Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2001508 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me Bey, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 octobre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 18 novembre 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salariée " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision lui refusant le séjour en France ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant le séjour en France.
Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 23 décembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur, et les observations de Me Bey, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 21 janvier 1985, est entrée régulièrement en France munie d'un visa de long séjour portant la mention " étudiante " en septembre 2006. L'intéressée a ensuite bénéficié de titres de séjour portant la mention " étudiante ", successivement renouvelés jusqu'au 21 septembre 2009. Le 25 avril 2017, elle a sollicité la régularisation de sa situation administrative en faisant état de la durée de sa présence en France. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 octobre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2019 du préfet du Rhône qui a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3.Tout d'abord si Mme B... soutient qu'elle est en couple avec une ressortissante française et qu'elle a été rejetée par sa famille musulmane extrêmement conservatrice, qui n'a pas admis sa relation depuis des années avec une personne du même sexe, elle ne l'établit pas. De plus, la seule circonstance qu'elle soit présente depuis plus de quatorze ans en France n'est pas de nature à démontrer que l'intéressée y aurait noué des liens personnels intenses et stables. Par ailleurs, pour justifier qu'elle bénéficie d'une bonne insertion dans la société française, Mme B..., après avoir indiqué qu'elle a suivi de nombreuses années d'études en France, se borne à produire trois bulletins de salaires, de juin à août 2009, un diplôme de " praticien en programmation neurolinguistique", délivré par une école de psychothérapie postérieurement à la date de la décision attaquée ainsi que des courriers, postérieurs à la décision attaquée, faisant essentiellement mention de promesses de collaborations professionnelles. La circonstance que Mme B... dispose d'ores et déjà de sa carte vitale et d'un numéro de sécurité sociale français, de telle sorte qu'elle pourra exercer une activité professionnelle si sa régularisation lui est accordée, est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse. Enfin, si Mme B... indique avoir quitté la Maroc depuis quatorze ans et ne plus entretenir de liens avec sa famille, elle y conserve nécessairement des attaches culturelles et sociales dès lors qu'elle y a vécu jusqu'à l'âge de vingt-un ans et demeure célibataire et sans charge de famille en France. Dans ces conditions et notamment eu égard aux conditions de son séjour en France où elle s'est maintenue irrégulièrement après l'expiration de son titre de séjour pendant de nombreuses années, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent ainsi être écartés. Le préfet du Rhône n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. ". Les circonstances, tirées de ce que Mme B..., qui est diplômée, ne constitue pas une menace pour l'ordre public et de ce qu'elle a séjourné de nombreuses années en France où elle indique avoir noué des liens amicaux et une relation de couple, ne permettent pas de caractériser des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Par suite, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer, à titre exceptionnel, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B....
5. Le moyen, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison des risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine, ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision portant refus de séjour, laquelle n'implique pas, par elle-même, un retour dans le pays d'origine. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents, la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président assesseur,
Mme Sophie Corvellec, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2022.
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N°20LY03205