Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.
Par jugement n° 2001199 du 27 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête, enregistrée le 26 mars 2020, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2001199 du tribunal administratif de Grenoble du 27 février 2020 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou de réexaminer sa demande après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le signataire des décisions n'est pas compétent ;
- les arrêtés sont insuffisamment motivés ;
- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination n'ont pas fait l'objet d'une procédure contradictoire préalable en application de la loi du 12 avril 2000 ; elles méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; elles méconnaissant l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté d'assignation à résidence doit être annulé par voie de conséquence de l'illégalité des autres décisions contestées.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
Par décision du 5 août 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle formulée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations du public avec l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant du Kosovo né le 3 juillet 1995 à Gjilan (Kosovo), a déposé, le 26 février 2015, après son entrée sur le territoire français, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 octobre 2015 puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 13 mai 2016. Le 4 août 2016, le préfet de la Haute-Savoie a pris à son encontre une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, que M. B... n'a pas exécutée. Après l'interpellation, le 17 février 2020, de M. B... lors d'un contrôle routier, le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé, par un arrêté du 18 février 2020, à quitter le territoire français sans délai et prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an. Le même jour, il l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte de la lecture du jugement attaqué que, dans son point 6, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a écarté le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement n'est pas irrégulier pour avoir omis de répondre à ce moyen.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, M. E... C..., signataire de la décision en litige, directeur de la citoyenneté et de l'immigration, a reçu délégation à l'effet de signer les décisions d'obligation de quitter le territoire français, par une décision du 29 janvier 2020, publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie du même jour. La circonstance que cette décision ne fait pas mention de la délégation consentie au stade de sa signature est sans influence sur sa légalité. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit donc être écarté.
4. En deuxième lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés d'une insuffisante motivation et de ce que la décision est intervenue sans respecter la procédure contradictoire prévue par les dispositions de la loi du 12 avril 2000, aujourd'hui reprises par le code des relations du public avec l'administration, doivent être écartés par les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". M. B... fait valoir qu'il est présent en France depuis 2015, qu'il bénéficie de l'aide familiale d'un cousin habitant en Suisse, qu'il justifie d'une intégration dès lors notamment qu'il est locataire de son logement, qu'il dispose d'un compte bancaire et a reçu une promesse d'embauche. Toutefois, il s'est maintenu sur le territoire français d'une manière irrégulière depuis une précédente mesure d'éloignement prononcée en août 2016 qu'il n'a pas exécutée, ce qui ne constitue pas un signe d'insertion dans la société française dont les valeurs reposent notamment sur le respect de la loi, et il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans. Célibataire sans enfant, il ne justifie d'aucune attache privée ou familiale en France ni d'une insertion socio professionnelle particulière. Dans ces conditions, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Sur le refus de délai de départ volontaire :
6. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de séjour et d'entrée des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".
7. Le préfet de la Haute-Savoie a refusé d'accorder à M. B... tout délai de départ volontaire au motif notamment qu'il s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement et qu'il avait explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. Ces seuls motifs, qui justifiaient la décision en litige, ne sont pas contestés par M. B.... Il est, dès lors, sans incidence sur la légalité de la décision que son attitude ne relève pas du f) de l'article L. 511-1 précité ou que le préfet de la Haute-Savoie ait estimé, pour assigner le requérant à résidence, qu'il présentait des garanties de représentation dans la perspective de son éloignement de nature à justifier une telle mesure alternative à la rétention.
Sur l'interdiction de retour :
8. Aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé (...) / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
9. Il appartient au préfet, en vertu des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'assortir une obligation de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français sauf dans l'hypothèse où des circonstances humanitaires justifieraient qu'il soit dérogé au principe. M. B... s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Les circonstances dont il fait état, en se bornant à relever que l'autorité préfectorale n'a pas procédé à l'exécution forcée de la précédente mesure d'éloignement, ne peuvent être regardées comme des circonstances humanitaires qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français.
Sur le pays de destination :
10. Les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
Sur l'assignation à résidence :
11. Il résulte de ce qui a été dit que M. B... ne peut invoquer l'illégalité de la mesure d'assignation à résidence qu'il conteste par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et de l'interdiction de retour.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2021.
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N° 20LY01206