Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 4 avril 2017, par laquelle la préfète de l'Allier a prononcé sa déchéance des aides à l'installation de jeune agriculteur et du refus implicite d'annuler cette décision née du silence gardé par le ministre de l'agriculture et de la forêt sur son recours gracieux.
Par jugement n° 1800568 lu le 16 mai 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 17 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me Dufour, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand lu le 16 mai 2019 ;
2°) d'annuler la décision de la préfète de l'Allier du 4 avril 2017 et la décision implicite du 9 août 2017 du ministre de l'agriculture et de la forêt ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à la date de la décision de déchéance, les créances étaient prescrites, dès lors que le contrôle devait intervenir au plus tard à l'issue du plan de développement de l'exploitation de cinq ans, en application de la circulaire DGFAR/SDEA/C2007-5007 du 13 février 2007 prise pour l'application des règlements CE n° 1698/2005 et 1974/2006 du 15 décembre 2006 et non en 2017 dix ans après son installation le 8 septembre 2007 sans qu'aucun acte interruptif de prescription au sens des articles 2240 et suivants du code civil soit intervenu ;
- la vente de croquettes pour chiens et l'activité de dressage constituaient des activités dans le prolongement de son activité agricole, l'ensemble lui procurant plus de 50 % de son revenu professionnel global ; elle remplissait ainsi la condition fixée pour l'octroi des aides.
Par un mémoire enregistré le 29 avril 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la déchéance en litige est fondée sur l'article R. 343-5 du code rural et de la pêche maritime et le non-respect par Mme A... de l'engagement de dix ans que prévoient ses dispositions ;
- il est établi que Mme A... n'a pas respecté la condition de tirer au moins 50 % de son revenu professionnel de l'activité agricole, la vente de croquettes et l'activité de dressage relevant d'une activité commerciale et non agricole.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;
- le règlement (CE) n° 1698/2005 du 20 septembre 2005 ;
- le règlement (CE) n° 1974/2006 du 15 décembre 2006 ;
- le code civil ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Tachon, pour Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 6 septembre 2007, ainsi qu'il ressort du certificat de conformité du 15 janvier 2008, Mme A... a débuté une activité d'élevage canin à Courçais. Par un arrêté de la préfète de l'Allier en date du 2 juillet 2007, au titre de cette installation en qualité de jeune agriculteur, elle a reçu une dotation de 16 350 euros et six autorisations de financement de 77 500 euros de prêts bonifiés. Le 4 avril 2017, la préfète de l'Allier a prononcé la déchéance de ces aides au vu d'un contrôle de l'exploitation par la direction départementale des territoires dont l'administration a tiré que les engagements souscrits par l'intéressée pour leur obtention n'avaient pas été respectés. Le ministre de l'agriculture et de la forêt a gardé le silence sur le recours administratif de Mme A... contre cette décision. Mme A... fait appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 avril 2017 et du rejet implicite de son recours administratif.
2. Aux termes de l'article R. 343-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa version alors en vigueur à la date de la signature de son engagement par l'intéressée : " En vue de faciliter leur première installation, il peut être accordé aux jeunes agriculteurs qui satisfont aux conditions fixées par la présente section les aides suivantes : 1° Une dotation d'installation en capital ; 2° Des prêts à moyen terme spéciaux. " Aux termes de l'article R. 343-5 du même code dans sa version alors en vigueur : " Le jeune agriculteur, candidat aux aides mentionnées à l'article R. 343-3, doit en outre : (...) 5° S'engager à exercer dans un délai d'un an et pendant cinq ans la profession d'agriculteur en qualité de chef d'exploitation sur un fonds répondant aux conditions fixées par la présente section en retirant au moins 50 % de son revenu professionnel global d'activités agricoles au sens de l'article L. 311-1. Le bénéficiaire des aides s'engage à mettre en valeur personnellement son exploitation et à participer effectivement aux travaux pendant cinq ans ; (...) 8° S'il bénéficie d'un prêt à moyen terme spécial, s'engager à conserver le bien faisant l'objet du prêt pour un usage identique pendant au moins cinq ans. " Enfin, aux termes de l'article R. 343-18-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa version alors en vigueur : " Sauf dans le cas où la situation du bénéficiaire des aides résulte d'un cas de force majeure au sens de l'article 39 du règlement (CE) n° 817-2004 du 29 avril 2004, le préfet peut prononcer la déchéance totale des aides lorsque le bénéficiaire (...) -cesse d'exercer la profession d'agriculteur dans les cinq premières années qui suivent son installation en violation de l'engagement prévu au 5° de l'article R. 343-5 ; (...) Dans ce cas, le bénéficiaire est tenu de rembourser la somme correspondant à la dotation et aux bonifications d'intérêt au titre des prêts à moyen terme spéciaux, assortie des intérêts au taux légal en vigueur. Il cesse de bénéficier de la bonification d'intérêt sur la durée du prêt restant à courir. "
3. Il ressort de la motivation de la décision en litige que, pour prononcer la déchéance des droits de Mme A... aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs, la préfète de l'Allier a tiré des conditions d'exercice de sa profession par l'intéressée qu'elle n'en avait pas retiré le minimum de 50 % de son revenu professionnel global durant la première, la troisième et la quatrième année sur les cinq ans de son engagement. Il suit de là que la préfète a entendu faire application exclusivement des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime, d'ailleurs visées dans l'arrêté du 4 avril 2017, à l'issue d'un contrôle sur les années d'exercice en cause de la qualité de jeune agriculteur invoquée par Mme A... à l'appui de sa demande d'aides en cette qualité.
