Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 30 janvier 2018 en ce qu'il ne lui accorde qu'une autorisation d'exploiter une surface de 18 hectares, 48 ares et 74 centiares, d'autre part, l'arrêté du même préfet du 27 avril 2018 rejetant son recours gracieux et modifiant et remplaçant l'arrêté du 30 janvier 2018, pour ne lui accorder que l'autorisation d'exploiter une superficie de 9 hectares, 17 ares et 12 centiares.
Par un jugement n° 1801088 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 27 avril 2018, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juillet 2019 et 19 mars 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 mai 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le jugement attaqué retient que le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de la région Auvergne du 23 décembre 2015 n'était pas applicable au recours gracieux de l'intéressé, en raison de l'entrée en vigueur de l'arrêté du 27 mars 2018 portant schéma directeur régional des structures agricoles de la région Auvergne-Rhône-Alpes, alors que s'agissant du retrait d'un acte créateur de droits, l'autorité administrative devait statuer en tenant compte des circonstances de fait et de droit applicables à la date de la décision initiale ;
- les moyens de M. C... sont infondés.
Par des mémoires, enregistrés les 22 février 2021 et 8 avril 2021, M. C..., représenté par Me Delahaye, conclut au rejet de la requête et demande dans le dernier état de ses écritures qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Auvergne a été abrogé par l'arrêté du 27 mars 2018 ; le recours gracieux qu'il a formé contre le premier arrêté ne portait que sur le refus d'autorisation partielle qui lui avait été accordé ; l'arrêté du 27 avril 2018 ne peut être regardé comme procédant au retrait d'une décision créatrice de droits ;
- l'arrêté du 27 avril 2018 est entaché d'une erreur de droit, dès lors que, son recours gracieux ne portant que sur une seule et unique parcelle cadastrée section AN n° 6, d'une superficie de 10 hectares, 45 ares, le préfet ne pouvait remettre en cause l'autorisation partielle qui lui avait été accordée pour une surface de 18 hectares, 48 ares et 74 centiares et la réduire à 9 hectares 17 ares et 12 centiares ; il n'est pas justifié du recours gracieux de M. E... ;
- en se fondant sur le seul relevé cadastral d'exploitation établi par la mutualité sociale agricole et produit par M. E..., sans prendre en compte la superficie effectivement mise en valeur par ce dernier pour lui attribuer un rang préférentiel et sans produire dans l'instance aucun document pour en justifier, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a entaché ses arrêtés des 30 janvier 2018 et 27 avril 2018 d'erreurs de droit ;
- les arrêtés en litige sont privés de base légale par suite de l'illégalité du SDREA du 23 décembre 2015 : ce dernier est illégal en ce qu'il crée un type d'opération " restructuration " non prévu par les dispositions de l'arrêté ministériel du 20 juillet 2015 et en ce qu'il regroupe dans la catégorie " consolidation ", dans laquelle sa demande a été classée, deux catégories d'opérations envisagées distinctement par la loi ; le SDREA définit un ordre de priorité au regard du seul critère relatif à la dimension économique et viabilité des exploitations agricoles, sans appliquer les huit critères prévus par l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime.
Par ordonnance du 19 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 avril 2021.
Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a produit une pièce, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles ;
- l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 20 juillet 2015 fixant le modèle d'arrêté préfectoral portant schéma directeur régional des exploitations agricole ;
- l'arrêté n° 2015-178 du préfet de la région Auvergne du 23 décembre 2015 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles pour la région Auvergne ;
- l'arrêté n° 18-091 préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 27 mars 2018 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Auvergne-Rhône-Alpes ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 27 avril 2018, modifiant et remplaçant son précédent arrêté du 30 janvier 2018 accordant à M. C... une autorisation d'exploiter une surface de 18 hectares, 48 ares et 74 centiares, pour lui substituer une autorisation d'exploiter une superficie moindre de 9 hectares, 17 ares et 12 centiares.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par une demande enregistrée le 5 octobre 2017, M. C..., exploitant agricole, a sollicité une autorisation d'exploiter portant sur une superficie complémentaire de 36 hectares 95 ares et 95 centiares sur le territoire de la commune de Montfermy, dans le cadre d'un projet d'agrandissement de son exploitation agricole. M. E..., M. D... et M. A... ont également respectivement sollicité les 3, 6 et 17 octobre 2017, une autorisation d'exploiter en concurrence avec celle de M. C.... Après avoir consulté la commission départementale d'orientation de l'agriculture, réunie le 23 janvier 2018, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, par un arrêté du 30 janvier 2018, a refusé à M. C... l'autorisation d'exploiter pour un total de 18 hectares, 47 ares et 21 centiares au regard des demandes de ses concurrents relevant d'un rang de priorité supérieur et lui a accordé, en l'absence de demande d'autorisation d'exploiter concurrente, une autorisation d'exploiter pour un total de 18 hectares, 48 ares et 74 centiares. Saisi du recours gracieux formé le 26 mars 2018 par M. C... à l'encontre de cet arrêté, le préfet a substitué à son précédent arrêté une autorisation d'exploiter une superficie moindre, de 9 hectares, 17 ares et 12 centiares.
