Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la commune de Nevers à lui verser une somme de 103 656 euros en réparation de troubles de toute nature dans ses conditions d'existence nés des conditions de travail qui lui ont été faites dans l'exécution de son contrat.
Par jugement n° 190005 du 17 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 août 2019, et un mémoire complémentaire récapitulatif enregistré le 8 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me Audard, demande à la cour :
1°) d'annuler, à tout le moins de réformer, ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 juin 2019 ;
2°) de condamner la commune de Nevers à lui verser une indemnité de 103 656 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nevers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- par omission à statuer sur le moyen tiré du défaut d'information sur le recrutement et les postes disponibles, l'ayant privée de la possibilité de postuler utilement, le tribunal a entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;
- sa candidature a été écartée à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- elle a subi un traitement discriminatoire étranger à l'intérêt objectif du service ;
- le défaut d'information sur les postes vacants durant son absence du service, à la différence d'autres agents dans la même situation, a constitué une seconde discrimination qui l'a privée d'une chance de postuler alors qu'elle avait été évincée de son poste ;
- elle a été privée de toute fonction, de tout moyen matériel, de bureau et d'activité ;
- la promesse du maire de renouveler son contrat pour deux ans après sa retraite n'a pas été tenue ;
- l'ensemble des conditions de travail qui lui ont ainsi été faites constituent des fautes qui lui ont occasionné un trouble anxio-dépressif réactionnel ;
- elle justifie d'un préjudice moral, qui doit être réparé à hauteur de 30 000 euros, et d'une perte de chance, qui doit être réparée à hauteur de 73 656 euros, somme correspondant à la perte de revenus résultant de la promesse non tenue.
Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2019, la commune de Nevers, représentée par Me Potier, conclut au rejet de la requête et de la demande de première instance de Mme A... et à ce que soit mise à la charge de celle-ci une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Audard, pour Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Recrutée initialement à durée déterminée par la commune de Nevers le 1er juillet 2002 en qualité d'assistante de chef de projet contractuelle, devenue le 1er juillet 2005 chargée de mission contractuelle, Mme A... a occupé, à compter du 1er juillet 2008, par un contrat à durée indéterminée, un poste de chef de projet pour le suivi et la gestion des opérations de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine portant sur les quartiers ouest de la commune, jusqu'à son départ à la retraite par limite d'âge au 1er avril 2015. Faisant valoir la perte de toutes ses responsabilités et son éviction de toute fonction après sa candidature au poste de responsable de service proximité et cohésion sociale dans le cadre de la réorganisation générale des services menée en 2014 après le changement de l'équipe municipale, elle a demandé au tribunal administratif de Dijon la condamnation de la commune de Nevers à lui verser une somme de 103 656 euros en réparation de préjudices qu'elle soutient avoir subis en conséquence des conditions de travail qui lui ont été faites et de promesses non tenues à son égard. Mme A... fait appel du jugement du 17 juin 2019 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme A... soutient que le tribunal a omis de statuer sur un moyen tiré du défaut d'information sur les postes vacants alors qu'elle était en congé de maladie et de ce qu'elle a ainsi été privée de la possibilité de postuler. Il ressort de sa demande de première instance qu'elle a invoqué cette circonstance, en l'invoquant explicitement et isolément comme " une différence de traitement avec les autres agents " et " une nouvelle discrimination " en développement de moyens tirés d'une discrimination générale conduite à son égard dans la réorganisation des services de la commune. Si, dans le point 4 de son jugement, le tribunal a en tout état de cause répondu au moyen tiré d'une discrimination en l'élargissant également à une méconnaissance du principe d'égalité de traitement, c'est, expressément, au regard des seules circonstances ayant présidé à la procédure de recrutement du responsable du service proximité et cohésion sociale. Il suit de là que tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de cette discrimination précise, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et doit être annulé.
3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Dijon.
Sur la demande de Mme A... tendant à la réparation d'un préjudice financier né de promesses non tenues à son égard :
4. Mme A..., dont il est constant qu'en tout état de cause le contrat prenait fin à compter du 1er avril 2015, date à laquelle elle avait atteint l'âge limite pour un départ en retraite, soutient, sans toutefois l'établir, que le maire de la commune de Nevers envisageait de lui proposer un contrat à durée déterminée de deux ans à compter de cette même date afin qu'elle forme son successeur dans les fonctions qu'elle occupait. Toutefois, en premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, alors au demeurant que, par ailleurs, et comme le souligne Mme A..., son poste avait été supprimé dans la réorganisation des services de la commune, que cette éventualité qui n'apparaît que dans une retranscription des propos de l'intéressée constituait une décision prise par la commune et présentée comme telle à Mme A.... En second lieu, et en tout état de cause, celle-ci ne tenait aucun droit à une prolongation de son activité par la voie d'un nouveau contrat, alors qu'elle avait été admise à la retraite par limite d'âge à compter du 1er avril 2015, sur sa demande, formée le 26 septembre 2014. Mme A... n'est dès lors pas fondée à soutenir avoir, par une faute de la commune de Nevers, perdu une chance d'occuper son emploi pendant deux années supplémentaires et, de ce fait, avoir subi un préjudice financier constituant une perte de revenus. Dès lors, ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Nevers à lui verser une somme de 73 656 euros en réparation de ce préjudice doivent être rejetées.
