Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La communauté de communes de la Tournette a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- de condamner la société De Jong Architectes, la société AGI Ingénierie, la société Beter Cachat, la société Plantier, la société APC Etanch' et le Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil à lui verser solidairement la somme de 248 730,46 euros toutes taxes comprises (TTC), outre intérêts au taux légal capitalisés à compter de la date de l'enregistrement de la requête, en indemnisation des désordres ayant affecté les dortoirs et les salles communes de la crèche halte-garderie " Les Epèles " ;
- de condamner la société De Jong Architectes, la société AGI Ingénierie, la société Beter Cachat, la société Plantier, la société IPM et le bureau Qualiconsult à lui verser solidairement la somme de 52 675,22 euros toutes taxes comprises (TTC), outre intérêts au taux légal capitalisés à compter de la date de l'enregistrement de la requête, en indemnisation des désordres ayant affecté les cloisons de la biberonnerie et des sanitaires des petits de la crèche halte-garderie " Les Epèles " ;
- de condamner la société De Jong Architectes, la société AGI Ingénierie, la société Beter Cachat, la société Plantier et la société LP Charpente à lui verser solidairement la somme de 2 784,24 euros toutes taxes comprises (TTC), outre intérêts au taux légal à compter de la date de l'enregistrement de la requête, en indemnisation des désordres ayant affecté la rotonde située à l'entrée principale de la crèche halte-garderie " Les Epèles " ;
- de mettre à la charge solidairement de la société De Jong Architectes, de la société AGI Ingénierie, de la société Beter Cachat, de la société Plantier, de la société APC Etanch', de la société IPM, du Cabinet Montmasson, de la société IPM et de la société Qualiconsult les sommes de 5 951,65 euros et de 12 900,73 euros au titre des dépens et une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1504353 du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a :
- condamné la société De Jong Architectes, la société AGI Ingénierie, la société Beter Cachat, la société Plantier et la société APC Etanch' à verser solidairement au SIVOM de la Tournette la somme de 152 730,64 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête et de la capitalisation des intérêts à compter du 15 juillet 2016, puis à chaque échéance annuelle ;
- condamné la société De Jong et le Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil à garantir la société APC Etanch', respectivement, à hauteur de 60 % et 30 % de la condamnation précitée prononcée contre elle et la société APC Etanch' à garantir la société De Jong Architectes à hauteur de 10 % de la condamnation précitée prononcée contre elle ;
- condamné la société De Jong Architectes, la société AGI Ingénierie, la société Beter Cachat, la société Plantier, la société IPM et la société Qualiconsult à verser solidairement au SIVOM de la Tournette la somme de 52 675,22 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête et de la capitalisation des intérêts à compter du 15 juillet 2016, puis à chaque échéance annuelle ;
- condamné la société IPM à garantir la société De Jong Architectes à hauteur de 90 % de la condamnation précitée prononcée contre elle ;
- mis les frais et honoraires des expertises (5 951,65 euros et 12 900,73 euros) à la charge définitive de la société De Jong Architectes, pour 50%, du Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil et de la société IPM, chacun pour 20%, et de la société APC Etanch', pour 10 % ;
- mis à la charge de la société De Jong Architectes, de la société AGI Ingénierie, de la société Beter Cachat, de la société Plantier, de la société Qualiconsult, de la société IPM et de la société APC Etanch', chacune, la somme de 500 euros au profit du SIVOM de la Tournette au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- rejeté les surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour
I. Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2019, sous le n° 19LY03428, et un mémoire enregistré le 6 avril 2021 et un mémoire enregistré le 21 mai 2021, la SAS Bet Plantier et la Sarl Agi Ingénierie, représentées par la SCP Seloron- Hutt - Grangeon, avocats, demandent à la cour :
1°) de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité la société Qualiconsult pour les désordres affectant les cloisons de la biberonnerie et des sanitaires des petits et de rejeter ses conclusions d'appel sur ce point ;
2°) à titre principal, de réformer le jugement contesté en ce qu'il a retenu leur responsabilité décennale et de rejeter l'ensemble des demandes formées à leur encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement contesté en ce qu'il a écarté la responsabilité des sociétés Cabinet Montmasson, Lathuille Frères et Cunsolo, et les a condamnés solidairement avec les sociétés De Jong Architectes, Beter Cachat et Apc Etanch' à verser au SIVOM de la Tournette la somme de 152 730,64 euros TTC avec intérêts légaux, la somme de 52 675,22 euros TTC avec intérêts légaux et la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner solidairement les sociétés De Jong Architectes, Cabinet Montmasson, Apc Etanch', Qualiconsult, Ipm Isolation Plaquerie Menuiserie, Lathuille et Cunsolo à les relever et garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre ;
5°) de rejeter les appels incidents des sociétés De Jong Architectes, Apc Etanch', Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil et du SIVOM de la Tournette et leurs demandes formées à leur encontre ;
6°) de rejeter la demande d'indemnisation du SIVOM de la Tournette au titre de l'humidité de la rotonde formée à l'encontre de la société Agi Ingénierie ; subsidiairement, en cas de condamnation prononcée contre cette société, de condamner les sociétés de Jong architectes et LP Charpente à la relever et garantir intégralement de toutes condamnations prononcées à son encontre ;
7°) de condamner le SIVOM de la Tournette, ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
8°) de mettre à la charge du SIVOM de la Tournette, ou de qui mieux le devra, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- c'est à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité de la société Qualiconsult pour sa mauvaise exécution de sa mission au regard du respect des règles parasismiques ;
- à titre principal, les désordres ne leur sont pas imputables, la société Bet Plantier n'étant chargée que qu'une mission de conception de la structure béton et la société Agi Ingénierie, d'une mission d'économiste de la construction, les missions de chaque membre du groupement de maîtrise d'œuvre étant définies dans l'acte d'engagement dans un tableau de répartition ;
- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité des sociétés Cabinet Montmasson, Lathuille Frères et Cunsolo au motif que leur responsabilité décennale ne pouvait être engagée, sans rechercher si leur responsabilité quasi délictuelle pouvait être retenue ; il ne s'agit pas d'une demande nouvelle dès lors qu'elles ont appelé en garantie la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil en première instance ;
- la responsabilité quasi délictuelle de ces sociétés, qui ont, comme l'a relevé l'expert, commis des fautes dans l'exécution de leurs obligations relatives aux travaux publics de réaménagement de la place publique de Veyrier du Lac et de la cour de la crèche, ayant concouru à la réalisation des désordres affectant les dortoirs de la crèche et la salle commune, est engagée ; elles seront donc condamnées à prendre en charge la réparation de ces désordres ;
- le partage de responsabilité devra être fait à parts égales et solidaires entre les sociétés De Jong, Apc Etanch', Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Lathuille et Cunsolo ;
- à supposer que la cour confirme leur responsabilité au titre de la solidarité attachée au groupement de maîtrise d'œuvre, elle réformera le jugement contesté en ce qu'il a prononcé leur condamnation générale et solidaire à parts égales avec les sociétés De Jong Architectes, Qualiconsult, Beter Cachat et Apc Etanch' ;
- leur responsabilité solidaire en qualité de cotraitant de la maîtrise d'œuvre n'interviendra que sur la part de responsabilité mise à la charge de la société De Jong Architectes ;
- la prise en charge des travaux de réparation des désordres affectant les dortoirs et la salle commune sera imputée à parts égales à la société De Jong Architectes, sa part de responsabilité étant solidairement partagée avec, les sociétés Beter Cachat, Qualiconsult, Agi Ingénierie et Bet Plantier, à la société Apc Etanch', ses cotraitants maîtres d'œuvre, à la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, à la société Lathuille et à son sous-traitant, la société Cunsolo ;
- concernant les désordres affectant les cloisons de la biberonnerie et les sanitaires, leur condamnation solidaire ne portera que sur la part de responsabilité imputée à la société De Jong Architectes ;
- les sociétés De Jong Architectes, Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Apc Etanch', Qualiconsult, Ipm Isolation Plaquerie Menuiserie, Lathuille et Cunsolo seront condamnées à les relever et garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre, y compris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, eu égard aux fautes telles que relevées par l'expert judiciaire qu'elles ont commises et dès lors qu'elles n'ont-elles-mêmes commis aucune faute en lien avec la survenance des désordres ;
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté le préjudice de jouissance, qui n'est pas établi ;
- la société Agi Ingénierie est étrangère au désordre affectant la rotonde, qui est exclusivement imputable à un défaut de conception de la société de Jong Architectes ;
- en cas de condamnation prononcée à l'encontre de la société Agi Ingénierie pour ce désordre, elle sera relevée et garantie intégralement par les sociétés de Jong architectes et LP Charpente sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;
- le jugement sera confirmé quant à l'indemnité allouée au SIVOM au titre des frais de défense ;
- l'appel en garantie de la société De Jong Architectes contre la société Agi ingénierie concernant les désordres affectant les dortoirs et salles communes et les fentes et fissures affectant les cloisons de la biberonnerie et les sanitaires sera rejeté en l'absence de faute démontrée commise par cette dernière société ;
- c'est à juste titre que le tribunal a retenu pour les désordres affectant les dortoirs et la salle commune la responsabilité de la société Apc Etanch' pour avoir accepté de réaliser une pente de 1 %, sans que ladite société puisse s'exonérer de sa responsabilité en invoquant l'intervention de la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil.
