Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.
Par un jugement n° 1801129 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge de ces impositions et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais du litige.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 mai 2019 et le 8 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 février 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif ;
3°) de rétablir les impositions dégrevées en exécution de ce jugement, à concurrence de 5 466 euros en droits et de 615 euros de pénalités en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et de 2 131 euros en droits et 169 euros de pénalités en ce qui concerne les contributions sociales.
Il soutient que les charges afférentes à un immeuble ne sont déductibles que si elles se rapportent à une propriété productive de revenus fonciers ; à défaut de location effective, il appartient au propriétaire d'établir qu'il a effectué toutes les diligences pour la location de ce logement ; au cas d'espèce, cette preuve n'est pas apportée.
Par un mémoire, enregistré le 5 septembre 2019, et un mémoire non communiqué, enregistré le 10 juin 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Guigue, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que, ainsi que l'a jugé le tribunal, ils établissent que l'immeuble en cause est destiné à la location et n'est pas réservé à leur propre jouissance ; ils établissent également avoir effectué les diligences nécessaires à la mise en location des logements concernés ; leur vacance est indépendante de leur volonté.
Le 27 mai 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du défaut d'intérêt du ministre à faire appel en ce qui concerne les compléments de contributions sociales auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2013 à 2015 dès lors que dans le jugement attaqué du 12 février 2019, le tribunal administratif de Dijon ne prononce pas la décharge de ces compléments de contributions sociales.
Une réponse à ce moyen d'ordre public présentée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance a été enregistrée le 1er juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un contrôle sur pièces, M.et Mme A..., qui sont associés, à hauteur de respectivement 90 et 10 % des parts, de la SCI Les Toits de Bourgogne, société imposable selon le régime des société de personnes de l'article 8 du code général des impôts ayant pour activité la location de biens à usage d'habitation principale, ont été assujettis, en leur qualité d'associés, à des compléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers au titre des années 2013, 2014 et 2015 résultant de la réintégration dans les résultats des années 2013, 2014 et 2015 de cette société des charges de propriété d'une villa T4 de 100 m² et de quatre appartements de type 1, 2, 3 et 4 qu'elle possédait au Creusot (Saône-et-Loire). Ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu établies au titre de ces trois années selon la procédure contradictoire, de même que les contributions sociales corrélativement mises à leur charge, ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 10 % de l'article 1758 A du code général des impôts. Par l'article 1er de son jugement du 12 février 2019, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande de décharge de M. et Mme A... en ce qui concerne les suppléments d'impôt sur le revenu. Le ministre de l'action et des comptes publics, qui relève appel de ce jugement, conclut à l'annulation de son article 1er et au rétablissement des compléments d'impôt sur le revenu, des contributions sociales et des majorations correspondantes.
Sur l'impôt sur le revenu :
2. Aux termes de l'article 14 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties, telles que maisons et usines (...) ". Aux termes du II de l'article 15 de ce code : " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". L'article 28 du même code prévoit que " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété " dont la liste est fixée à l'article 31.
3. Il résulte de ces dispositions que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu. Il appartient dès lors au propriétaire qui entend, pour déduire les charges afférentes à un logement resté vacant, se prévaloir de ce qu'il a entendu le louer et non s'en réserver la jouissance, apporter la preuve des diligences qu'il a accomplies pour la location de ce logement.
4. Pour prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015, le tribunal administratif de Dijon a estimé que les intéressés apportaient la preuve des diligences accomplies pour la location de ces logements par la production, d'une part, d'annonces immobilières régulièrement publiées au cours des années en litige, d'autre part, d'une attestation d'un huissier de justice et d'un article de presse locale selon lesquels les loyers proposés étaient équivalents aux loyers de logements sociaux comparables et conformes au prix du marché dans la ville du Creusot et enfin, d'une attestation d'un professionnel selon laquelle les biens en cause étaient dotés d'un bon niveau de confort thermique.
5. Il résulte cependant de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 12 août 2016, adressée à M. A... en sa qualité de gérant de la SCI Les Toits de Bourgogne, que cette société n'a tiré aucun revenu foncier de l'exploitation des cinq logements en cause depuis l'année 2009 et plus particulièrement au cours de la période vérifiée. Si M. et Mme A... font valoir que la vacance de la villa et des quatre appartements serait imputable à l'impossibilité de trouver des locataires, compte tenu d'un excédent d'offres sur le marché immobilier locatif de la commune, il résulte des pièces produites par les intéressés eux-mêmes que la SCI s'est bornée à publier des offres sur des sites Internet d'annonces de particuliers et n'a pas pris les dispositions nécessaires à la conclusion de contrats de location, notamment en adaptant pour les années en litige, à supposer même qu'ils étaient conformes à la moyenne des loyers pratiqués au Creusot, le niveau des loyers auxquels elle les mettait en location sur le marché ou en procédant à des travaux d'amélioration. Par suite, M. et Mme A... n'apportent pas la preuve qui leur incombe des diligences qu'ils ont accomplies pour louer l'immeuble. A cet égard, la circonstance, qu'en application de l'article 1389 du code général des impôts, l'administration a accordé à la SCI, en 2007, 2008 et 2013, le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur les motifs énoncés au point 4 du présent arrêt pour prononcer la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu.
7. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A... devant le tribunal à l'encontre des compléments d'impôt sur le revenu.
8. En premier lieu, l'article 8 du code général des impôts dispose que " les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". L'article L. 53 du livre des procédures fiscales dispose quant à lui que : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même ". Enfin, aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en ce qui concerne les sociétés régies par l'article 8 du code général des impôts, dont les bénéfices sont imposables entre les mains de leurs membres, la procédure contradictoire de redressement de l'imposition doit être suivie entre la société et l'administration fiscale et non entre cette dernière et chacun des membres de la société. En revanche, l'administration ne peut légalement mettre de suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir notifié, dans les conditions prévues à l'article L. 57 précité, les corrections apportées aux déclarations qu'ils ont eux-mêmes souscrites, en motivant cette notification au moins par une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux de la société et par l'indication de la quote-part de ces bénéfices à raison de laquelle les intéressés seront imposés.
9. D'une part, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 20 avril 2017 adressée à M. et Mme A... précise qu'elle est consécutive à la procédure de rectification engagée à l'encontre de la SCI Les Toits de Bourgogne. Elle indique la part du capital de cette société détenue par les intéressés, fait référence à la proposition de rectification adressée à cette société et indique, pour chacune des années 2013, 2014 et 2015, le montant des rehaussements apportés aux résultats de cette société, précise que ceux-ci se rapportent à des charges non déductibles du fait de l'absence de recettes foncières, ainsi que la catégorie d'imposition et le montant des rehaussements imposables entre les mains de M. et Mme A.... D'autre part, la proposition de rectification du 12 août 2016 adressée à la SCI Les Toits de Bourgogne précise qu'en vertu de l'article 14 du code général des impôts, les revenus fonciers sont constitués par la location d'immeubles et qu'en l'absence de location du bien détenu par la SCI, les charges afférentes à ce bien ne peuvent être déduits de ces résultats au titre des années 2013, 2014 et 2015. Elle précise par ailleurs le montant des rehaussements concernés. Il en résulte que les informations contenues dans les propositions de rectification des 12 août 2016 et 20 avril 2017 étaient suffisantes pour permettre aux époux A... de comprendre les motifs des rehaussements et de formuler ensuite, comme ils l'ont d'ailleurs fait, des observations. Le moyen tiré du défaut de motivation de ces propositions de rectifications doit donc être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) ". Il résulte de ces dispositions, combinées à celles des articles 8 du code général des impôts et L. 53 du livre des procédures fiscales citées au point 8 du présent arrêt, que la notification régulière, à une société de personnes imposable conformément à l'article 8 du code général des impôts, de redressements apportés à ses résultats déclarés interrompt nécessairement la prescription à l'égard des associés de la société redressée.
11. Il résulte de l'instruction que l'administration a adressée, le 12 août 2016, une proposition de rectification à la SCI Les Toits de Bourgogne, qui relève de l'article 8 de la code général des impôts. Il s'ensuit que cette proposition de rectification, qui est suffisamment motivée ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, et à laquelle il a d'ailleurs été répondu le 28 octobre 2016, a interrompu la prescription à l'égard de M. et Mme A... s'agissant des redressements opérés au titre de l'année 2013 et ce, même s'ils n'ont été personnellement destinataires d'une proposition de rectification que le 20 avril 2017. Le moyen tiré de l'expiration du droit de reprise de l'administration pour le revenu de l'année 2013 doit donc être écarté.
12. En dernier lieu, M. et Mme A... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1389 du code général des impôts relatives au dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties en cas de vacance d'un logement normalement destinée à la location. Par ailleurs, si l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations. Par suite, M. et Mme A... ne sont fondés à se prévaloir du paragraphe 90 de la doctrine administrative référencée BOI-IF-TFB-50-20-30, au demeurant dans sa version postérieure aux années d'imposition en litige, dès lors qu'elle porte sur la taxe foncière sur les propriétés bâties et non sur les revenus fonciers.
Sur les contributions sociales :
13. L'intérêt à faire appel s'apprécie par rapport au dispositif de la décision juridictionnelle critiquée. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1 ci-dessus, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon, qui s'est estimé saisi d'une demande de M. et Mme A... tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015, a accordé aux intéressés la décharge de ces impositions sans se prononcer sur les contributions sociales mises à leur charge au titre de ces mêmes années. La circonstance que l'administration fiscale a, à la suite de ce jugement, prononcé le dégrèvement des contributions sociales et des pénalités correspondantes, ne confère au ministre aucun intérêt à contester cette partie du jugement qui ne lui était pas défavorable sur ce point. Par suite, les conclusions du ministre tendant au rétablissement de M. et Mme A... au rôle supplémentaire des contributions sociales au titre des années 2013 à 2015 et des majorations correspondantes sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
14. Il résulte de tout de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.
Sur les frais liés au litige :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 février 2019 est annulé.
Article 2 : M. et Mme A... sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015 à raison des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui leur ont été assignées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de 1' économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.
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N° 19LY02020
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