Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes du 1er mai 2013 au 31 décembre 2014 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1704196 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoire enregistrés les 8 juillet 2019, 26 juin 2020 et 8 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me Lichtenstern, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 mai 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- le vérificateur n'a pas fait preuve d'indulgence et a manqué à son devoir de loyauté en dressant de manière prématuré le procès-verbal de défaut de présentation de la comptabilité ; le vérificateur a ainsi méconnu le principe du débat oral et contradictoire ;
- la vérification a excédé la durée de trois mois prévue au I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;
- elle peut se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative contenue dans les instructions référencées 13 L-1317 du 1er juillet 2002 et BOI-CF-PGR-20-50 relatives au contrôle des petites et moyennes entreprises de création récente ainsi que des instructions référencées 13 L 10-08 du 18 décembre 2008 et BOI-CF-PGR-20-30 relatives à la durée de la vérification de comptabilité ;
- la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a payée sur les commissions et frais d'abonnement Amazon pouvait être déduite dès lors que, si elle se trouve dans l'impossibilité de produire les factures avec mention de la taxe acquittée, elle remplit les autres conditions de déductibilité ; l'administration a méconnu le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- la méthode utilisée par l'administration pour déterminer la taxe déductible grevant les marchandises achetées en vue de leur revente est excessivement sommaire ;
- l'administration ne l'a pas mise en demeure de déposer ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, ce qui lui aurait permis d'éviter la majoration de 40 %.
Par des mémoires enregistrés les 17 février et 3 août 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requérante était informée des documents qu'il convenait de présenter et aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au vérificateur de dresser une liste exhaustive des documents qu'il souhaite se voir remettre ;
- les interventions sur place ont permis le respect du principe d'un débat oral et contradictoire ;
- la date à laquelle a été dressé le procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité n'a eu aucune incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
- dès lors que la requérante n'a pas pu présenter sa comptabilité, la garantie constituée par la limitation à trois mois de la durée de vérification des livres et documents comptables ne peut être utilement opposée par la requérante ;
- la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office résulte uniquement du défaut de souscription par l'intéressée de ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ;
- la requérante n'a pu présenter de document comptable que ce soit au début ou au cours du contrôle ;
- en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, la requérante n'apporte aucun élément permettant de vérifier le respect des conditions de fond ;
- elle n'établit pas le caractère exagéré des rappels litigieux et la méthode de reconstitution qu'elle propose est contestable ;
- la majoration de 40 % a été régulièrement appliquée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de l'activité de vente à distance sur catalogue de vêtements qu'elle a exercée jusqu'au 31 décembre 2014, au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Par une proposition de rectification du 12 août 2016, l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des majorations correspondantes selon la procédure de taxation d'office en application du 3° de l'article L. 66 du même livre, dès lors qu'elle n'avait pas déposé ses déclarations de chiffre d'affaires. Mme A... relève appel du jugement du 7 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure de vérification de comptabilité :
2. Les irrégularités qui peuvent affecter une procédure de vérification de comptabilité sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition lorsque le contribuable se trouve en situation de taxation d'office et que cette situation n'a pas été révélée par la vérification.
3. Il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été établis d'office pour défaut de déclaration en application des dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la vérification de comptabilité sont inopérants.
4. Au surplus, il résulte de l'instruction que les opérations de contrôle ont débuté par l'envoi d'un avis de vérification daté du 5 février 2016, réceptionné le 6 février, et prévoyant une première intervention le 2 mars 2016 au domicile de l'intéressée, qui a été reportée au 3 mars, à la demande de Mme A.... Cet avis de vérification informait clairement l'intéressée qu'elle devait tenir à la disposition du vérificateur ses documents comptables ainsi que les pièces justificatives. A la suite de plusieurs interventions sur place, dont la réalité n'est pas contestée, les conclusions du contrôle ont été présentées à Mme A..., le 7 juillet 2016. Au vu de ces éléments, les circonstances que l'intéressée n'aurait pas été destinataire d'une liste exhaustive des documents à présenter au vérificateur et que le procès-verbal de défaut de présentation de la comptabilité ait été dressé le premier jour de l'intervention sur place ne sont pas de nature à démontrer que Mme A... n'aurait pas été suffisamment informée de la nature des documents qu'elle devait présenter et qu'elle aurait été privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. De même, la seule circonstance que le vérificateur ait dressé un procès-verbal de non présentation de comptabilité le jour même de sa première intervention sur place, ne saurait révéler par elle-même un manquement du vérificateur à son devoir de loyauté.
5. Enfin, il est constant que la première intervention sur place du vérificateur, en vue de l'examen au fond des livres et documents comptables du commerce exploité par Mme A... a eu lieu le 3 mars 2016. Compte tenu du rejet de la comptabilité de Mme A..., la durée maximum applicable en l'espèce était de six mois en vertu des dispositions précitées et non de trois mois comme le soutient la requérante. Il n'est pas contesté qu'en l'espèce le délai de six mois entre la première et la dernière intervention sur place, applicable en vertu des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales a été respecté. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la procédure de vérification serait, pour ces différents motifs, entachée d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels (...) ".
