Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 12 juin 2018, par laquelle le président du Centre national de la fonction publique territoriale a rejeté son recours gracieux tendant au retrait de la décision du 6 avril 2018 prévoyant que sa rémunération du mois d'avril 2018 et des mois suivants est réduite mensuellement de 5%, à effet du 22 avril 2018, en application du 2ème alinéa du I de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 ; d'enjoindre au président du Centre national de la fonction publique territoriale de la rétablir dans son plein traitement à compter du 22 avril 2018 dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte journalière de 200 euros ; par un mémoire distinct, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité tirée de l'inconstitutionnalité de l'article 82 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 modifiant l'article 97, I., 2ème alinéa de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984, des articles 12 (1° et 2°) et 13 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 modifiant l'article 97, I., 3e et 6e alinéas et II., 4e alinéa, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de l'interprétation jurisprudentielle constante conférée à l'article 97, I., 2e alinéa, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 par les juridictions administratives.
Par un jugement n° 1805159 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté l'ensemble des demandes de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 février 2019 et un mémoire enregistré le 7 février 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2018 et la décision du 6 avril 2018 du président du Centre national de la fonction publique territoriale prévoyant la diminution de sa rémunération à compter du mois d'avril 2018 ;
2°) d'enjoindre au Centre national de la fonction publique territoriale de lui restituer les sommes dont elle a été privée sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge du Centre national de la fonction publique territoriale la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance et 4 000 euros au titre des mêmes dispositions pour ce qui concerne la présente instance.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- elle devait être précédée de la saisine de la commission administrative compétente en application de l'article 30 de la loi 84-53 ;
- en considérant que les dispositions de l'article 82 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 sont suffisamment claires et précises et qu'elles ne nécessitent pas le renvoi à un texte de nature réglementaire pour en définir les conditions d'application, les juges de première instance ont entaché leur décision d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et dénaturé les pièces du dossier ; en l'absence de décret d'application, ces dispositions ne pouvaient pas être appliquées ;
- c'est à tort que le CNFPT a considéré que les mesures d'application de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 pouvaient être déterminées par un texte réglementaire ou une circulaire ;
- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, la circulaire NOR INTB172633C du 3 novembre 2017 a une portée impérative et normative, et le président du CNFPT en a fait application ; le Centre national de la fonction publique territoriale ne peut soutenir qu'il n'en a pas fait application ;
- la circulaire du 3 novembre 2017 a été prise par une autorité incompétente ; cette circulaire ne pouvait décider que la prise en charge devait être prise en compte en avril 2016 ; elle ne permet pas de clarifier toutes les incertitudes ; ses dispositions sont contraires à l'article 97 de la loi n° 84-53 ; les dispositions de cet article 97 n'ont pas institué de règle particulière et adaptée pour les fonctionnaires privés d'emplois déjà pris en charge par le CNFPT à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2016-483 ; elles n'ont pas été précédées des garanties collectives accordées par l'article 9 du statut ni le Conseil supérieur de la fonction publique, ni " le CT " n'ayant été consultés ;
- l'application de la dégressivité du traitement conduit à faire peser sur elle une obligation de trouver un poste alors que cette obligation repose sur l'administration ;
- le CNFPT s'est fautivement abstenu de lui proposer des emplois vacants et a méconnu son obligation en la matière, ce qui a abouti à ce qu'elle ne trouve pas d'emploi dans le délai de deux ans ; la dégressivité ne pouvait légalement être mise en oeuvre dès lors que les obligations de sa prise en charge n'ont pas été régulièrement effectuées, plus particulièrement de lui proposer tout emploi de son grade ; elle ne pouvait être mise en oeuvre dès lors qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations et que le CNFPT n'a pas vérifié qu'elle y avait manqué ;
- elle a été victime de discrimination et sanctionnée depuis sa prise en charge en l'empêchant d'accéder aux emplois publics ;
- la décision litigieuse, constitutive d'une sanction, lui a été imposée en méconnaissance du respect des droits à la défense, du principe de nécessité des peines et de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de proportionnalité des peines ; il s'agit d'une sanction déguisée ;
- elle a été prise en méconnaissance du principe de l'égalité de traitement des agents d'un même grade placés dans la même situation ;
- le CNFPT était en situation de compétence liée pour s'abstenir d'appliquer la loi ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire distinct enregistré le 28 février 2019, Mme B... demande la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur :
- les dispositions de l'article 82 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 modifiant l'article 97, I., 2ème alinéa de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984,
- les articles 12 (1° et 2°) et 13 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 modifiant l'article 97, I., 3e et 6e alinéas et II., 4e alinéa, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et
- l'interprétation jurisprudentielle constante conférée à l'article 97, I., 2e alinéa, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 par les juridictions administratives.
