Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI du 63 Boulevard Gambetta a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1702209 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, la SCI du 63 Boulevard Gambetta, représentée par Me Cordeiro, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la somme de 750 000 euros qui lui a été versée par la société Et Compagnie présente un caractère indemnitaire et non celui d'un complément de loyer dès lors qu'elle traduit la diminution de la valeur du local commercial liée à sa perte de rentabilité de l'activité qui y est exercée, qu'elle n'a pas été versée lors de la conclusion du bail et que son versement présentait un caractère aléatoire ;
- l'administration, qui a estimé que le loyer qu'elle percevait de la société Et Compagnie était excessif, ne peut soutenir par ailleurs que la somme de 750 000 euros constitue un complément de loyer ;
- l'intention des parties au bail n'était pas de conférer à cette indemnité le caractère de supplément de loyer.
Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI du 63 Boulevard Gambetta, créée le 18 mai 2011, qui a pour gérant M. A..., a acquis, le 1er juin 2011, un local commercial au rez-de-chaussée d'un immeuble à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques) qu'elle a donné en location, par un bail commercial conclu le 1er juin 2011, à la SAS Et Compagnie, ayant le même gérant, qui exploite des magasins de prêt-à-porter féminin. La SCI du 63 Boulevard Gambetta, qui a opté le 21 août 2013 pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, a souscrit une déclaration de taxe au titre de la période du 1er mai 2011 au 31 décembre 2012 et a revendu le local commercial par un acte du 22 novembre 2013. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 18 mai 2011 au 31 décembre 2012, étendue au 31 décembre 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, selon la procédure contradictoire, une indemnité, qualifiée de pas-de-porte, d'un montant de 750 000 euros, qui lui a été versée en 2012 par la SAS Et Compagnie en application de l'article 8 du bail commercial et que l'administration a regardée comme un complément de loyer. La SCI du 63 Boulevard Gambetta relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé en conséquence de ce contrôle et des majorations correspondantes.
2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Il résulte de ces dispositions que le versement d'une somme par un débiteur à son créancier ne peut être regardé comme la contrepartie d'une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée qu'à la condition qu'il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable. N'est, en revanche, pas soumis à cette taxe le versement d'une indemnité qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi par le créancier du fait du débiteur.
3. Il résulte de l'instruction et, notamment, de l'article 8, relatif à la détermination du loyer, du bail commercial conclu le 1er juin 2011 par la SCI du 63 Boulevard Gambetta avec la SAS Et Compagnie, qu'est prévu le versement d'un loyer variable, correspondant à 6,6666 % du résultat d'exploitation comptable réalisé par le preneur au titre du dernier exercice clos avant la date de conclusion du bail, que ce loyer doit faire l'objet d'un ajustement automatique chaque année le jour anniversaire du bail en tenant compte du dernier résultat d'exploitation et que, " dans l'hypothèse où le résultat d'exploitation du dernier exercice clos à la date anniversaire du bail ferait apparaître une variation négative supérieure à 50 % du dernier résultat d'exploitation connu, le preneur d'engage à verser au bailleur à titre d'indemnité constitutive de pas-de-porte, une somme de 750 000 euros ". En outre, dans l'hypothèse où le résultat d'exploitation du dernier exercice clos ferait apparaître une variation négative supérieure à 50 % du dernier résultat d'exploitation, cet article prévoit la substitution au loyer variable d'un loyer fixe d'un montant équivalent à la moitié du loyer initial.
4. Il résulte de l'instruction que, compte-tenu des résultats déclarés par la SAS Et Compagnie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 de, respectivement, 2 991 786 euros et 2 951 382 euros, le loyer a été initialement fixé par les parties à 198 000 euros. Par un acte du 14 septembre 2012, la SCI du 63 Boulevard Gambetta et la SAS Et Compagnie ont toutefois constaté que le résultat d'exploitation du preneur, qui s'élevait à 909 494 euros au titre de l'exercice clos en 2011, avait subi une variation négative supérieure à 50 % par rapport à l'exercice précédent. En conséquence, la SAS Et Compagnie a versé à la SCI du 63 Boulevard Gambetta, conformément aux stipulations de l'article 8 du contrat de bail, l'indemnité de 750 000 euros prévue par ce contrat, un loyer annuel fixe d'un montant ramené à 99 000 euros étant par ailleurs, en application de cet article, substitué au loyer variable initial.
5. Si la SCI du 63 Boulevard Gambetta fait état d'une diminution du résultat d'exploitation de la SAS Et Compagnie de 68 % entre l'exercice clos en 2010 et l'exercice clos en 2011, de la limitation du montant du loyer de 198 000 euros à 99 000 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de la circonstance que le versement de la somme de 750 000 euros était subordonné par le bail à la diminution du résultat d'exploitation, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'indemnité a été prévue par les parties comme un élément du montant du loyer variable en contrepartie duquel le bail était consenti. La société requérante ne peut utilement faire valoir que cette somme n'a été versée que postérieurement à la conclusion du bail et que son versement présentait un caractère aléatoire, ces éléments n'étant pas de nature, à eux seuls, à établir que, comme elle le soutient, ce versement constituerait la contrepartie d'une diminution de la valeur du local et aurait eu pour objet de réparer un préjudice subi par le bailleur. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et alors même qu'elle est qualifiée d'indemnité, la somme de 750 000 euros, qui a été perçue par la société requérante en rémunération de la location d'un local commercial, ne peut être regardée comme constituant la contrepartie d'une dépréciation de la valeur de l'immeuble et comme présentant un caractère indemnitaire. Par suite, cette somme s'analyse comme un complément de loyer, qui constitue la contrepartie d'une opération unique de location soumise à la taxe sur la valeur ajoutée au même titre que le loyer au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012.
6. Il résulte de ce qui précède que la SCI du 63 Boulevard Gambetta n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D'ÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par la SCI du 63 Boulevard Gambetta est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du 63 Boulevard Gambetta et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.
La rapporteure,
A. Evrard,
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M.-Th. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY01055