Par un mémoire enregistré le 9 avril 2020 et un mémoire enregistré le 21 juin 2021, la Sarl Lathuille Frères BTP, représentée par la SELARL Cabinet Laurent Favet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, de rejeter comme irrecevable l'appel en garantie formé à son encontre par les sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie ;
2°) de rejeter les actions en garantie exercées par les sociétés De Jong Architectes, Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil et Cunsolo à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête en ce qu'elle est dirigée à son encontre ;
4°) à titre plus subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés De Jong Architectes, Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil et Cunsolo à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre en principal, frais, et accessoires ;
5°) de mettre à la charge des sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'appel en garantie formé à son encontre pour la première fois en appel par les sociétés Bet Plantier, Agi Ingénierie et Qualiconsult est irrecevable ;
- cet appel en garantie est, en tout état de cause, infondé en l'absence de faute établie à son encontre en lien avec les désordres allégués par le SIVOM de La Tournette ;
- à titre subsidiaire, elle sera relevée et garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre, en principal, frais, et accessoires, par la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, principalement responsable de l'absence de barbacanes dans les murs externes de la cour Ouest qu'il a reconstruits et dont ce défaut d'analyse est venu amplifier les désordres en raison de l'absence de caniveau périphérique en pied de façade Ouest de la crèche, et par son sous-traitant, la société Cunsolo, chargée de la réalisation des travaux d'étanchéité.
Par des mémoires enregistrés les 27 avril 2020 et 23 décembre 2020, la Sarl Cabinet Montmasson, représentée par Me A... demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal :
- de confirmer le jugement contesté en ce qu'il a écarté sa responsabilité décennale et de rejeter la requête ;
- de rejeter les appels incidents du SIVOM de la Tournette, de la société Apc Etanch' et de la société De Jong Architectes ;
2°) à titre subsidiaire :
- de confirmer le jugement contesté en ce qu'il a rejeté les appels en garantie formés à son encontre par les sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie ;
- de confirmer le jugement contesté en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance présentée par le SIVOM de la Tournette ;
- de rejeter toute demande du SIVOM au titre du préjudice d'humidité de la rotonde ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de confirmer le jugement contesté en ce qu'il a retenu à son encontre une part de responsabilité à hauteur de 30 % concernant l'indemnisation du désordre affectant les dortoirs et la salle commune et mis à sa charge 20 % des dépens, et de condamner in solidum les sociétés De Jong Architectes, Apc Etanch' et Lathuille Frères à la relever et garantir des condamnations mises à sa charge ;
4°) de rejeter toute action récursoire, notamment de la société Lathuille frères ;
5°) de mettre à la charge des sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
- les appels incidents du SIVOM de la Tournette, qui critique le rejet de deux postes de préjudices, de la société Apc Etanch', qui conteste sa responsabilité et subsidiairement le partage de responsabilité et la quote-part imputée et de la société De Jong, qui conteste également sa responsabilité et subsidiairement le partage de responsabilité et la quote-part imputée, portent sur un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal et sont donc irrecevables ;
- le jugement contesté sera confirmé en ce qu'il a écarté sa responsabilité décennale concernant les désordres affectant la crèche ;
- ce jugement sera également confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale solidaire des sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie en leur qualité de cotraitant du groupement de maîtrise d'œuvre et en l'absence de documents répartissant entre les membres de ce groupement leurs interventions techniques respectives ;
- le SIVOM de la Tournette n'a pas recherché sa responsabilité sur un autre fondement que la responsabilité décennale ; dans ces conditions, il n'est pas démontré que les conditions pour engager sa responsabilité sur un autre fondement étaient remplies ;
- la demande des sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie tendant au prononcé d'un partage de responsabilité à parts égales et solidaires entre les sociétés De Jong Architectes, Apc Etanch', Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Lathuille et Cunsolo est irrecevable dès lors qu'il ne peut être demandé à la cour de prononcer un tel partage ;
- les sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie ne sont pas recevables à solliciter sa condamnation solidaire ;
- les désordres ont pour origine les travaux réalisés avant son intervention lors de la première opération ;
- seuls les désordres postérieurs à son intervention peuvent lui être imputés, de manière partielle, après avoir retenu la responsabilité des intervenants d'origine, les sociétés De Jong Architectes et Apc Etanch'
- sa part de responsabilité est infiniment subsidiaire au regard de celle du maître d'œuvre ayant conçu l'ouvrage à l'origine et ayant dirigé les travaux concourant à sa réalisation, et de celle de l'entreprise ayant réalisé des travaux non conformes aux règles de l'art, mais aussi aux plans d'exécution fournis ;
- les sociétés Lathuille frère et Cunsolo seront condamnées à la relever et garantir de toutes condamnations en raison des fautes délictuelles commises ;
- à titre infiniment subsidiaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du SIVOM de la Tournette d'un préjudice de jouissance à hauteur de 96 000 euros, qui n'est pas établi compte tenu de l'absence de fermeture de la crèche et de la halte-garderie ; en tout hypothèse, cette demande sera limitée au regard de l'absence de justificatifs probants ; elle ne pourrait être tenue à la réparation d'un tel préjudice qu'entre mi-juillet 2008 et 2013 ;
- elle n'est pas concernée par le préjudice lié à l'humidité de la rotonde de l'entrée principale de la crèche relatif à un défaut du système d'évacuation des eaux de pluie de l'ouvrage au droit de la rotonde ; seuls les locateurs d'ouvrage de la crèche sont susceptibles d'engager leur responsabilité et de devoir indemniser, le cas échéant, le SIVOM à ce titre.