Elle soutient que :
- en considérant que les modifications de l'article 97, I., 3e et 6e alinéas et II., 4e alinéa, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 apportées par les articles 12 (1° et 2°) et 13 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 n'étaient pas applicables au litige, les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- les juges du fond ont dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur d'appréciation en considérant que l'interprétation jurisprudentielle du Conseil d'Etat, relativement au rôle du CNFPT dans la gestion des carrières des agents publics en attente d'affectation ne lui ont pas été appliquées ; les dispositions en cause méconnaissent le 5e alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision en considérant que l'interprétation jurisprudentielle de la juridiction administrative selon laquelle le CNFPT n'est pas l'employeur du fonctionnaire territorial momentanément privé d'emploi, sans expliciter en quoi ce moyen était inopérant ;
- la portée effective de l'interprétation jurisprudentielle constante conférée à l'article 97, I., 2e alinéa, de la loi n° 84-53, en établissant que le CNFPT n'est pas l'employeur des FMPE, instaure ainsi un système qui permet à celui-ci de s'exonérer de ses obligations en tant qu'autorité territoriale, de vider la loi de sa substance, et par là-même viole le droit, constitutionnel et statutaire, des fonctionnaires à avoir un emploi ;
- en écartant le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égal accès aux emplois publics découlant de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation ;
- l'article 82 de la loi n° 2016-483 a vocation à instaurer une nouvelle catégorie de sanction administrative méconnaissant le principe de proportionnalité des peines et des sanctions découlant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- l'article 82 de la loi n °2016-483 méconnaît le principe de la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ;
- l'article 82 de la loi n° 2016-483 méconnaît les dispositions relatives au principe de garantie des droits prévu par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- en interprétant le texte de l'article 97, comme n'ayant en réalité pas donné au CNFPT la qualité d'employeur, le juge administratif porte une atteinte injustifiée à la situation légalement acquise des fonctionnaires qui, en tant que fonctionnaires titulaires de leur grade, sont en droit d'obtenir de leur employeur une nouvelle affectation en cas de suppression de leur emploi ;
- en mettant en place un double mécanisme de sanction en référence à une obligation de moyens qui n'existe pas dans les textes, le législateur a porté une atteinte grave à la garantie des droits.
- l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 ayant été modifié à plusieurs reprise a atteint un degré de complexité inutile contraire au principe de garantie des droits.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 mars 2019 (sur la question prioritaire de constitutionnalité), 29 septembre 2019 et 11 mars 2020 (sur le recours pour excès de pouvoir), ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le Centre national de la fonction publique territoriale, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête comme de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité et demande que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- seules les dispositions de l'article 82 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 modifiant l'article 97, I., 2ème alinéa de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, sont en lien avec le litige, et la question prioritaire de constitutionnalité les concernant ne présente pas un caractère sérieux ;
- les moyens concernant la décision litigieuse sont, pour la majeure partie d'entre eux, inopérants et pour les autres non fondés.
