Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le centre hospitalier universitaire de Grenoble a demandé au tribunal administratif de Paris, lequel a transmis cette demande au tribunal administratif de Grenoble, d'annuler l'état exécutoire du 11 mai 2016 qui a été émis à son encontre par le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) pour un montant de 914 880 euros, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1605872 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le titre exécutoire du 11 mai 2016, d'une part en ce que cette créance se fonde sur des unités manquantes excédant 25, et d'autre part, en tant qu'il ne tient pas compte d'unités déductibles à hauteur d'un montant de 92 418,61 euros, ensemble la décision implicite de rejet opposée au recours gracieux du centre hospitalier.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mai 2019 et 4 février 2021, le FIPHFP, représenté par Me Boussier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mars 2019 en ce qu'il le condamne à comptabiliser 56 bénéficiaires de l'obligation d'emploi supplémentaires ;
2°) d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Grenoble de transmettre les documents justifiant de la qualité de bénéficiaires de l'obligation d'emploi des 56 agents déclarés pour lesquels aucun justificatif n'a été transmis ;
3°) de renvoyer le centre hospitalier universitaire de Grenoble devant le FIPHFP pour le calcul du montant de la contribution due au titre de la déclaration 2015 afférente à l'année 2014 ;
4°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie de son intérêt pour agir contre le jugement dont le dispositif lui fait grief ;
- la requête d'appel est motivée ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a décidé d'intégrer 56 bénéficiaires de l'obligation d'emploi supplémentaires dans le cadre du contrôle opéré, et contrairement aux dispositions prévues à l'article 7 du décret n° 2005-501 du 3 mai 2006 relatif au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le centre hospitalier universitaire de Grenoble n'a pas transmis l'ensemble des justificatifs demandés et n'a en particulier pas apporté d'éléments d'information relatifs à l'identité et à la situation de handicap de 56 des 431 agents initialement déclarés comme bénéficiaires de l'obligation d'emploi pour la contribution 2015 afférente à l'année 2014 ; en l'absence de justificatifs, les 56 agents restants étaient rejetés d'office ; c'est uniquement sur l'étude des justificatifs envoyés que porte le compte-rendu du contrôle ; le tableau récapitulatif annexé au compte-rendu du contrôle avant l'émission du titre exécutoire précise ainsi que 212 agents ont été retenus comme bénéficiaires de l'obligation d'emploi, ce qui implique que 219 agents dont les 56 en litige sur les 431 déclarés par n'ont pas été retenus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2021, le centre hospitalier universitaire de Grenoble, représenté par la SELARL LLC et Associés, agissant par Me Bracq, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du FIPHFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le dispositif du jugement n'intègre pas d'office les 56 bénéficiaires de l'obligation d'emploi supplémentaires et renvoie le centre hospitalier universitaire de Grenoble devant le FIPHFP pour fixer le montant de la décharge ; il ne fait pas grief au requérant, de sorte que la requête d'appel est irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir ;
- le FIPHFP lui a notifié un avis de somme à payer le 4 octobre 2019 devenu définitif ; le contentieux a donc perdu son objet ;
- la requête d'appel est irrecevable faute de comporter une critique du jugement ;
- subsidiairement, le moyen soulevé est infondé.
Par ordonnance du 5 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 2006-501 du 3 mai 2006 relatif au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- les observations de Me Lorin, pour le FIPHFP ainsi que celles de Me Berlottier-Merle, pour le centre hospitalier universitaire de Grenoble ;
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de sa déclaration afférente à l'année 2014, le centre hospitalier universitaire de Grenoble a déclaré employer, au 1er janvier 2014, un effectif de 431 agents au titre de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés. A la suite du contrôle de cette déclaration, le directeur du FIPHFP a émis le 11 mai 2016 un titre exécutoire pour le recouvrement d'une contribution d'un montant de 914 880 euros, correspondant à la différence entre l'obligation d'emploi de 372 agents à laquelle était tenu le centre hospitalier universitaire de Grenoble eu égard au total de ses effectifs et les 212 agents que le FIPHFP a expressément accepté de prendre en compte, soit 160 unités manquantes. En cours d'instance devant le tribunal, le FIPHFP a accepté de prendre en compte, d'une part, 79 agents supplémentaires, limitant l'étendue de sa créance à une somme correspondant à 81 unités manquantes, d'autre part, des unités déductibles, sur le fondement du 3ème alinéa du IV de l'article L. 323-8-6-1 du code du travail, à hauteur de 92 418,61 euros. Par un jugement n° 1605872 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble, a annulé partiellement le titre exécutoire en litige, en tant, d'une part, qu'il fonde la créance du FIPHFP sur des unités manquantes excédant 25, d'autre part, qu'il ne tient pas compte d'unités déductibles à hauteur d'un montant de 92 418,61 euros. Le FIPHFP relève appel de ce jugement en ce qu'il le condamne à comptabiliser 56 bénéficiaires de l'obligation d'emploi supplémentaires.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation, prend une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d'annulation, cette décision ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Il peut toutefois en aller différemment lorsque l'autorité administrative a excédé ce qui était nécessaire à l'exécution du jugement attaqué.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'en exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mars 2019, qui a renvoyé le centre hospitalier universitaire de Grenoble devant le FIPHFP pour détermination du montant de la décharge, le FIPHFP lui a notifié un avis de somme à payer le 4 octobre 2019, qu'il n'a pas contesté. L'intervention de cette mesure, qui n'a pas excédé ce qui était nécessaire à l'exécution du jugement attaqué, ne prive pas d'objet les conclusions du FIPHFP dirigées contre ce jugement attaqué. L'exception de non-lieu à statuer opposée par le centre hospitalier universitaire de Grenoble à la requête du FIPHFP doit, dès lors, être écartée.