Par des mémoires enregistrés les 30 avril 2020 et 8 avril 2021, la SAS Apc Etanch', représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement contesté en ce qu'il l'a condamné à payer 10 % de la condamnation relative aux désordres affectant les dortoirs et les salles communes, 10 % des dépens et 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de la mettre hors de cause, de rejeter toutes demandes de condamnation à son égard, de rejeter l'appel incident du SIVOM de la Tournette, et de mettre à la charge de la communauté de communes de la Tournette, ou de qui mieux le devra, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés De Jong Architectes, Agi Ingénierie, Beter Cachat, Bet Plantier, et Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil à la relever et garantir à hauteur de 95 % des condamnations a minima, de rejeter l'appel incident formé à son encontre par la société De Jong Architectes et toutes demandes formées par cette société à son encontre, de rejeter les demandes de la communauté de communes de la Tournette au titre du préjudice de jouissance à hauteur de 96 000 euros, des intérêts à compter du dépôt de la requête au fond, et celle tendant au prononcé de condamnations solidaires.
Elle fait valoir que :
- son appel incident ne porte pas sur un litige distinct de l'appel principal dès lors que les responsabilités recherchées se rattachent à des mêmes préjudices subis par la communauté de communes ;
- à titre principal, elle est fondée à opposer la cause exonératoire du fait du tiers dès lors que ce sont les travaux modificatifs sous la maîtrise d'œuvre de la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil en 2007/2008 qui sont les causes des infiltrations dans les dortoirs et locaux communs côté Ouest de la crèche ; tout demande dirigée à son encontre sera donc rejetée dès lors qu'elle n'a pas pris aucune part dans la réalisation des dommages ;
- à titre subsidiaire, elle est bien fondée à former un appel en garantie à l'encontre des différents responsables des désordres d'infiltrations, tels que retenus par l'expert judiciaire, en l'occurrence la société De Jong Architectes, responsable d'un vice de conception et la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, et à solliciter de la cour qu'elle opère directement un partage des responsabilités au regard de l'implication de chacun ;
- elle ne saurait se voir imputer une part de responsabilité supérieure à 5 % ;
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la somme de 81 871,14 euros TTC au titre du coût des travaux d'assèchement et d'entretien entre 2005 et 2013 ;
- le coût des travaux d'urgence pour 36 992,30 euros TTC et le coût des travaux de réparation à hauteur de 33 867,20 euros TTC ne sont pas contestés sous réserve pour ces derniers qu'ils correspondent bien aux coûts réels investis par le maître d'ouvrage, qui a dû réaliser les travaux depuis le dépôt du rapport d'expertise ;
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté le préjudice de jouissance dès lors que la crèche et la halte-garderie n'ont jamais été fermées et qu'aucun élément nouveau en appel ne permet de modifier l'appréciation du tribunal ;
- aucune condamnation solidaire ne peut être prononcée dès lors qu'il n'est pas démontré l'existence d'un seul et même désordre qui aurait concouru à la réalisation de l'entier dommage et qu'elle n'est pas tenue solidairement avec les autres intervenants à la construction, d'un point de vue contractuel ;
- la demande de condamnation assortie des intérêts à compter du dépôt de la requête devant le tribunal sera rejetée dès lors qu'il n'est pas justifié par la communauté de communes de la Tournette d'une tentative de règlement amiable préalable à la saisine de la juridiction ;
- la demande d'actualisation au regard du coût de la construction des sommes fixées par le rapport d'expertise sera rejetée dès lors que les travaux ont été réalisés en juillet 2015 et qu'au titre de l'exécution provisoire, les sommes mises à sa charge ont été payées ;
- aucune somme ne saurait être mise à sa charge tant en première instance qu'en appel concernant les frais irrépétibles.
Par un mémoire enregistré le 3 juin 2020, la société Qualiconsult, représentée par Me I... demande à la cour :
1°) de joindre la présente affaire à celle enregistrée sur sa requête sous le n° 19LY03438 ;
2°) à titre principal, de réformer le jugement contesté en ce qu'il a retenu sa responsabilité et de rejeter l'intégralité des demandes formées à son encontre par le SIVOM de la Tournette et, le cas échéant, les autres parties, notamment la société Agi Ingénierie et la société Bet Plantier ;
3°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande de condamnation solidaire du SIVOM de la Tournette, de cantonner toute condamnation prononcée à son encontre à son éventuelle part de responsabilité qui ne saurait excéder 5 %, et, à défaut, en cas de confirmation de la condamnation solidaire au profit du SIVOM précité, de condamner les sociétés De Jong Architectes et IPM à la relever et garantir indemne de l'ensemble des condamnation mises à sa charge ;
4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- eu égard à l'origine des fissures dues à un défaut de mise en œuvre des cloisons par la société IPM, non décelé par le groupement de maîtrise d'œuvre, sa responsabilité ne peut être retenue dès lors qu'elle ne peut être tenue d'assurer le contrôle et le suivi de l'exécution des travaux ;
- à défaut, tout condamnation solidaire sera exclue dès lors que toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre devra nécessairement être limitée à sa part de responsabilité que, le cas échéant, la cour lui imputera et eu égard aux dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ;
- les sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie seront déboutées de leurs appels en garantie à son encontre ;
- dans l'hypothèse où la cour confirmerait sa condamnation solidaire au titre des fentes et fissures affectant les cloisons de la biberonnerie et les sanitaires, la société De Jong Architectes, qui n'a pas correctement suivi l'exécution des travaux, et la société IPM, qui a réalisé de manière défectueuse ces cloisons, seront condamnées in solidum à la relever et garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre, tant en principal qu'au titre des frais de justice.
Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 20 mai 2021, le SIVOM de la Tournette, venant aux droits de la communauté de communes de la Tournette, représenté par la SELARL Nicolas Chambet, avocats, demande à la cour :
1°) à titre principal :
- de confirmer le jugement contesté en ses articles 1er, 2, 3, 4 et 5 ;
- de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation de troubles de jouissance à hauteur de 96 000 euros et de condamner solidairement les sociétés De Jong Architectes, Agi Ingénierie, Beter Cachat, Bet Plantier et Apc Etanch' à lui verser cette somme ;
- de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation solidaire des sociétés De Jong Architectes, Agi Ingénierie, Beter Cachat, Bet Plantier et Apc Etanch', au titre de leur responsabilité contractuelle, à lui payer les travaux relatifs aux manquements contractuels pour mettre un terme au problème de l'humidité de la rotonde située à l'entrée principale de la crèche, et de condamner solidairement ces sociétés à lui verser la somme de 1 062 euros TTC au titre de la pose de la gouttière manquante et la somme de 1 722,24 euros TTC au titre du remboursement des frais déjà exposés par le maître d'ouvrage au titre de ce désordre ;
- de réformer le jugement en ce qu'il lui a alloué une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et mettre solidairement à la charge des sociétés De Jong Architectes, Agi Ingénierie, Beter Cachat, Bet Plantier, Apc Etanch' et Qualiconsult la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, en l'absence de solidarité des membres du groupement de maîtrise d'œuvre pour les désordres d'humidité affectant les dortoirs et salles communes, de condamner solidairement les sociétés De Jong Architectes et Apc Etanch à lui verser la somme totale de 248 730,64 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres et de son préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, et de confirmer pour le surplus le jugement sur les autres dispositions ;
4°) en tout hypothèse, de mettre solidairement à la charge des sociétés De Jong Architectes, Agi Ingénierie, Beter Cachat, Bet Plantier et Apc Etanch' et Qualiconsult la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que les désordres d'infiltrations d'eau ayant affecté les pièces du bâtiment donnant sur la cour Ouest de la crèche ont rendu l'ouvrage impropre à sa destination ;
- c'est à juste titre que le jugement a retenu la responsabilité décennale solidaire du groupement conjoint et solidaire de maîtrise d'œuvre, en particulier des sociétés De Jong Architectes, Agi Ingénierie, Beter Cachat, Bet Plantier, ainsi qu'également de la société Apc Etanch', qui a réalisé les travaux d'étanchéité, pour les désordres précités qui leur sont imputables ;
- il ne sollicite plus la condamnation au titre de la garantie décennale des constructeurs des sociétés Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Lathuille frères et Cunsolo, en l'absence de tout lien contractuel de la communauté de communes de la Tournette avec elles.