Sur la demande de Mme A... tendant à la réparation d'un préjudice moral :
En ce qui concerne le moyen tiré d'une faute de la commune dans le traitement de la candidature de Mme A... au poste de responsable du service de proximité et de cohésion sociale :
5. Il revient au maire de la commune, dans l'exercice de ses pouvoirs propres de chef de l'administration communale, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de définir l'organisation de celle-ci et d'affecter les agents aux missions du service, selon les besoins et l'intérêt de celui-ci, dans le respect des garanties qu'ils tiennent de leurs statuts ou des stipulations de leur contrat et du principe de l'égalité de traitement entre les agents placés dans une même situation.
6. En premier lieu, il est constant que le jury, instauré à titre consultatif par le maire, appelé à présenter ses propositions par ordre de mérite sur les candidatures, dont celle de Mme A..., au poste de responsable du service de proximité et de cohésion sociale, a classé la requérante en première place. Dans ces conditions, en tout état de cause, celle-ci ne peut utilement faire valoir que l'absence, qu'elle allègue comme une marque d'hostilité à son égard, du collaborateur de cabinet du maire en charge de la réorganisation des services, révèlerait une irrégularité de la procédure que s'était imposée l'administration et constituant une discrimination à son égard, non plus que la circonstance que son dossier de candidature n'ait été produit aux membres du jury qu'immédiatement avant son entretien.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, si Mme A... avait démontré ses compétences dans ses missions de chef de projet pour le suivi et la gestion des opérations de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine portant sur les quartiers ouest de la commune, les fonctions pour lesquelles elle postulait, alors que son poste était à cette date voué à la suppression par l'effet de la réorganisation entreprise, étaient plus étendues aussi bien géographiquement que dans les missions rattachées et appelaient des compétences qu'elle ne justifiait pas exercer, notamment en matière d'encadrement. Dès lors, en se bornant à faire valoir ses mérites propres et l'ordre préférentiel dressé par le jury, qui en tout état de cause ne liait pas le choix du maire, Mme A... n'établit pas que ce dernier procédait d'un intérêt étranger au service ou avait son éviction pour but principal et, par ces motifs, constituait une faute.
En ce qui concerne le moyen tiré des conditions de travail qui ont été faites à Mme A... :
8. Il résulte en premier lieu de l'instruction, et notamment des témoignages et du certificat médical du Dr B... du 5 mai 2017, lesquels, s'ils sont postérieurs à la période des faits dont Mme A... soutient qu'ils sont générateurs du préjudice invoqué, portent sur ceux-ci, que, d'une part, du 10 octobre 2014 au 5 décembre 2014, Mme A... a été placée en congé maladie pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel consécutif à l'annonce, par le courrier, non motivé, du maire du 22 septembre 2014. D'autre part, il n'est pas sérieusement contesté par la commune de Nevers qu'à compter de sa reprise de travail après ce congé et jusqu'à son départ à la retraite le 31 mars 2015, Mme A... a été écartée de toute fonction et privée de tout moyen, dont d'un bureau, ayant été évincée de celui qui lui était attribué, sur instruction du collaborateur de cabinet du maire, quelques jours après la notification du courrier du 22 septembre 2014.
9. Il résulte enfin également de l'instruction que Mme A..., durant son congé maladie et alors qu'à l'instar de l'ensemble des agents de la collectivité elle se trouvait, pour la période de réorganisation des services, placée " en intérim " sur le poste qu'elle occupait, n'a reçu aucune information sur les postes pour lesquels elle pouvait être admise à présenter sa candidature, alors que cette procédure d'information avait été conduite pour les autres agents placés dans la même situation.
10. L'ensemble de ces circonstances révèlent la volonté de l'administration, dont il n'est nullement fait état d'une justification liée à l'intérêt objectif du service, d'évincer Mme A... de celui-ci jusqu'à son départ en retraite. Si l'intéressée ne fait pas état d'une atteinte à sa rémunération, elle établit cependant une atteinte répétée, de septembre 2014 au 31 mars 2015, aux droits qu'elle tenait de ses liens contractuels de travail avec la commune de Nevers, constitutive, par ces agissements discriminatoires, d'une faute de son employeur de nature à engager envers elle la responsabilité de ce dernier.
En ce qui concerne le préjudice :
11. Les agissements de la commune de Nevers à l'encontre de Mme A... ont causé à celle-ci un préjudice moral dont elle est fondée à demander réparation.
12. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant la commune de Nevers à verser à Mme A... une somme de 2 000 euros. En revanche, il résulte de ce qui a été dit des points 4 à 7 du présent arrêt que le surplus des conclusions indemnitaires de Mme A... doit être rejeté.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Nevers tendant à leur application. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Nevers une somme de 1 200 euros à verser à Mme A... à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 190005 du 17 juin 2019 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : La commune de Nevers est condamnée à verser à Mme A... une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Article 3 : La commune de Nevers versera à Mme A... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Nevers tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Nevers.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2022.
N° 19LY03247
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