Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par trois requêtes, Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- d'annuler :
o la lettre du maire de la ville de Chambéry du 17 juillet 2015, lui annonçant sa prochaine mise en invalidité à compter du 4 février 2015 et l'informant de l'émission prochaine d'un titre de recettes tendant au remboursement de ses traitements perçus de cette date jusqu'au 31 juillet 2015 ;
o la décision de la ville de Chambéry du 28 juillet 2015, décidant de sa mise en invalidité à compter du 4 février 2015 ;
o la décision de la ville de Chambéry du 10 mai 2016, rejetant son recours gracieux contre l'arrêté du 28 juillet 2015 décidant de sa mise en invalidité à compter du 4 février 2015 ;
- et d'enjoindre à la ville de Chambéry de reconstituer sa carrière à compter du 4 février 2015 ;
Par un jugement n° 1601038, 1603848, 1603850 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes de Mme B....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 mars 2019, Mme B..., représentée par la SELARL Alban A..., agissant par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler :
- ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2018 ;
- la décision du 28 juillet 2015 par laquelle le maire de la commune de Chambéry l'a placée d'office en retraite pour invalidité à compter du 4 février 2015, ensemble la décision du 10 mai 2016 ayant rejeté son recours gracieux contre cette décision ;
- la décision du maire de la commune de Chambéry ordonnant le remboursement des salaires perçus du 4 février 2015 au 31 juillet 2015 ;
2°) d'enjoindre à la commune de Chambéry de reconstituer sa carrière ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Chambéry la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme comme dépourvu des précisions nécessaires à l'appréciation de son bien-fondé ; la commission était irrégulièrement composée dès lors qu'un spécialiste n'était pas présent ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a écarté le moyen tiré de la rétroactivité illégale de sa mise à la retraite ; sa mise à la retraite d'office a été prise en méconnaissance de l'article 30 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'avis conforme de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales pour sa mise en retraite rétroactive n'a pas été sollicité ni émis en méconnaissance de l'alinéa 2 de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2021, la commune de Chambéry représentée par la SCP C..., agissant par Me C... conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Recrutée en 1997 par la commune de Chambéry pour des fonctions d'agent d'entretien, Mme B... a été affectée à partir de 2007, en tant qu'adjointe administrative territoriale, à des fonctions d'agent d'accueil. Souffrant de plusieurs affections, elle a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 13 mai 2013, puis, en juin 2014, en disponibilité d'office pour maladie. Le comité médical, réuni pour avis le 22 octobre 2013, l'ayant considérée comme inapte définitivement à toutes fonctions, la commune de Chambéry a engagé à son sujet une procédure de mise à la retraite d'office. Le 3 février 2015, la commission de réforme a rendu un avis favorable à sa mise en retraite d'office pour invalidité et inaptitude absolue et définitive à toutes fonctions, sans aucun reclassement possible. Suite à l'avis rendu le 15 juillet 2015 par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), favorable à sa retraite pour invalidité à compter du 4 février 2015, le maire de la commune de Chambéry l'a informée, par un courrier du 17 juillet 2015, de sa décision de mettre en oeuvre cette mesure. Cette décision a été formalisée par un arrêté du 28 juillet 2015 la plaçant d'office à la retraite pour invalidité à compter du 4 février 2015. Par un titre de recettes du 19 août 2015, il a été, consécutivement, demandé à Mme B... de rembourser les demi-traitements qui lui avaient été versés pour la période postérieure au 4 février 2015. Après avoir demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation du courrier du 17 juillet 2015, Mme B... a formé, le 4 mars 2016, un recours gracieux contre l'arrêté 28 juillet 2015 que le maire de la commune de Chambéry a rejeté par une décision du 10 mai 2016. Mme B... relève appel du jugement rendu le 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, a rejeté ses trois demandes d'annulation dirigées contre le courrier du 17 juillet 2015, l'arrêté du 28 juillet 2015 et la décision du 10 mai 2016 du maire de la commune de Chambéry ainsi que contre le titre de recettes du 19 août 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. En se bornant à soutenir en première instance que " la commission de réforme départementale en sa séance du 03/02/2015 était irrégulièrement composée. " et qu'" Il incombera à la collectivité de justifier de la régularité de la composition de la commission et notamment de la présence d'un spécialiste agrée. " sans se prévaloir de la méconnaissance d'aucun texte ou principe, ni même préciser quel spécialiste aurait dû, selon ses allégations, siéger lors de la séance de la commission de réforme, Mme B... n'a pas assorti son moyen des précisions nécessaires à l'appréciation de son bien-fondé. C'est par suite, contrairement à ce qui est soutenu, à bon droit qu'il a été écarté comme démuni de précision par le tribunal administratif de Grenoble.