Sur la recevabilité de de la requête d'appel :
4. En premier lieu, le centre hospitalier universitaire de Grenoble soutient que le FIPHFP ne justifie pas de son intérêt pour agir en relevant appel du jugement attaqué dont le dispositif n'intègre pas les 56 bénéficiaires de l'obligation d'emploi supplémentaires et le renvoie devant le FIPHFP pour fixer le montant de la décharge.
5. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 1 que le FIPHFP a limité en cours d'instance devant le tribunal l'étendue de sa créance à une somme correspondant à 81 unités manquantes. Le jugement attaqué, qui par l'article 1er de son dispositif, annule le titre exécutoire en tant qu'il fonde la créance du FIPHFP sur des unités manquantes excédant 25, accepte nécessairement de prendre en compte 56 agents supplémentaires et fait ainsi grief au FIPHFP.
6. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ".
7. La requête du FIPHFP, défendeur de première instance, soulève des moyens d'appel et comporte une critique du jugement attaqué contrairement à ce que soutient le centre hospitalier universitaire de Grenoble. Elle satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 411-1 précité.
Sur le bien-fondé du jugement :
8. En vertu du 4° de l'article 26 du décret n° 2005-501 susvisé, la Caisse des dépôts et consignations, dénommée " le gestionnaire administratif ", est investie d'une mission de contrôle des déclarations qui l'autorise, aux termes du dernier alinéa de l'article 7 de ce décret, à demander à l'employeur tous les éléments justificatifs permettant de vérifier sa déclaration.
9. En application de ces dispositions, la caisse des dépôts et consignations a procédé à un contrôle de la déclaration du centre hospitalier universitaire de Grenoble du 24 avril 2015 portant sur l'année 2014. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'elle a sollicité, par une demande du 6 octobre 2015 réitérée le 15 décembre suivant, la production des éléments justificatifs permettant de vérifier sa déclaration. Par un courrier du 15 avril 2016, le FIPHFP a informé le centre hospitalier universitaire de Grenoble que les documents fournis ne pouvaient tous être retenus comme probants, en précisant dans un tableau figurant en annexe les éléments qui n'ont pas été retenus.
10. Pour annuler le titre exécutoire en ce qu'il fonde la créance du FIPHFP sur des unités manquantes excédant 25, le tribunal administratif a relevé que le détail de la liste énonçant les motifs de refus ne cite que 163 noms, de sorte que 56 agents ont été exclus sans motif, dès lors qu'il ne résultait de l'instruction aucun recoupement entre les 79 agents finalement acceptés par le FIPHFP et les 56 agents implicitement refusés antérieurement à l'émission du titre exécutoire contesté.
11. Il ressort toutefois de ce qui a été dit au point 9 que le tableau annexé au courrier du 15 avril 2016 portait seulement sur les motifs de rejet des justificatifs produits par le centre hospitalier universitaire de Grenoble. Le FIPHFP fait valoir, sans être contesté, qu'aucun élément d'information relatif à l'identité et à la situation de handicap de ces 56 agents n'a été apporté par le centre hospitalier universitaire de Grenoble. Ce dernier a d'ailleurs été informé par un autre tableau annexé au même courrier du 15 avril 2016 des conséquences financières du contrôle, précisant le nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi supplémentaires déclaré de 431, leur nombre rectifié de 212, soit 160 unités manquantes.
12. Il résulte de ce qui précède que le FIPHFP est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le titre exécutoire du 11 mai 2016 en ce que sa créance se fonde sur des unités manquantes excédant 25.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution, mais seulement de renvoyer le centre hospitalier universitaire de Grenoble devant le FIPHFP pour détermination du montant de la contribution afférente à l'année 2014. Les conclusions à fin d'injonction présentées par le FIPHFP doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le centre hospitalier universitaire de Grenoble demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge du FIPHP, qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le FIPHP.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mars 2019 est annulé en tant qu'il annule le titre exécutoire du 11 mai 2016 en ce que la créance du FIPHP se fonde sur des unités manquantes excédant 25.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mars 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Grenoble est renvoyé devant le FIPHFP pour détermination du montant de la contribution afférente à l'année 2014 au FIPHFP.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Grenoble et au fonds pour l'insertion des personnes handicapées de la fonction publique.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2021.
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N° 19LY01876