Par ordonnance du 12 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales tel qu'amendé par le Protocole n° 11 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant le Centre national de la fonction publique territoriale.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la suppression de son poste de chargée de mission au Syndicat des énergies de l'Isère, Mme B..., ingénieure territoriale, a été maintenue en surnombre à partir du 1er août 2008 pendant un an, puis a été radiée des effectifs du syndicat à compter du 1er août 2009 et prise en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale en application d'un arrêté du 24 juillet 2009. Par un courrier du 6 avril 2018, le CNFPT l'a informée qu'en application de l'article 97 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, telle que modifiée par l'article 82 de la loi susvisée du 20 avril 2016, sa rémunération correspondant à l'indice détenu dans son grade serait réduite de cinq pour cent chaque année jusqu'à atteindre cinquante pour cent, la mesure s'appliquant à compter du 22 avril 2018. Le recours gracieux contre cette décision formé le 19 mai 2018 par Mme B... a été rejeté par un courrier du 12 juin 2018 dont elle a demandé l'annulation au tribunal administratif de Grenoble. Parallèlement, Mme B... a également soumis à ce même tribunal une question prioritaire de constitutionnalité tirée de l'inconstitutionnalité, en premier lieu, des modifications opérées sur le deuxième alinéa du I de l'article 97 de la loi 26 janvier 1984 par l'article 82 de la loi du 20 avril 2016, en deuxième lieu, des articles 12 (1° et 2°) et 13 de la loi du 3 août 2009 modifiant les 3e et 6e alinéas du I. et 4e alinéa du II de ce même article 97 et, en troisième lieu, de l'interprétation jurisprudentielle constante conférée au 2e alinéa du I du même article 97. Elle relève appel du jugement rendu le 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes d'annulation de cette décision du 12 juin 2018 et de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la juridiction saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.
3. En premier lieu, en vertu du I. de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, lorsqu'un emploi est supprimé par une collectivité ou un établissement et que celle-ci ou celui-ci ne peut, dans la période d'un an qui suit celle pendant laquelle le fonctionnaire concerné est alors maintenu en surnombre, lui offrir un emploi correspondant à son grade, ce dernier est pris en charge par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement, ou par le Centre national de la fonction publique territoriale s'il relève de l'un des cadres d'emplois de catégorie A auxquels renvoie l'article 45 de cette loi. Dans cette dernière hypothèse, pendant la période de cette de prise en charge, le fonctionnaire est placé sous l'autorité du Centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion, et reçoit la rémunération correspondant à l'indice détenu dans son grade. Aux termes des dispositions de l'article 97, dans sa rédaction issue des dispositions de l'article 82 de la loi du 20 avril 2016 susvisée, cette rémunération lui est versée " à hauteur de cent pour cent les deux premières années de prise en charge. Cette rémunération est ensuite réduite de cinq pour cent chaque année jusqu'à atteindre cinquante pour cent de la rémunération initiale la douzième année et les années suivantes. ". En application de ces dernières dispositions, le Centre national de la fonction publique territoriale a décidé de réduire le traitement versé à Mme B... de cinq pour cent à compter du 22 avril 2018. Mme B... conteste la constitutionnalité de ce mécanisme de réduction graduelle du traitement des fonctionnaires momentanément privés d'emploi prévu par les dispositions précitées introduites par l'article 82 de la loi du 20 avril 2016 susvisée.