7. La requérante se prévaut notamment de de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 novembre 2018, Lucretiu Hadrian Vadan c/ Agentia Nationala de Administrare Fiscala, C-664/16, selon lequel le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée exige que la déduction de celle-ci en amont soit accordée dès lors que la taxe porte sur les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, même si certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis. La requérante en déduit que l'administration fiscale ne saurait refuser le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée au seul motif que l'assujetti n'a pas produit de facture, si elle dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites. Il incombe toutefois à l'assujetti d'établir que des biens et des services lui ont effectivement été fournis en amont par des assujettis, pour les besoins de ses propres opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, et à l'égard desquels il s'est effectivement acquitté de la taxe sur la valeur ajoutée.
8. La requérante demande que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les frais de commissions et d'abonnement au site Amazon, par l'intermédiaire duquel elle revend les marchandises à ses clients, soit admise en déduction. Toutefois, les documents produits par la requérante consistant en une présentation générale du site internet Amazon mentionnant l'application de la taxe sur la valeur ajoutée luxembourgeoise sur les frais de vente et d'abonnement, ainsi que des relevés d'opérations établis par Amazon qui ne précisent ni la nature des dépenses concernées, ni le bénéficiaire ne sauraient constituer une preuve objective permettant d'établir qu'elle remplissait les conditions de fond pour pouvoir bénéficier du droit à déduction. Par suite, la requérante n'est pas fondée à demander la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces dépenses. En revanche, il y a lieu d'admettre la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée et ayant grevé les frais professionnels que la requérante a pu engager à hauteur, de 806,45 euros au titre de la période du 1er mai au 31 décembre 2013 et de 3 211,20 euros pour la période de 1er janvier au 31 décembre 2014. Par suite, Mme A... est fondée à demander, dans cette mesure, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes.
9. En second lieu, Mme A... qui s'est abstenue de souscrire ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour les périodes du 1er mai au 31 décembre 2013 et du 1er janvier au 31 décembre 2014 a fait à bon droit l'objet d'une procédure d'évaluation d'office et de taxation d'office sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales Elle supporte en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales la charge d'établir l'exagération des impositions qu'elle conteste.
10. Pour reconstituer la taxe déductible grevant les marchandises achetées par Mme A..., à compter du 1er mai 2013, mois suivant le dépassement du seuil de franchise de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration, après avoir constaté le ratio existant entre le chiffre d'affaires réalisé et le coût d'achat des marchandises par intermédiaire de vente, sur des périodes d'une dizaine de jours, a appliqué ces taux au chiffre d'affaires réalisé au titre de ces deux années et a appliqué le taux de taxe en vigueur. La requérante fait valoir que la reconstitution a porté sur des ventes réalisées sur les périodes du 12 au 25 mars pour l'année 2013 et du 8 au 21 avril pour l'année 2014 qui ne sont pas représentatives de son activité. Toutefois, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir le caractère saisonnier de son activité et de déterminer son éventuel impact sur le chiffre d'affaires reconstitué. Si la requérante fait également valoir que le chiffre d'affaires journalier des jours examinés ne coïncide pas avec le chiffre d'affaires journalier moyen constaté sur toute l'année, cette circonstance ne suffit pas à elle seule à établir que la méthode utilisée serait incohérente ou manquerait de rigueur. Enfin, pour contester la pertinence du ratio " chiffre d'affaires TTC / achats TTC ", la requérante ne peut utilement se référer aux résultats réalisés par la société Toutpourlamaison qu'elle a créée après le contrôle fiscal dont elle a fait l'objet. Dans ces conditions, et alors qu'il était loisible à l'administration de n'utiliser qu'une seule méthode afin de reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité concernée, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode de l'administration serait radicalement viciée ou excessivement sommaire. Par ailleurs, la méthode proposée par Mme A..., fondée sur l'ensemble des achats de marchandises constatés sur ses relevés bancaires, conduit à établir une taxe déductible proche de celle retenue par l'administration et défavorable à la requérante s'agissant de l'année 2014.
Sur les pénalités :
11. Aux termes des dispositions du I de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration (...) entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / (...) ".
12. Contrairement à ce qu'elle prétend, Mme A... a été mise en demeure de souscrire ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour les périodes du 1er mai au 31 décembre 2013 et du 1er janvier au 31 décembre 2014 par un courrier du 18 février 2016 qu'elle a réceptionné, le 29 février 2016. Il est constant que l'intéressée n'a pas déposé les déclarations demandées. En conséquence, l'administration a pu légalement appliquer la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a entièrement rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les rappels de la taxe sur la valeur ajoutée réclamée à Mme A... au titre des périodes du 1er mai au 31 décembre 2013 et du 1er janvier au 31 décembre 2014 sont réduits des sommes respectives de 806,45 euros et de 3 211,20 euros.
Article 2 : Mme A... est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes du 1er mai eu 31 décembre 2013 et du 1er janvier au 31 décembre 2014 à proportion des réductions en base définies à l'article 1, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente-assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2021.
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N° 19LY02683
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