- les sociétés Agi Ingénierie et Bet Plantier, membres du groupement conjoint et solidaire de maîtrise d'œuvre sont solidairement responsables avec ses autres membres dudit groupement en l'absence de répartition des missions en son sein ;
- en tout état de cause, la responsabilité de la société Agi peut être retenue car elle avait pour mission la conception du projet et la direction de l'exécution des travaux ;
- la société Bet Plantier avait des missions relatives à la conception, à la direction de l'exécution et à l'exécution des travaux ;
- si la responsabilité conjointe et solidaire des entreprises du groupement de maîtrise d'œuvre ne devait pas être retenue, la condamnation des sociétés de Jong Architectes, Beter Cachat et Apc Etanch sera confirmée dès lors qu'elles ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité décennale, comme relevé par le rapport d'expertise ;
- la société Apc Etanch' ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant le fait du tiers ;
- les sociétés Agi Ingénierie et Bet Plantier ne sauraient s'exonérer de leur responsabilité décennale en tout ou partie dans la survenance des désordres en invoquant les manquements d'autres intervenants ;
- il s'en rapporte à l'appréciation de la cour concernant la part de responsabilité imputée par le jugement aux sociétés Agi Ingénierie et Bet Plantier ;
- il s'en rapporte également à l'appréciation de la cour concernant le rejet des appels en garantie formés par les sociétés Agi Ingénierie et Bet Plantier ;
- le maître d'ouvrage n'a pas commis de faute concourant à la présence d'humidité ;
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que les désordres des cloisons de la biberonnerie et des sanitaires sont de nature décennale ;
- le jugement sera également confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale des sociétés De Jong Architectes, Agi Ingénierie, Beter Cachat, Bet Plantier, IPM représentée par son liquidateur, la Selarl Luc B..., et Qualiconsult, qui a manqué à sa mission de contrôle parasismique et ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute de la société IPM, au titre des désordres précités ;
- il s'en rapporte également à l'appréciation de la cour concernant les appels en garantie formés par la société Qualiconsult conte les sociétés De Jong Architectes et IPM;
- le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a accordé la somme de 152 730,64 Euros TTC pour les désordres affectant les dortoirs et les salles communes donnant sur la cour Ouest ;
- le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a accordé la somme de 52 675,22 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres affectant la biberonnerie et les sanitaires ;
- la taxe sur la valeur ajoutée doit être intégrée à l'indemnité par application du 1er alinéa de l'article 256 B du code général des impôts ;
- il est fondé à solliciter que les sommes qui lui sont dues soient réévaluées en fonction de la variation du coût de la construction, constatée depuis le dépôt du rapport d'expertise ;
- il est fondé à solliciter l'année suivant le dépôt de cette requête une capitalisation des intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de la première échéance au même titre que la communauté de communes ;
- le jugement sera réformé en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance et la cour lui allouera de ce chef la somme de 96 000 euros ;
- le jugement sera réformé en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation au titre de la gouttière manquante au droit de la rotonde et les sociétés De Jong Architectes, Agi Ingénierie, Beter Cachat, Bet Plantier seront condamnées solidairement, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, pour manquement fautif dans la conception de l'ouvrage en raison de l'omission, qui est la cause directe des infiltrations d'eau subies, de prévoir un système d'évacuation des eaux de pluie de l'ouvrage au droit de la rotonde, à lui verser la somme de 1 062 euros TTC au titre de la pose de la gouttière manquante et celle de 1 722,24 euros TTC au titre du remboursement des frais déjà exposés par le maître d'ouvrage au titre de ce désordre ;
- il s'en rapporte également à l'appréciation de la cour concernant les appels en garantie formés par les sociétés Qualiconsul, Agi Ingénierie et Bet Plantier ;
- le jugement sera confirmé en ce qui concerne la charge des frais d'expertise ;
- le jugement sera réformé en ce qu'il lui a alloué une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et lui octroiera à ce titre la somme de 20 000 euros compte tenu des factures acquittées au titre des honoraires de son conseil et mettra cette somme à la charge solidaire des sociétés De Jong Architectes, Agi Ingénierie, Beter Cachat, Bet Plantier et Apc Etanch' et Qualiconsult.
Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2020, et un mémoire enregistré le 25 mai 2021, la société De Jong Architectes, représentée par la SELARL Deniau Avocats Grenoble, demande à la cour :
1°) joindre la présente affaire à l'affaire enregistrée sous le n° 19LY03438 ;
2°) à titre principal :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes concernant les désordres allégués affectant la rotonde et celles relatives au préjudice de jouissance ;
- de réformer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité concernant les désordres affectant les dortoirs et les salles communes donnant sur la cour Ouest et les désordres affectant les cloisons de la biberonnerie et des sanitaires et de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire :
- de limiter sa part de responsabilité à 5 % ;
- de condamner les sociétés APC Etanch', LP Charpente, IPM, Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Qualiconsult, AGI Ingénierie, Lathuille Frères et Cunsolo à le garantir de toutes condamnation principale, accessoire, et dépens ;
- de rejeter l'intégralité des demandes formées à son encontre par les autres parties, notamment les sociétés Agi Ingénierie et Bet Plantier ;
- de mettre à la charge de la société Cabinet De Jong la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- son appel incident est recevable dès lors que les moyens invoqués reposent sur la même cause juridique que celle dont relevaient les moyens de première instance invoqués par le requérant initial ;
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation relative à la rotonde, fondée sur un manquement dans les obligations d'assistance à réception et non sur une faute dans la conception du bâtiment par la maitrise d'œuvre ;
- les désordres d'humidité affectant les dortoirs et salles communes donnant sur la cour Ouest ne lui sont pas imputables mais ont pour origine les travaux réalisés sous la maîtrise d'œuvre du Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil sur la cour de la crèche, postérieurement à son intervention, et plus particulièrement ceux exécutés par les sociétés Lathuille et Cunsolo qui ont reconstruit le muret sans avoir prévu de barbacanes ;
- elle n'a commis aucune faute ni le moindre manquement dans l'accomplissement de ses missions, ayant aussi bien au stade de la conception que de l'exécution, pris en considération l'évacuation des eaux de surface ;
- les désordres de fentes et fissures affectant les cloisons de la biberonnerie et des sanitaires ne sont lui pas imputables, aucune faute dans la direction des travaux n'étant établie, mais le sont à la société IPM pour une mauvaise mise en œuvre ;
- sa part de responsabilité ne saurait excéder 5 % compte tenu de son rôle accessoire ;
- aucune condamnation solidaire la concernant ne serait être prononcée ;
- la demande du SIVOM tendant à l'indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'absence d'un système d'évacuation des eaux de pluie de l'ouvrage au droit de la rotonde est distincte du litige principal et donc irrecevable ;
- elle n'est pas tenue d'une obligation de résultat à l'égard du maître d'ouvrage ;
- le désordre d'humidité affectant la paroi de la rotonde ne lui est pas imputable ;
- à titre subsidiaire, elle sera relevée et garantie de toutes condamnation principale, accessoire, et dépens par les sociétés APC Entanch', LP Charpente, IPM, Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Qualiconsult, AGI Ingénierie, Lathuille Frères et Cunsolo, en raison des fautes qu'elles ont commises ;
- le préjudice de jouissance n'est pas justifié.