4. En deuxième lieu, Mme B... conteste la constitutionnalité des dispositions de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, issues de la loi susvisée du 3 août 2009, aux termes desquelles : " Pendant la période de prise en charge, le fonctionnaire est tenu de suivre toutes les actions d'orientation, de formation et d'évaluation destinées à favoriser son reclassement. / (...) / Le fonctionnaire a l'obligation de faire état tous les six mois à l'autorité de gestion de sa recherche active d'emploi, en communiquant en particulier les candidatures auxquelles il a postulé ou auxquelles il s'est présenté spontanément et les attestations d'entretien en vue d'un recrutement. / II. (...) Le Centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion peuvent mettre fin à la prise en charge d'un fonctionnaire qui n'a pas respecté, de manière grave et répétée, les obligations prévues par le présent article, en particulier les actions de suivi et de reclassement mises en oeuvre par l'autorité de gestion. Dans ce cas, le fonctionnaire peut être placé en disponibilité d'office ou, le cas échéant, admis à la retraite. "
5. En troisième lieu, en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition. Mme B... conteste la constitutionnalité de la position adoptée par le Conseil d'Etat, notamment dans un avis du 11 juillet 2000, n° 346409, repris dans d'autres décisions des juridictions de l'ordre administratif, selon laquelle le Centre national de la fonction publique territoriale qui, en application de l'article 97 précité, prend en charge le fonctionnaire momentanément privé d'emploi, bien qu'exerçant à l'égard de ce fonctionnaire toutes les prérogatives reconnues à l'autorité investie du pouvoir de nomination, n'a pas pour autant la qualité d'employeur.
En ce qui concerne le lien de ces dispositions et de cette interprétation avec le litige :
6. La décision, dont Mme B... a été informée par le courrier du 6 avril 2018, de diminuer son traitement à compter du 22 avril 2018, a été prise uniquement en application des dispositions de l'article 82 de la loi du 20 avril 2016 citées au point 3 du présent arrêt. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Grenoble, les dispositions issues de la loi du 3 août 2009 citées au point 4 du présent arrêt et la position jurisprudentielle mentionnée au point 5 sont, contrairement à ce qui est soutenu, sans lien avec cette décision, laquelle ne dépend que de la durée de la période pendant laquelle le fonctionnaire pris en charge est momentanément privé d'emploi. Mme B... n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur jugement, ont refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité sur ces deux points.
7. Il s'ensuit que les moyens soulevés par Mme B... à l'appui de sa demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, qui ne se rapportent qu'aux dispositions reproduites au point 4 et à l'interprétation jurisprudentielle mentionnée au point 5, ne peuvent qu'être écartés. Il en va ainsi du moyen tiré de la méconnaissance du 5e alinéa du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel " Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. ", du moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égal accès aux emplois publics découlant de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et du moyen tiré de ce qu'en refusant de considérer que l'article 97 a donné au CNFPT la qualité d'employeur, l'interprétation du Conseil d'Etat porte une atteinte injustifiée à la situation légalement acquise des fonctionnaires qui, en tant que fonctionnaires titulaires de leur grade, sont en droit d'obtenir de leur employeur une nouvelle affectation en cas de suppression de leur emploi.
En ce qui concerne le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité relatives aux modifications de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 introduites par les dispositions de l'article 82 de la loi du 20 avril 2016 :
8. Dès lors qu'il est sans lien avec un quelconque comportement fautif du fonctionnaire ni même avec une appréciation sur son assiduité et sa diligence à rechercher un emploi, Mme B... ne peut sérieusement soutenir que le mécanisme de diminution progressive et plafonnée de la rémunération des fonctionnaires momentanément privés d'emploi pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale depuis plus de deux ans constitue une sanction. Les moyens tirés de ce que, d'une part, ce mécanisme méconnaît le principe de proportionnalité des peines et des sanctions découlant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et de ce que, d'autre part, il méconnaît le principe de la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire sont ainsi inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
9. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort d'aucun élément du dossier que les dispositions en cause de l'article 82 comportent des difficultés de compréhension ou d'intelligibilité ni qu'elles sont source d'une complexité contraire au principe de garantie des droits prévu par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que : " Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. "
