusions de M. A... tendant à la décharge des impositions et pénalités dont il a été l'objet étaient, dans la mesure du dégrèvement prononcé en cours d'instance, devenues sans objet à concurrence de la somme de 13 960 euros au titre de l'année 2012 et de la totalité des sommes mises à sa charge au titre de l'année 2013. Il a, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. M. A... relève appel de ce jugement dans cette mesure.
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "
3. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, l'obligation qui lui est ensuite faite de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux. Dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés à l'occasion d'une vérification de comptabilité concernant une autre société, mais par cette dernière, il appartient à l'administration fiscale, d'une part, d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure d'en demander communication à ce tiers et, d'autre part, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition recueillis à l'occasion de la vérification de comptabilité de cette autre société.
4. Il résulte de l'instruction, en particulier des termes de la proposition de rectification du 29 septembre 2015 adressée à M. A..., que pour estimer que ce dernier était le bénéficiaire de revenus distribués par la SARL Lamart Développement, l'administration s'est fondée sur l'examen de la comptabilité de cette société, dont elle a eu connaissance au cours de la vérification de compatibilité de cette dernière. Selon la proposition de rectification du même jour adressée au liquidateur judiciaire de cette société, dont la copie était jointe à la proposition de rectification adressée à M. A..., l'administration s'est fondée sur l'examen du compte courant d'associé ouvert au nom de ce dernier faisant apparaître, d'une part, la cession non justifiée de créance de la SARL Marti Services, filiale de la SARL Lamart Développement au profit notamment de M. A... pour un montant de 58 844 euros et, d'autre part, une somme de 113 940 euros portée au crédit du compte courant d'associé de l'intéressé correspondant au montant d'une dette fournisseur non justifiée. L'administration a également remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 4 370 euros, grevant une facture émise le 24 juillet 2012 par la société Raoul Bruyère sous l'enseigne Roche Bobois, et a estimé que cette dépense avait été engagée dans l'unique intérêt de M. A....
5. Par un courrier du 29 octobre 2015, M. A... a informé l'administration qu'à la suite d'une perquisition effectuée dans les locaux de la SARL Lamart Développement et à son domicile, l'ensemble des pièces comptables et matériels informatiques de cette société avaient fait l'objet d'une saisie judiciaire et qu'il était ainsi dans l'impossibilité de contester utilement les impositions supplémentaires mises à sa charge. Par une lettre datée du 29 avril 2016, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'aurait pas été reçue par l'administration avant la mise en recouvrement des impositions en litige et dont l'administration ne conteste au demeurant pas avoir été destinataire avant cette mise en recouvrement, M. A... a sollicité la communication de " tous les documents sur lesquels [l'administration s'est] fondée pour établir les rectifications proposées. " Cette demande est restée sans réponse.
6. L'administration fait valoir que les documents comptables en cause ont été, conformément aux dispositions du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, détruits à l'issue de la procédure de vérification de comptabilité de la SARL Lamart Développement et qu'il appartenait, le cas échéant, à M. A... de saisir l'autorité judiciaire d'une demande tendant à leur restitution. Toutefois, quand bien même l'administration fiscale n'était plus en possession de ces documents, qu'elle a seulement consultés à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SARL Lamart Développement, et que M. A... était lui-même informé de ce que ces documents avaient été saisis par l'autorité judiciaire, l'administration, en s'abstenant de répondre expressément à la demande de communication de l'intéressé, dont les termes étaient suffisamment précis, n'a pas satisfait aux obligations qui lui incombaient en vertu des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 octobre 2019 est annulé.
Article 2 : M. A... est déchargé des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme B..., première conseillère,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.
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N° 19LY04520
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