Par un mémoire enregistré le 16 février 2021, la Sarl Cunsolo, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter comme nouveaux en appel et donc irrecevables les appels en garantie formés à son encontre par les sociétés Bet Plantier, Agi Ingénierie, et Lathuille Frères BTP ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête, de la mettre hors de cause, et de rejeter toutes demandes formées à son encontre ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de limiter le quantum des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge des sociétés De Jong Architectes, Beter Cachat, Agi Ingénierie, Bet Plantier et Lathuille Frères BTP une somme globale de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les appels en garantie formés à son encontre par les sociétés Agi Ingénierie, Bet Plantier et Lathuille Frères BTP sont nouveaux en appel et donc irrecevables ;
- à titre subsidiaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il écarté la responsabilité décennale de la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil pour le désordre affectant les dortoirs et les salles communes donnant sur la cour Ouest ;
- sa responsabilité ne peut être retenue concernant ce désordre dès lors qu'elle n'a pas commis de faute ;
- l'appel en garantie formé à son encontre par la société De Jong Architectes sera rejeté dès lors qu'elle n'a commis aucune faute de nature quasi-délictuelle dans l'exécution de sa mission ;
- son intervention en qualité de sous-traitante et sous maîtrise d'œuvre du Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil l'a été sur un ouvrage qui ne respectait pas le marché initial qui prévoyait la réalisation d'un enrobé poreux et dont la réalisation ne respectait pas les règles de l'art ; elle sera donc exonérée de toutes responsabilité et par suite de toute condamnation ;
- la cour retiendra l'imputabilité des désordres à la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, au groupement de maîtrise d'œuvre du 1er projet et à la société Apc Etanch' ;
- seule la société Lathuille Frères BTP, titulaire du marché, peut être déclarée responsable des éventuels désordres résultant de la réalisation des travaux du lot 1 du projet 2, qu'ils soient le fait de cette société directement ou d'elle-même en application de l'article 113 du code des marchés publics ;
- le maître d'ouvrage a commis une faute en n'alertant à aucun moment les sociétés Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Lathuille Frères et Cunsolo de la présence d'humidité, ce qui conduira à ce qu'aucune condamnation ne puisse être prononcée à son encontre ;
- à titre infiniment subsidiaire, les appels en garantie des sociétés De Jong Architectes, AGI Ingénierie, BET Plantier et Lathuille Frères BTP, qui ne s'appuient sur aucun calcul précis, seront rejetés ;
- les appels en garantie formés à son encontre seront rejetés en ce qu'ils portent sur les désordres autre que le désordre n° 1, sur des travaux d'entretien et un préjudice de jouissance antérieurs à son intervention, et la totalité des frais d'expertise de l'expert qui a été défaillant et dont le travail n'a pas été dans son ensemble utile ;
- dans l'hypothèse où sa responsabilité serait engagée, le montant des condamnations prononcées contre elle ne pourrait pas excéder la somme de son marché conclu avec la société Lathuille frères, soit 42 186,73 euros TTC ;
- en tout état de cause, sa responsabilité ne pourrait pas excéder 5 % des demandes formulées au titre du désordre n° 1, n'étant que responsable d'une accélération relative des désordres.
Par un mémoire enregistré le 24 juin 2021, la société LP Charpente, représentée par Me J..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, de confirmer le jugement contester ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter les demandes formées à son encontre par les sociétés Bet Plantier, Agi Ingénénierie ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de rejeter toute demande tendant à sa condamnation à régler une somme de 1 722,24 euros TTC au titre d'une facture de la société Apc Etanch ;
4° de rejeter tout demande de condamnation des défendeurs au paiement de la somme de 5 951,65 euros au titre de l'intervention de l'expert.
Elle fait valoir que :
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les appels en garantie formés à son encontre par les sociétés Agi Ingénierie, Bet Plantier et De Jong Architectes ;
- à titre subsidiaire, ces appels en garantie formés après l'expiration du délai d'appel, sont irrecevables ;
- elle n'est pas intervenue dans la survenance des désordres essentiels et principaux ;
- le rapport d'expertise doit être écarté concernant les désordres affectant la rotonde ;
- ces désordres ne présentent pas un caractère décennal ;
- sa responsabilité ne peut être retenue en l'absence de faute ;
- le préjudice ne peut excéder la somme de 1 062 euros TTC ;
- les frais de l'expert défaillant d'un montant de 5 951,65 euros doivent restés à la charge de l'Etat ;
- elle ne doit pas supporter les dépens comprenant les frais d'expertise.
II. Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2019, sous le n° 19LY03438, la société Qualiconsult, représentée par la SCP Raffin et Associés, avocats, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que celles et ceux qu'elle a exposés dans le dossier n° 19LY03428.
Par des mémoires enregistrés les 17 juillet 2020 et 6 avril 2021, la SAS Bet Plantier et la Sarl Agi Ingénierie, représentées par la SCP Seloron - Hutt - Grangeon, avocats concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens que celles et ceux qu'elle a exposés dans le dossier n° 19LY03428, et demandent en outre à la cour de joindre la présente affaire avec l'affaire n° 1903428.
Elles font valoir en outre que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Qualiconsult dès lors que les désordres affectant les cloisons de la biberonnerie et les sanitaires lui sont imputables pour mauvaise exécution de sa mission de contrôle au regard des règles parasismiques.
Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 21 mai 2021, le SIVOM de la Tournette, venant aux droits de la communauté de communes de la Tournette, représenté par la SELARL Nicolas Chambet, avocats conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que celles et ceux qu'elle a exposés dans le dossier n° 19LY03428.
Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 25 mai 2021, la société De Jong Architectes, représentée par la SELARL Deniau Avocats Grenoble, demande à la cour :
1°) de joindre la présente affaire avec l'affaire n° 19LY03428 ;
2°) à titre principal :
- de rejeter l'appel formé par la société Qualiconsult, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité pour les désordres affectant les cloisons de la biberonnerie et des sanitaires et de rejeter l'ensemble des demandes de cette société ;
- de réformer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité et la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire :
- de limiter sa part de responsabilité à 5 % ;
- de condamner les sociétés Ipm, Qualiconsult, Agi Ingénierie, Bet Plantier et Beter Cachat à la relever et garantir intégralement de toutes condamnation principales, accessoires, et dépens ;
- de rejeter l'intégralité des demandes formées à son encontre par les autres parties, notamment la société Qualiconsult ;
- de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir en outre que :
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu, concernant les désordres affectant les cloisons de la biberonnerie et les sanitaires, la responsabilité de la société Qualiconsult, qui n'a émis aucune réserve lors des contrôles opérés sur les cloisons et a manqué à sa mission de contrôle parasismique ;
- la demande du SIVOM tendant à l'indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'absence d'un système d'évacuation des eaux de pluie de l'ouvrage au droit de la rotonde est distincte du litige principal et donc irrecevable ;
- elle n'est pas tenue d'une obligation de résultat à l'égard du maître d'ouvrage ;
- le désordre d'humidité affectant la paroi de la rotonde ne lui est pas imputable ;
- l'appel en garantie formé à son encontre sera rejeté dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle ait commis une faute dans la direction des travaux ;
- sa part de responsabilité ne saurait excéder 5 % compte tenu de son rôle accessoire en l'espèce ;
- aucune condamnation solidaire ne saurait être prononcée ;
- à titre subsidiaire, elle sera, concernant les désordres affectant les cloisons de la biberonnerie et des sanitaires, relevée et garantie de toutes condamnation principales, accessoires, et dépens par les sociétés IPM, Qualiconsult, Agi Ingénierie, Bet Plantier et Beter Cachat, en raison des fautes qu'elles ont respectivement commises ;
- le préjudice de jouissance n'est pas justifié.