3. Comme le fait valoir M. C..., le recours gracieux qu'il a formé contre le premier arrêté ne portait que sur le refus, et non l'autorisation partielle qui lui avait été accordée. L'arrêté attaqué doit ainsi être regardé comme le retrait d'une décision créatrice de droits intervenu à l'initiative de l'administration, comme l'y autorisent les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, lorsque ce retrait " intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Un tel retrait est subordonné, en vertu des mêmes dispositions, à l'illégalité de la décision, qui doit s'apprécier à la date à laquelle elle a été prise. Il en résulte que, comme le soutient le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, il appartenait au préfet de faire application la législation en vigueur à la date de la décision initiale. Dans ces conditions, c'est à tort que pour annuler l'arrêté du 27 avril 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a considéré que le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de la région Auvergne du 23 décembre 2015 n'était pas applicable en raison de l'entrée en vigueur de l'arrêté du 27 mars 2018 portant schéma directeur régional des structures agricoles de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
4. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C..., tant devant le tribunal administratif que devant elle.
Sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2018 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cet arrêté :
5. En vertu du 1° de l'article L. 331-3-1 5 du code rural et de la pêche maritime un refus d'autorisation d'exploiter peut être opposé " lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ".
6. Pour retirer son arrêté du 30 janvier 2018 et lui substituer, par l'arrêté du 27 avril 2018, une mesure moins favorable à M. C..., ne lui accordant qu'une autorisation d'exploiter une surface de 9 hectares, 17 ares et 12 centiares, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, après avoir constaté le renoncement de M. A... à l'exploitation de la parcelle cadastrée section AN n° 6, a considéré que la situation de M. C... n'est pas prioritaire au regard du SDREAL de la région Auvergne pour les parcelles en concurrence avec MM. D... et E....
7. Pour contester cet arrêté, M. C... a excipé de l'illégalité de ce schéma.
8. Aux termes de l'article L. 321-1 du code rural et de la pêche maritime : " I.-Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe les conditions de mise en œuvre du chapitre Ier du titre III du présent livre. Il détermine, pour répondre à l'ensemble des objectifs mentionnés à l'article L. 331-1, les orientations de la politique régionale d'adaptation des structures d'exploitations agricoles, en tenant compte des spécificités des différents territoires et de l'ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux définis dans le plan régional de l'agriculture durable. / (...) III.-Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. / Les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation sont l'installation d'agriculteurs, l'agrandissement ou la réunion d'exploitations agricoles et le maintien ou la consolidation d'exploitations agricoles existantes (...) ".
9. Comme le soutient M. C..., le SDREA d'Auvergne du 23 décembre 2015, d'une part, prévoit, au titre des opérations susceptibles d'être soumises au contrôle des structures d'exploitation une catégorie " restructuration " qui n'est prévue ni dans les dispositions de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, ni dans celles de l'arrêté ministériel du 20 juillet 2015 pris pour son application, d'autre part, confère à la catégorie d'opérations " consolidation " qui inclut les opérations d'agrandissement alors qu'il s'agit d'une catégorie d'opérations envisagées distinctement par la loi, une définition différente de celle de l'arrêté du 20 juillet 2015. Dans ces conditions, alors que la situation du requérant relève comme celle de ses concurrents de la catégorie dite de " consolidation ", il a été fait application des dispositions entachées d'illégalité de l'article 4 du SDREA pour définir le rang de priorité des demandes, qui fonde l'arrêté en litige.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 27 avril 2018.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens que M. C... a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre l'agriculture et de l'alimentation est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. B... C....
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021.
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N° 19LY02564