4. Il en résulte, en premier lieu, que Mme A... ne peut utilement, à l'appui de ses conclusions, invoquer une prescription tirée du délai fixé par le paragraphe 3 de l'article 13 du règlement (CE) n° 1974/2006 du 15 décembre 2006 susvisé pour le contrôle par l'autorité compétente de l'État membre du respect du plan de développement quinquennal, ce motif n'étant pas celui, ainsi qu'il vient d'être dit, sur lequel repose l'arrêté en litige.
5. En deuxième lieu, si, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le contrôle, qui porte sur les cinq premières années suivant l'installation du jeune agriculteur, prévu à l'article R. 343-18 du code rural et de la pêche maritime ne saurait intervenir avant le terme de cette période, aucune disposition législative ou réglementaire, sans que Mme A... puisse utilement invoquer la circulaire ministérielle DGPAAT/C2013-3019 du 14 février 2013 en tout état de cause dépourvue de caractère réglementaire, ne fixant un délai au-delà duquel l'administration ne pourrait plus effectuer de contrôle sur la qualité, pendant cette période, de jeune agriculteur du bénéficiaire des aides versées à l'installation. L'administration pouvait dès lors, ainsi qu'elle y a procédé en 2017, postérieurement au 15 janvier 2014, date du cinquième anniversaire du certificat de conformité, contrôler le respect par l'intéressée des engagements que celle-ci avait souscrits à compter de son installation effective le 6 septembre 2007 par sa demande d'aides à l'installation déposée le 17 avril 2007. Ainsi, et en tout état de cause, le caractère continu de l'irrégularité constatée à la date du contrôle fait obstacle, aux termes de l'article 2224 du code civil, à la prescription, que prévoit ce texte, de l'action de l'administration qui a dans ces conditions eu connaissance des faits à ladite date.
6. Il est constant que, pour les cinq années suivant son installation, période sur laquelle a porté le contrôle effectué en 2017, Mme A... s'était engagée notamment, en vertu des dispositions de l'article R. 343-5 du code rural et de la pêche maritime applicables à la date du dépôt de sa demande comportant son engagement, à retirer au moins 50 % de son revenu professionnel global de ses activités agricoles, pour lui conférer la qualité de jeune agricultrice.
7. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a révélé le contrôle sur pièces effectué en 2017, que Mme A... a adjoint à son activité agricole d'élevage de canidés la vente de croquettes pour chiens et une activité d'éducation et dressage qui lui ont assuré, pour les première, troisième et quatrième années de son exercice professionnel, un revenu supérieur à 50 % de son revenu professionnel global.
8. Aux termes de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation (...) ".
9. La revente par Mme A... de croquettes pour chiens, qui ne sont pas un produit de son exploitation agricole, constitue une activité commerciale qui, si elle bénéficie de l'environnement de l'élevage pour sa promotion et sa facilitation, n'est pas dans le prolongement de cette activité agricole. L'éducation et le dressage de chiens pour des tiers, qui ne contribue pas au cycle de production de l'élevage, constitue une prestation de services et ainsi une activité annexe, qui, si elle est favorisée par la présence de l'élevage, n'a pas par cette seule circonstance ce dernier pour support. C'est dès lors sans erreur manifeste dans l'appréciation de l'activité de Mme A... que le préfet a pu considérer que celle-ci ne retirait pas de son activité agricole, pour les années en cause, un minimum de 50 % de son revenu professionnel global et, par suite, ne justifiait pas respecter l'engagement qu'elle avait souscrit en qualité de jeune agriculteur pour obtenir les aides à l'installation.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête doit être rejetée, dont les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
N° 19LY02764 5