Par un mémoire enregistré le 16 juin 2021, la société Cunsolo, représentée par Me E..., conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que celles et ceux qu'elle a exposés dans le dossier n° 19LY03428.
Par lettres du 16 juin 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions des sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie tendant à la condamnation des sociétés Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Lathuille frères et Cunsolo à réparer les désordres affectant les dortoirs de la crèche et les salles communes sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle dès lors que ces conclusions sont nouvelles en appel, la communauté de communes de la Tournette aux droits de laquelle vient le SIVOM de La Tournette n'ayant pas agi en première instance sur ce fondement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... ;
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
- et les observations de Me H... pour le SIVOM de la Tournette, de Me C... pour la société De Jong Architectes, de Me G... pour la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, de Me D... pour la société APC Etanch', de Me L... pour la société Lathuille Frères BTP et de Me K... pour la société LP Charpente.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes présentées par les sociétés BET Plantier et AGI Ingénierie d'une part et la société Qualiconsult, d'autre part sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. En 2003, la communauté de communes de la Tournette a engagé une opération d'extension de la crèche halte-garderie Les Epèles, située à Veyrier-du-Lac nécessitant des travaux sur le bâtiment de la crèche et la cour adjacente. Une mission complète de maitrise d'œuvre a été confiée à un groupement solidaire composé de la société De Jong Architectes, mandataire, de la société Agi Ingénierie (économiste), de la société Beter Cachat (BET fluides) et de la société BET Plantier (structures). Le contrôle technique a été confié à la société Qualiconsult. Le lot n° 4 " étanchéité " a été attribué à la société APC Etanch', le lot n° 5 " charpente " à la société LP Charpente et le lot n° 7 " cloisons isolation plafonds fixes " à la société IPM. La réception des travaux de ces lots a été prononcée, s'agissant du lot n° 4 le 25 juillet 2005 avec des réserves levées le 8 avril 2006, s'agissant du lot n° 5 le 3 aout 2005, avec des réserves levées le 12 décembre 2005 et, s'agissant du lot n° 7 le 25 juillet 2005 avec des réserves levées le 12 décembre 2015. Les 8 juin 2006 et 8 juin 2007, la communauté de communes de la Tournette et la commune de Veyrier-le-Lac ont confié à un groupement de maîtrise d'œuvre dont le mandataire était la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, les travaux d'aménagement de la cour (Ouest) de la crèche " Les Epèles " et des travaux d'aménagement de la place publique contigüe à la crèche. La société Lathuille Frères, chargée du lot n° 1 " génie civil " pour cette opération, était notamment chargée de la démolition et de la reconstruction des murets externes de la cour Ouest. Les travaux d'étanchéité ont été sous-traités à la société Cunsolo. A partir de l'année 2009, il a été constaté des infiltrations d'eau dans certains locaux de la crèche, puis l'apparition de traces de moisissures sur certaines cloisons et dans plusieurs pièces. Après la désignation d'un expert judiciaire et le dépôt de son rapport, la communauté de communes de la Tournette, aux droits de laquelle est venu le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la Tournette, a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation des constructeurs à l'indemniser des conséquences dommageables des désordres affectant les dortoirs et les salles communes donnant sur la cour Ouest de la crèche et les cloisons de la biberonnerie et des sanitaires des petits, sur le fondement de leur garantie décennale, ainsi que des désordres ayant affecté la rotonde située à l'entrée principale du bâtiment sur le fondement de leur responsabilité contractuelle. Les sociétés BET Plantier, AGI Ingénierie et Qualiconsult relèvent appel du jugement n° 1504353 du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble ayant retenu leur responsabilité décennale pour les désordres précités affectant l'intérieur de la crèche.
Sur l'étendue du litige en appel :
3. Le litige porté devant la cour par les appels principaux des sociétés BET Plantier, AGI Ingénierie et Qualiconsult est relatif la responsabilité décennale des constructeurs pour les désordres cités au point 2 ayant affecté le bâtiment de la crèche Les Epèles.
4. L'appel incident et l'appel provoqué du SIVOM portant sur l'indemnisation, sur le fondement de la responsabilité décennale, d'un préjudice lié à ses troubles de jouissance, non accordée par les premiers juges concerne le même litige que les appels principaux qui ont trait au principe de cette responsabilité. Il en va de même des appels incidents et provoqués de la société APC Etanch' et de la société De Jong, qui contestent la mise en jeu de leur responsabilité et subsidiairement, le partage de responsabilité et la quote-part qui leur a été imputée.
5. Les conclusions du SIVOM de la Tournette, enregistrées après l'expiration du délai d'appel, tendant à la condamnation, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, de certains constructeurs à l'indemniser des conséquences dommageables des infiltrations d'eau constatées au sein de la rotonde de l'entrée principale du bâtiment et en particulier du coût des travaux de pose d'une gouttière et les frais exposés de ce fait par le maître d'ouvrage soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet des appels principaux des sociétés BET Plantier, AGI Ingénierie et Qualiconsult et ne sont, par suite, pas recevables ainsi que le fait valoir la société De Jong Architectes.
Sur la responsabilité décennale des constructeurs :
6. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Par ailleurs, un constructeur dont la responsabilité est recherchée par un maître d'ouvrage n'est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur que si et dans la mesure où les condamnations qu'il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur.
En ce qui concerne les infiltrations d'eau affectant les dortoirs et les salles communes donnant sur la cour Ouest :
7. Il résulte de l'instruction que certaines salles du bâtiment ont été affectées par des infiltrations d'eaux pluviales en provenance de la cour Ouest. Ces infiltrations, à l'origine de l'humidité excessive constatée dans ces pièces, ont entraîné l'apparition de moisissures et de taches sur les murs, sur les cloisons et doublages et des placards. Le caractère décennal de ces désordres, rendant l'ouvrage impropre à sa destination, a été reconnu par le tribunal et n'est pas contesté en appel.
- S'agissant de la responsabilité des sociétés BET Plantier et AGI Ingénierie :
8. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.
