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27/05/2021 | FRANCE | N°20LY03017

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 mai 2021, 20LY03017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1409776 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

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rrêt n° 16LY03636 du 29 mars 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1409776 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 16LY03636 du 29 mars 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. D... contre ce jugement.

Par une décision n° 421028 du 14 octobre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour M. D..., a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 20LY03017, devant la même cour.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 octobre 2016, 25 avril 2017 et 8 mars 2018, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 octobre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il a échelonné ses paiements sur une durée de plus de douze mois depuis que la décision fixant la prestation compensatoire est passée en force de chose jugée, de sorte qu'il doit bénéficier de la déduction des sommes versées à ce titre en application de la doctrine publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 5 B-21-06.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que M. D... n'entre pas dans les prévisions de la doctrine invoquée, son abstention à s'acquitter dans le délai imparti par le juge du surplus de sa dette, alors qu'elle était certaine et qu'il disposait de revenus conséquents et mobilisables, démontrant une volonté de bénéficier des dispositions favorables de l'article 80 quater du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme C... ont engagé une procédure de divorce en 2004. Par un jugement du 4 juin 2007, le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a prononcé le divorce et condamné M. D... au versement d'une prestation compensatoire à hauteur de 240 000 euros. Par un arrêt du 14 avril 2010, la première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Mme C... contre l'arrêt du 8 janvier 2009 par lequel la cour d'appel de Lyon a jugé qu'il n'y avait pas lieu que ce capital fasse l'objet d'un paiement fractionné. M. D..., qui s'est acquitté de ces sommes en trois versements, à concurrence de 88 439,42 euros le 25 août 2010, de 88 811 euros le 31 août 2010 et de 62 750 euros le 18 mai 2011, a déduit de son revenu global de l'année 2010, en application du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, la somme de 177 250 euros correspondant aux deux premiers de ces versements. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a estimé que ces deux versements ne pouvaient faire l'objet que de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 octodecies du code général des impôts, pour un montant de 5 632 euros, a réintégré la somme de 177 250 euros à son revenu imposable et a assujetti M. D... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la différence entre les impositions résultant de cette réintégration et la réduction d'impôt admise par l'administration. M. D... relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, en vertu du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, sont déductibles du revenu imposable les versements de sommes d'argent correspondant à la prestation compensatoire fixée en application d'un jugement de divorce, lorsqu'ils sont effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force chose jugée.

3. D'autre part, l'article 274 du code civil dans sa version applicable aux sommes en litige dispose que : " La prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ". Aux termes de l'article 275 du même code : " Le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera l'attribution ou l'affectation de biens en capital : / 1. Versement d'une somme d'argent (...) ". Selon l'article 275-1 du même code : " Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 275, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements mensuels ou annuels indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que les versements de la prestation compensatoire effectués sur une durée supérieure à douze mois, au sens de l'article 156 du code général des impôts, et déductibles à ce titre du revenu imposable, ne peuvent s'entendre que de ceux qui l'ont été conformément aux modalités de paiement fixées par le juge. En l'espèce, la cour d'appel de Lyon a jugé le 8 janvier 2009 qu'il n'y avait pas lieu que la prestation compensatoire due par M. D... fasse l'objet d'un paiement fractionné. Ainsi, alors même que cette prestation compensatoire aurait été effectivement versée sur une durée de plus de douze mois à compter de la date à laquelle la décision juridictionnelle la fixant est passée en force de chose jugée, l'intéressé n'était pas fondé à en demander la déduction de son revenu global.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. L'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Il résulte de ces dispositions qu'elles instituent un mécanisme de garantie au profit du redevable qui, s'il l'invoque, est fondé à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation de la loi formellement admise par l'administration, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit. Il incombe au juge de l'impôt d'apprécier s'il résulte de l'instruction qu'un contribuable entre dans les prévisions de l'interprétation administrative de la loi fiscale qu'il invoque.

6. M. D... se prévaut en l'espèce du paragraphe 11 de l'instruction n° 5-B-21-06 publiée au Bulletin officiel des impôts du 17 juillet 2006, dans sa rédaction applicable au litige, aux termes de laquelle lorsque le versement de la prestation compensatoire est effectué, en tout ou partie, au-delà du délai de douze mois alors que le jugement ou la convention homologuée prévoyait que le versement devait intervenir intégralement dans ce délai de douze mois, " les sommes versées sont normalement déductibles du revenu imposable du débirentier et imposables selon le régime des pensions au nom du crédirentier, avec application éventuelle du système du quotient prévu à l'article 163-0 A du CGI. / Toutefois, si les services établissent que les parties, et notamment celle tenue d'acquitter la prestation compensatoire, n'exécutent pas la décision du juge ou la convention homologuée dans les termes prévus aux seules fins d'en retirer le bénéfice d'un régime fiscal favorable, les dispositions précédentes ne leur sont pas applicables. Dans ce cas, les versements ne sont donc ni déductibles, ni imposables. / Il appartient toutefois aux services d'établir la preuve de l'intention du contribuable. Celle-ci sera réputée apportée lorsque, par exemple, le débiteur n'a pas libéré le capital dans les douze mois du jugement ayant acquis force de chose jugée, conformément au jugement ou à la convention homologuée, alors qu'il est titulaire d'un important patrimoine liquide (portefeuille de valeurs mobilières, contrats d'assurance vie...) susceptible d'être mobilisé rapidement ".

7. Il résulte de l'instruction que M. D..., qui perçoit de très hauts revenus depuis les années 1990, a bénéficié pour l'année 2010, après contrôle, d'un revenu net imposable légèrement supérieur à 300 000 euros. Il disposait par ailleurs de liquidités, dont ont fait état tant le juge aux affaires familiales dans son jugement du 4 juin 2007 que la cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 8 juin 2009. Le requérant ne conteste d'ailleurs pas avoir disposé des liquidités suffisantes pour s'acquitter en moins de douze mois de la somme de 240 000 euros mise à sa charge à titre de prestation compensatoire, ce dont il s'est abstenu, contraignant sa créancière à recourir à une voie d'exécution forcée. Si M. D..., bien que s'étant également abstenu d'agir en répétition, soutient avoir seulement estimé que le solde de la prestation compensatoire se compensait avec un indu allégué de prestations alimentaires versées au titre du devoir de secours entre époux entre février 2008 et octobre 2009 en raison d'un désaccord sur la date d'effet du divorce, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 8 janvier 2009 précisait toutefois explicitement que l'appel formé par son ex-épouse à l'encontre de la décision du juge aux affaires familiales était général, ce qui avait nécessairement pour effet, en l'absence d'acquiescement ou de désistement des deux parties, de suspendre la date d'effet du divorce, ainsi que l'a jugé le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône le 18 mai 2011, confirmé par la cour d'appel de Lyon puis par la Cour de cassation. Il résulte ainsi de l'instruction que M. D... s'est volontairement abstenu de verser l'intégralité de la prestation compensatoire en moins de douze mois dans une intention exclusivement fiscale, et qu'il n'entre donc pas dans les prévisions de l'instruction précitée.

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. D... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 mai 2021.

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N° 20LY03017


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03017
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-01-03-02 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Opposabilité des interprétations administratives (art. L. 80 A du livre des procédures fiscales). Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SOCIETE FISCAVOC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-27;20ly03017 ?
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