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soumise par Mme B... est dépourvue de caractère sérieux. La requérante n'est par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de transmettre cette question.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de diminution du traitement de Mme B... :
11. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt, le mécanisme de diminution du traitement des fonctionnaires pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale prévu par l'article 82 de la loi du 20 avril 2016 ne constitue pas une sanction. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la décision litigieuse a été prise dans un autre but que l'application de cet article 82. Elle ne constitue ainsi pas davantage une sanction déguisée. La décision de diminution de cinq pour cent de son traitement à compter du 22 avril 2018 n'entrant, par ailleurs, dans aucune autre catégorie d'acte administratif soumis à une obligation de motivation, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision est inopérant et doit être écarté. Pour la même raison, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse lui a été imposée en méconnaissance du respect des droits à la défense, du principe de nécessité des peines et de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de proportionnalité des peines, tout aussi inopérants, ne peuvent qu'être écartés.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 30 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " Les commissions administratives paritaires connaissent des refus de titularisation. Elles connaissent des questions d'ordre individuel résultant de l'application, notamment, des articles (...) 97 de la présente loi. " Mme B... soutient, pour la première fois en appel, que la décision litigieuse devait, en application de ces dispositions, être précédée de la saisine de la commission administrative paritaire compétente. Toutefois, la mise en oeuvre de la diminution graduelle du traitement des fonctionnaires, prévue par l'article 82 de la loi du 20 avril 2016, n'étant subordonnée à aucune appréciation, la décision litigieuse ne concerne pas une question d'ordre individuel soumise à l'avis d'une commission administrative paritaire au sens des dispositions précitées. Le moyen, inopérant, doit en conséquence être écarté.
13. En troisième lieu, en l'absence de dispositions particulières sur leur entrée en vigueur, les dispositions de l'article 97 issues de l'article 82 de la loi du 20 avril 2016, sont entrées en vigueur, conformément à l'article 1er du code civil, au lendemain de leur publication, le 22 avril 2016. Il en résulte que le dispositif de diminution graduelle du traitement des fonctionnaires concernés pouvait être appliqué à compter de cette date. Ainsi qu'il a été déjà été dit, ces dispositions ne posent pas de difficulté de compréhension ou d'interprétation, ni en ce qui concerne l'assiette de cette diminution, constituée par la rémunération correspondant à l'indice détenu dans son grade par le fonctionnaire concerné, ni pour ce qui concerne le pourcentage de diminution, augmenté de cinq points chaque année, ni, encore, sur le calcul de la retraite dont les règles sont indépendantes de cet article 97 ou encore sur le calcul de la rémunération des fonctionnaires en temps partiel ou en congé maladie dont les règles n'ont pas été modifiées par les dispositions litigieuses. Il en résulte que ces dispositions litigieuses, suffisamment claires et précises pouvaient, contrairement à ce qui est soutenu, faire l'objet d'une application immédiate sans texte réglementaire, d'ailleurs non envisagé par le législateur, ni précision législative supplémentaire. Dans ces conditions, la circonstance que le Centre national de la fonction publique territoriale ait jugé utile, par un courrier du 4 novembre 2016 d'informer Mme B... qu'il était confronté à des difficultés d'application des dispositions litigieuses dans le temps, tout comme le fait que le législateur ait souhaité apporter une précision, à laquelle il a dû renoncer, sur cette mise oeuvre, sont sans influence sur le bien-fondé de la décision litigieuse.
14. En quatrième lieu, il est constant qu'à la date de la décision attaquée, Mme B... était prise en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale depuis plus de deux ans et devait, en application de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, être soumise au dispositif de diminution de son traitement. Il résulte par ailleurs de ce qui précède sur la date d'entrée en vigueur dudit dispositif, que le choix effectué par le Centre national de la fonction publique territoriale de ne diminuer le traitement de Mme B... qu'à compter du 22 avril 2018 n'a pas pu priver illégalement cette dernière d'une partie de sa rémunération. Il en découle que la circonstance que la date du 22 avril 2018 choisie par le centre ait été décidée en référence ou non à la note d'information de la direction générale des collectivités territoriales (DGCL) NOR INTB172633C du 3 novembre 2017 est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse. Mme B... ne peut ainsi, en tout état de cause, utilement se prévaloir de l'illégalité de cette note. Les moyens qu'elle soulève contre cette note sont par suite tous inopérants.
15. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, la mise en oeuvre, en application des dispositions de l'article 82 de la loi du 20 avril 2016, de la diminution de la rémunération des fonctionnaires momentanément privés d'emploi dépend exclusivement de la durée de la période de leur prise en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale. Ces dispositions n'ont créé, ni directement ni indirectement, aucune nouvelle obligation à l'égard de ces fonctionnaires. Il ne ressort en outre d'aucun texte qu'une obligation de trouver un emploi à ces fonctionnaires pèse sur le Centre national de la fonction publique territoriale. Il s'ensuit que Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance d'une telle obligation, ou de ce qu'elle pèserait illégalement sur elle, dès lors que le non-respect de celle-ci, à supposer même qu'elle existe, serait en tout état de cause sans influence sur l'application du mécanisme de diminution de sa rémunération après deux années de prise en charge.
16. En sixième lieu, Mme B... n'étant ni malade, ni inapte, temporairement ou définitivement, à reprendre un emploi, ni soumise à un lien de service avec un employeur, elle n'est pas placée, contrairement à ce qu'elle soutient, dans la même situation que des fonctionnaires sans affectation en raison de leur inaptitude ou d'une affection temporaire ou encore en surnombre. Elle ne peut, dès lors, utilement se prévaloir d'une rupture d'égalité vis à vis de ces derniers.
17. En septième lieu, les affirmations selon lesquelles elle serait victime de discrimination de la part du Centre national de la fonction publique territoriale qui, selon le moyen, la " sanctionne depuis sa prise en charge dans l'accès aux emplois publics vacants du CNFPT (...) en l'empêchant d'y accéder " ne sont établies par aucune pièce du dossier. Mme B... ne peut ainsi, et en tout état de cause, se prévaloir d'une méconnaissance du principe de l'accès aux emplois publics sans autre distinction que la vertu ou le talent.
18. En huitième lieu, aux termes des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tel qu'amendé par le Protocole n° 11 : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. " Ces stipulations ne font pas par elles-mêmes obstacle à une limitation ou diminution des revenus des agents publics par le législateur.
19. En l'état de la législation applicable à la date de la décision attaquée, la rémunération versée aux fonctionnaires momentanément privés d'emploi, en l'absence de service fait, n'est diminuée qu'à l'issue d'une période de trois ans lorsque celle-ci ne leur a pas permis de trouver une nouvelle affectation. Le pourcentage de diminution, augmenté graduellement de cinq points chaque année et plafonné à cinquante pour cent, ne porte pas une atteinte disproportionnée à la situation des intéressés au regard des objectifs d'intérêt général poursuivis par le législateur d'inciter des fonctionnaires privés d'emploi sur une période de plusieurs années à renforcer leur diligence dans la recherche d'un emploi. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la circonstance que cette diminution n'est pas modulée en fonction du comportement du fonctionnaire concerné méconnaît les stipulations citées au point précédent.
20. En neuvième et dernier lieu, Mme B... n'est pas recevable à soulever dans le cadre du recours pour excès de pouvoir l'inconstitutionnalité des dispositions législatives dont le Centre national de la fonction publique territoriale a fait une exacte application en prenant la décision litigieuse. Le moyen tiré de ce que le Centre national de la fonction publique territoriale était en situation de compétence liée pour s'abstenir d'appliquer les dispositions de l'article 82 de la loi du 20 avril 2016 en raison de leur inconstitutionnalité, qui n'est en tout état de cause pas fondé, ne peut, par suite, qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Les conclusions à fin d'annulation de Mme B... devant être rejetées, il s'ensuit que doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1000 euros qu'elle paiera au Centre national de la fonction publique territoriale, au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête et la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité de Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Mme B... versera une somme de 1 000 euros au Centre national de la fonction publique territoriale en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au Centre national de la fonction publique territoriale.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
No 19LY007872