9. Les sociétés BET Plantier et AGI Ingénierie étaient membres du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre pour réaliser l'extension de la crèche Les Epèles, en charge des missions ESQ, APS, APD, PRO, ACT, EXE, DET et AOR. Les désordres constatés sont en lien avec les missions de ce groupement de maîtrise d'œuvre, en particulier celle de conception du système d'évacuation des eaux pluviales. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une convention fixant la part de chaque membre de ce groupement pour l'exécution des travaux ait été conclue. Le tableau de répartition des honoraires entre les membres du groupement, annexé à l'acte d'engagement, qui prévoit au demeurant des honoraires pour chacun de ces membres au titre de plusieurs missions, dont la mission DET, ne saurait être assimilé à une telle convention. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu la responsabilité décennale de plein droit des sociétés BET Plantier et AGI Ingénierie.
- S'agissant de la responsabilité de la société De Jong Architectes :
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, les premiers juges ont pu retenir la responsabilité décennale de plein droit de la société De Jong Architectes en sa qualité de membre du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre dès lors que les désordres à indemniser se rattachent à son domaine d'intervention. Cette société ne saurait s'exonérer de cette responsabilité en invoquant son absence de faute et l'incidence des travaux réalisés sous la maîtrise d'œuvre du cabinet Montmasson dans la cour de la crèche et plus particulièrement les travaux des sociétés Lathuille et Cunsolo.
- S'agissant de la responsabilité de la société APC Etanch' :
11. Comme l'ont rappelé les premiers juges, dès lors que le fait d'un tiers n'est pas une cause exonératoire de la responsabilité décennale, la société APC Etanch', attributaire du lot n° 4 " étanchéité " ne peut s'exonérer de sa responsabilité décennale en invoquant les interventions de la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, en soutenant en particulier que les travaux modificatifs effectués sous sa maîtrise d'œuvre en 2007/2008 seraient à l'origine des infiltrations dans les dortoirs et locaux communs constatés dans l'aile Ouest de la crèche.
En ce qui concerne les fentes et fissures affectant les cloisons de la biberonnerie et des sanitaires :
12. Il résulte de l'instruction que les cloisons en brique de la biberonnerie et des sanitaires présentent des fentes et des fissures en plusieurs endroits, dont l'une est traversante sur une largeur de deux centimètres et que l'angle supérieur des cloisons est, par endroit, déformé. Le caractère décennal de ces désordres, rendant l'ouvrage impropre à sa destination, a été reconnu par le tribunal et n'est pas contesté en appel.
- S'agissant de la responsabilité décennale des sociétés BET Plantier, AGI Ingénierie et De Jong :
13. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 9 concernant les conditions d'interventions du groupement de maîtrise d'œuvre et leurs missions, les premiers juges ont à bon droit retenu la responsabilité décennale de plein droit des sociétés BET Plantier, AGI Ingénierie et De Jong en qualité de membres du groupement solidaire de maîtrise dès lors que les désordres se rattachent aux missions de ce groupement, en particulier celle de direction de l'exécution des travaux, alors que les cloisons en brique n'ont pas été mises en œuvre conformément aux règles de l'art et, s'agissant de leurs déformations, aux règles parasismiques.
- S'agissant de la responsabilité décennale de la société Qualiconsult chargée du contrôle technique :
14. La société Qualiconsult, qui se borne à faire valoir que les désordres sont dus à un défaut de mise en œuvre des cloisons par la société IPM non décelé par le groupement de maîtrise d'œuvre, n'apporte pas une contestation sérieuse à l'engagement de sa responsabilité décennale, qui a été retenue par les premiers juges au vu notamment des constatations et conclusions de l'expert, en raison du rattachement de ces désordres à sa mission de vérification des travaux d'agrandissement de la crèche, et donc au respect par les cloisons des normes parasismiques.
Sur la responsabilité quasi délictuelle des sociétés Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Lathuille Frères BTP et Cunsolo :
15. Les conclusions des sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie tendant à la condamnation des sociétés Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Lathuille frères Btp et Cunsolo à prendre en charge la réparation des désordres affectant les dortoirs de la crèche et les salles communes sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle sont nouvelles en appel et par suite irrecevables, la communauté de communes de la Tournette aux droits de laquelle vient le SIVOM de La Tournette n'ayant pas agi en première instance sur ce fondement.
Sur la condamnation solidaire :
16. Les constructeurs dont la responsabilité décennale a été retenue par les premiers juges ayant concouru à la réalisation du dommage, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu au profit du maître d'ouvrage une condamnation solidaire entre les membres du groupement de maîtrise d'œuvre et in solidum entre les membres de ce groupement et les autres constructeurs. Les sociétés BET Plantier, AGI Ingénierie et Qualiconsult ne sont donc pas fondées à contester une telle condamnation solidaire et solliciter à ce stade un partage de leurs obligations à réparation qui ne peut intervenir, le cas échéant, qu'à l'occasion de l'examen de leurs appels réciproques en garantie.
Sur le préjudice des troubles de jouissance :
17. Le SIVOM de la Tournette ne démontre pas, par les éléments qu'il invoque, que pas plus que la communauté de communes à laquelle il succède, il a subi un préjudice propre de jouissance qui serait en lien direct avec les infiltrations d'eau constatées dans les locaux, en particulier avoir dû directement exposer des dépenses de tous ordres en raison de l'interruption du service de la crèche pendant 15 jours en juillet 2015 en raison de la fermeture des locaux pour pouvoir réaliser les travaux de reprise des désordres. A ce point, l'expert a relevé que la crèche a pu normalement accueillir les enfants dès fin août 2013, après l'achèvement des travaux et la disparition de l'humidité, en soulignant à cette occasion l'efficacité des travaux et qu'à chaque visite ultérieure de contrôle sur les lieux, il a pu être constaté que les salles affectées par les désordres étaient désormais sèches. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté ce chef de préjudice.
Sur la réévaluation des indemnités en fonction du coût de la construction :
18. Si le SIVOM de la Tournette demande que les sommes qui lui sont dues soient réévaluées en fonction de la variation du coût de la construction, constaté depuis le dépôt du rapport d'expertise, il n'apporte aucune précision à l'appui de cette demande permettant d'en apprécier le bien-fondé. Cette demande doit donc être rejetée.
Sur les intérêts :
19. La société APC Etanch', en demandant le rejet de la demande du maître d'ouvrage au titre des intérêts à compter du dépôt de la requête au fond en faisant valoir qu'il n'est pas justifié par ce dernier d'une tentative de règlement amiable préalable à la saisine de la juridiction, n'apporte pas une contestation sérieuse au jugement, qui en application des articles 1153-1 et 1154 du code civil, a décidé que les indemnités versées au SIVOM de la Tournette porteront intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête et seront capitalisées à compter du 15 juillet 2016, puis à chaque échéance annuelle pour produire intérêts.
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne les appels en garantie formés par les sociétés Apc Etanch', Sarl Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil et De Jong Architectes :
20. En premier lieu, la solution donnée aux appels principaux n'aggravant pas la situation de la société APC Etanch' et en tout état de cause celle du Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, les appels en garantie formés par ces sociétés, par la voie de l'appel provoqué, sont irrecevables et doivent donc être rejetés. Il en va de même des appels en garantie formés par la voie de l'appel provoqué par la société De Jong Architectes contre les sociétés APC Etanch', LP Charpente, IPM, Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, Beter Cachat, Qualiconsult, Lathuille Frères et Cunsolo.
21. En second lieu, il y a lieu de rejeter l'appel en garantie formé par la voie de l'appel incident par la société De Jong Architectes contre les sociétés AGI Ingénierie et BET Plantier dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces sociétés aient commis une faute à l'origine directe des désordres ayant affecté la crèche Les Epèles.