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, si Mme B... réitère en appel le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme du 3 février 2015, elle n'a, pas davantage qu'en première instance, précisé le ou les textes ou principes dont elle entend invoquer la méconnaissance, non plus que la nature des compétences du spécialiste qui aurait, selon le moyen, dû être présent lors de la séance de la commission de réforme. Le moyen, dépourvu des précisions nécessaires à l'appréciation de son bien-fondé, ne peut dès lors qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 30 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 susvisé : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée. ". L'article 39 du même décret dispose que : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension. Par dérogation à l'article 19, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. (...) ". Par un arrêt n° 17LY01542 du 12 mars 2017, revêtu de l'autorité de la chose jugée, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que Mme B..., atteinte d'une grave pathologie la mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, et déclarée définitivement inapte à toute fonction, ne pouvait prétendre au bénéfice d'un congé de longue maladie ou de longue durée, lesquels ne peuvent être accordés qu'aux agents susceptibles d'être jugés aptes à la reprise d'un emploi. Il est par ailleurs constant que l'intéressée, en disponibilité d'office, avait épuisé les congés de maladie auxquels elle avait droit à la date de sa mise à la retraite. Enfin, Mme B... étant définitivement inapte à toute fonction et sans reclassement possible, n'entre pas dans la catégorie des fonctionnaires concernés par les dispositions de l'article 39 précitées. Elle n'est dès lors pas fondée à se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 de ce même décret " (...) L'admission à la retraite est prononcée, après avis de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, par l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination. ". Contrairement à ce qui est soutenu, la CNRACL a rendu un avis sur la situation de Mme B... le 15 juillet 2015. La requérante n'est ainsi pas fondée à se prévaloir d'une méconnaissance de ces dispositions.
6. En quatrième lieu, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité.
7. S'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme B... était atteinte par la limite d'âge à la date de sa mise d'office à la retraite, il ressort en revanche de ces mêmes pièces que Mme B... a, par un arrêté du 17 juillet 2014, été placée en disponibilité d'office dans l'attente de l'aboutissement de la procédure de mise à la retraite d'office en raison de son invalidité et inaptitude absolue et définitive à toutes fonctions. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Grenoble, l'arrêté du 28 juillet 2015 avait pour objet et a eu pour effet de procéder à la régularisation de sa situation au regard de sa retraite. Le moyen tiré de l'illégalité du caractère rétroactif de son placement d'office à la retraite à compter du 4 février 2015 doit dès lors être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision plaçant d'office Mme B... à la retraite pour invalidité doivent être rejetées. Elle n'est par suite pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation du titre de recettes qui lui a été délivré afin d'obtenir le paiement des traitements qui lui ont été versés postérieurement au 3 février 2015.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les conclusions à fin d'annulation de Mme B... devant être rejetées, il s'ensuit que doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.
11. Il n'y pas a lieu, par ailleurs et dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée au titre des frais non compris dans les dépens par la commune de Chambéry.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Chambéry relatives aux frais non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et à la commune de Chambéry.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.
No 19LY009842