Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2003489 du 4 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Corneloup, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 2 décembre 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; cette dernière décision méconnaît en effet les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, le 7° de l'article L. 313-11 de ce code ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît elle-même l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont entachées d'exception d'illégalité.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante géorgienne née en 2001, est entrée en France le 8 novembre 2019, accompagnée de sa mère et de ses frère et sœurs mineurs. B... en procédure accélérée, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a, par une décision du 21 septembre 2021, notifiée le 26 septembre suivant, rejeté sa demande d'asile. Par un arrêté du 2 décembre 2020, le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 4 mars 2021 par lequel le magistrat désigné a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, en énonçant dans son arrêté que Mme C... " n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que sa situation ne présente aucune circonstance exceptionnelle ou humanitaire permettant d'y déroger ", le préfet de l'Yonne a nécessairement examiné d'office si l'intéressée est susceptible de se voir délivrer un titre de séjour sur un autre fondement que l'asile et a notamment envisagé son admission exceptionnelle au séjour. Mme C... peut donc utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, de celles de l'article L. 313-14 de ce code ainsi que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ainsi que, par la voie de l'exception d'illégalité, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Mme C... soutient qu'elle a dû fuir la Géorgie avec sa mère, son frère et ses sœurs en raison des violences qu'ils ont subi de la part de son père alors qu'ils vivaient ensemble en Russie et que ces violences ont perduré malgré le divorce de ses parents et leur retour en Géorgie. Toutefois, si la réalité des violences domestiques durant le mariage de ses parents a été reconnue par le directeur général de l'OFPRA dans sa décision du 21 septembre 2020, il n'en est pas de même de la réalité de ces violences postérieurement au divorce en 2014 et au retour de l'intéressée avec sa mère et sa fratrie en Géorgie en 2019. Mme C... n'apporte à la cour aucun élément de nature à établir la réalité des violences l'ayant conduite à quitter son pays d'origine ni, le cas échéant, l'impossibilité pour elle d'obtenir la protection des autorités géorgiennes. Ainsi, l'intéressée, entrée en France récemment à la date de l'arrêté contesté, n'établit pas qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale, hors de France, et en particulier dans son pays d'origine avec ses frère et sœurs mineurs et leur mère, qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement par un arrêté du préfet du l'Yonne du 2 décembre 2020, dont la légalité est confirmée par un arrêt de la cour de ce jour. Par suite, le préfet de l'Yonne, en refusant à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris ces décisions. Le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur dirigé contre le refus de titre de séjour et celui tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevés à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français doivent donc être écartés.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
6. La situation personnelle de Mme C..., telle que rappelée au point 4 du présent arrêt, ne caractérise pas l'existence de motifs exceptionnels ni de considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Le moyen tiré de ce que le préfet de l'Yonne a, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, méconnu ces dispositions doit donc être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elle n'est pas davantage fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ".
9. Il résulte des dispositions combinées du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, du 6° du I de l'article L. 511-1 et du I bis de l'article L. 512-1 du même code, qu'un ressortissant étranger issu d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée, s'il ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ait statué sur son recours, peut contester l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Ce recours présente un caractère suspensif et le juge saisi a la possibilité, le cas échéant, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à ce que la CNDA ait statué sur son recours. Par ailleurs, le droit à un recours effectif tel que protégé notamment par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'implique pas que l'étranger, dont la demande d'asile a fait l'objet d'un examen en procédure accélérée puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la CNDA et ce alors qu'il peut se faire représenter devant cette juridiction. Le moyen tiré de ce que le préfet de l'Yonne en ne lui permettant pas de se maintenir que le territoire français jusqu'à ce que la CNDA statue sur son recours l'aurait privé d'un droit au recours effectif doit donc être écarté.
10. Par ailleurs, Mme C... ne peut utilement se prévaloir, pour contester l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français avant que la Cour nationale du droit d'asile ne statue sur son recours, d'une méconnaissance de son droit à un procès équitable prévu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ces stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits ou des obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale.
11. En dernier lieu, Mme C... reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée et ce, y compris ses conclusions présentées au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.
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N° 21LY01089