En ce qui concerne les appels en garantie formés par les sociétés BET Plantier, AGI Ingénierie et Qualiconsult :
22. Comme le font valoir les sociétés Lathuille Frères BTP et Cunsolo, les conclusions d'appel en garantie formées à leur encontre par les sociétés BET Plantier et AGI Ingénierie sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.
S'agissant de la condamnation à hauteur de 152 730,64 euros au titre des désordres affectant les dortoirs et les salles communes donnant sur la cour Ouest :
23. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que ces désordres sont principalement dus à une faute de conception de la société De Jong Architectes, membre du groupement de maîtrise d'œuvre en charge des travaux d'extension de la crèche, qui a conçu, en remplacement d'un enrobé poreux, une chape en béton léger avec une pente de 1 %, non réalisable, pour conduire les eaux pluviales de la cour aux barbacanes implantées dans le muret externe et qui n'a pas préconisé un système efficace d'évacuation de ces eaux, notamment la création de regards complémentaires de décharge et d'un caniveau périphérique en pied de façade Ouest de la crèche, alors que son attention a été plusieurs fois attirée en cours d'exécution par la société Eurovia, qui a refusé cette chape en raison du défaut de hauteur disponible pour créer une pente efficace. En outre, la société APC Etanch', attributaire du lot étanchéité pour l'extension de la crèche, n'a pas attiré l'attention de la société De Jong Architectes sur les défauts de son analyse du traitement des eaux pluviales dans la cour Ouest et a accepté le principe d'une chape d'une pente de 1 % irréalisable du fait de la configuration des lieux. Enfin, la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, membre et mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre en charge des travaux d'aménagement de la cour Ouest de la crèche " Les Epèles " et des travaux d'aménagement de la place publique " Les Epèles " contigüe à la crèche, n'a pas vérifié la fonctionnalité de l'évacuation des eaux pluviales de la cour et surtout n'a pas prévu la réalisation de barbacanes de décharge dans le muret dont elle avait prescrit la démolition puis la reconstruction, malfaçon qui a favorisé l'accélération des infiltrations d'eau dans le bâtiment de la crèche.
24. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, eu égard aux fautes respectives commises par les sociétés De Jong Architectes, Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil et APC Etanch', de fixer la part de responsabilité de chacune de ces sociétés pour les conséquences dommageables des désordres affectant les dortoirs et les salles communes respectivement, à 60 %, 30 % et 10 %. Ainsi, les sociétés De Jong Architectes, Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil et APC Etanch' garantiront les sociétés BET Plantier et Agi Ingénierie respectivement à hauteur de 60 %, 30 % et 10 % de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre par l'article 1er du jugement contesté au titre de l'indemnisation des conséquences dommageables des désordres précités.
- S'agissant de la condamnation à hauteur de 52 675,22 euros au titre des désordres affectant les cloisons de la biberonnerie et des sanitaires :
25. Il résulte de l'instruction que ces désordres sont dus de manière prépondérante à une faute d'exécution de la société IPM, attributaire du lot " cloison isolation plafonds fixes ", qui a mis en place des cloisons en brique de ces locaux sans respecter les règles de l'art et notamment la règlementation parasismique, en zone d'aléas 4/5, relative aux éléments non structuraux. En outre, la société De Jong Architectes, chargée d'une mission de maîtrise d'œuvre complète, ne s'est pas assurée de la bonne exécution de la mise en place des cloisons en brique qu'elle a retenues dans son projet. Enfin, la société Qualiconsult, chargée d'assurer le respect des règles parasismiques, a commis une faute dans sa mission de contrôle du respect de ces règles par les entreprises.
26. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, eu égard aux fautes respectives commises par les sociétés IPM, De Jong Architectes, et Qualiconsult, de fixer la part de responsabilité de chacune de ces sociétés pour les conséquences dommageables des désordres affectant les cloisons de la biberonnerie et des sanitaires à respectivement 80 %, 10 % et 10 %. Ainsi, les sociétés IPM, De Jong Architectes et Qualiconsult garantiront les sociétés Bet Plantier et AGI Ingénierie respectivement à hauteur de 80 %, de 10 %, et 10 % de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre par l'article 4 du jugement contesté au titre de l'indemnisation des désordres précités. Les sociétés IPM et De Jong Architectes garantiront la société Qualiconsult respectivement à hauteur de 80 % et de 10 % de cette condamnation.
Sur les frais d'expertise :
27. Compte tenu de la part de responsabilité mise à sa charge au titre des désordres affectant les dortoirs et les salles communes, c'est, en tout état de cause, à juste titre que les premiers juges ont mis à la charge de la société APC Etanch' 10 % des frais d'expertise.
Sur les sommes accordées en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
28. En mettant à la charge de la société De Jong Architectes, de la société AGI Ingénierie, de la société Beter Cachat, de la société BET Plantier, de la société Qualiconsult, de la société IPM et de la société APC Etanch' la somme de 500 euros à verser, chacune, au SIVOM de la Tournette sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ces frais. Par suite, le SIVOM de la Tournette n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté doit être réformé en ce qu'il lui a alloué une somme totale de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
29. En outre, compte tenu de la part de responsabilité retenue à son encontre au titre des désordres affectant les dortoirs et les salles communes, c'est à juste titre que les premiers juges ont mis à la charge de la société APC Etanch' la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit du SIVOM.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées en appel :
30. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par les sociétés BET Plantier, AGI Ingénierie, Lathuille Frères BTP et Cunsolo.
31. Les conclusions présentées également à ce titre par les sociétés Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, APC Etanch', De Jong Architectes, Qualiconsult, et le SIVOM de la Tournette, parties perdantes, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La société De Jong Architectes est condamnée à garantir les sociétés Bet Plantier et Agi Ingénierie à hauteur de 60 % de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre par l'article 1er du jugement n° 1504353 du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble.
Article 2 : La société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil est condamnée à garantir les sociétés BET Plantier et AGI Ingénierie à hauteur de 30 % de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre par l'article 1er du jugement n° 1504353 du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : La société APC Etanch' est condamnée à garantir les sociétés BET Plantier et AGI Ingénierie à hauteur de 10 % de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre par l'article 1er du jugement n° 1504353 du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble.
Article 4 : La société IPM est condamnée à garantir les sociétés BET Plantier, AGI Ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 80 % de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre par l'article 4 du jugement n° 1504353 du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble.
Article 5 : La société De Jong Architectes est condamnée à garantir les sociétés BET Plantier, AGI Ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 10 % de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre par l'article 4 du jugement n° 1504353 du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble.
Article 6 : La société Qualiconsult est condamnée à garantir les sociétés BET Plantier et AGI Ingénierie à hauteur de 10 % de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre par l'article 4 du jugement n° 1504353 du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble.
Article 7 : Les sociétés IPM et De Jong Architectes sont condamnées à garantir la société Qualiconsult respectivement à hauteur de 80 % et de 10 % de la condamnation solidaire prononcée à son encontre par l'article 4 du jugement n° 1504353 du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble.
Article 8 : Le jugement n° 1504353 du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à la société BET Plantier, à la société AGI Ingénierie, à la société Qualiconsult, au SIVOM de la Tournette, à la société Cabinet Montmasson Ingénieurs Conseil, à la société APC Etanch, à la société De Jong Architectes, à la société IPM représentée par Me B..., liquidateur, à la société Lathuille BTP, à la société Cunsolo, à la société Beter Cachat et à la société LP Charpente.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, présidente-assesseure,
M. F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2021.
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N°s 19LY03428, 19LY03438