Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 26 septembre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de la section SO 6 de l'unité départementale de la Loire a autorisé l'association Entraide Pierre Valdo à procéder à son licenciement pour inaptitude et la décision du 9 juillet 2020 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique.
Par un jugement nos 2003035-2005211 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 février 2021 et un mémoire enregistré le 20 mai 2021 (non communiqué), présentés pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement nos 2003035-2005211 du 9 février 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de l'inspecteur du travail est insuffisamment motivée quant à l'existence d'un lien entre le licenciement et son mandat ;
- la décision d'autorisation de licenciement est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire en l'absence de communication de pièces démontrant les mesures prises à l'encontre d'un salarié l'ayant agressé en raison de son engagement syndical ;
- l'inspecteur du travail ne pouvait se fonder sur une absence de lien entre son inaptitude et l'exercice de ses mandats.
Par un mémoire, enregistré le 14 mai 2021, présenté pour l'association Entraide Pierre Valdo, elle conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur les causes de l'inaptitude de M. A... et sur les éventuels manquements de l'employeur qui seraient, selon le requérant, à l'origine de son inaptitude et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, qui n'a pas produit d'observation.
Par ordonnance du 17 juin 2021 la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,
- et les observations de Me Magnin, pour M. A..., et de Me Vallet, pour l'association Entraide Pierre Valdo ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., recruté en 2011 comme intervenant social par l'association Entraide Pierre Valdo, et qui exerçait les mandats de délégué syndical et de membre titulaire de la délégation du personnel au comité social et économique, a bénéficié d'un arrêt de travail du 10 janvier au 2 avril 2019, après une agression verbale de la part d'un autre salarié, ayant fait l'objet d'une déclaration d'accident du travail, puis, alors qu'il exerçait ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique devant prendre effet du 3 avril au 3 juillet 2019, il a bénéficié d'un nouvel arrêt de travail, du 20 avril au 30 juin 2019. Lors de la visite de reprise, il a été déclaré par le médecin du travail, le 1er juillet 2019, inapte à tout poste dans l'entreprise, l'avis du médecin précisant que " l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi " et que " tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ". L'association Entraide Pierre Valdo a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de M. A... pour inaptitude physique, et l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation par une décision du 26 septembre 2019. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes regardées comme tendant à l'annulation de cette décision de l'inspecteur du travail du 26 septembre 2019 et de la décision du 9 juillet 2020 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique.
Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée par l'association Entraide Pierre Valdo :
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé. Il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, que ces conditions sont remplies. Si l'association Entraide Pierre Valdo soutient que la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur les causes de l'inaptitude de M. A... et sur les éventuels manquements de l'employeur qui seraient, selon le requérant, à l'origine de son inaptitude, il appartient au juge administratif, pour apprécier la légalité des décisions administratives en litige, de vérifier, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, que le licenciement envisagé n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dès lors l'exception d'incompétence opposée par ladite association doit être écartée.
Sur la légalité des décisions en litige :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire (...) ". Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément à ces dispositions impose à l'autorité administrative, lorsqu'il s'agit en particulier de vérifier l'existence éventuelle d'un lien entre la procédure engagée et le mandat détenu, de mettre à même le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'elle a pu recueillir qui sont de nature à établir ou non l'existence de ce lien.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, l'employeur de M. A... a sollicité de l'administration du travail l'autorisation de le licencier pour un motif tenant à son inaptitude physique et à l'impossibilité de le reclasser. Il n'en ressort pas que l'inspecteur du travail, dans le cadre de l'enquête contradictoire, aurait recueilli auprès de l'association Entraide Pierre Valdo des éléments autres que ceux liés à l'inaptitude de ce salarié, et, en particulier, des pièces relatives à des mesures prises à l'encontre du salarié auteur de l'agression verbale de M. A... en janvier 2019, postérieurement à cette agression dont le requérant prétend qu'elle serait à l'origine de son inaptitude, qu'elle n'avait pas à produire à l'appui de sa demande de licenciement. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'à défaut pour l'inspecteur du travail d'avoir mis à même M. A... de prendre connaissance de telles pièces, l'enquête n'aurait pas été contradictoire doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes des articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur est motivée ". Au sens de ces dispositions, la motivation s'entend de l'exposé des motifs qui déterminent l'autorité compétente à se prononcer en un sens déterminé, sans égard à la légalité de ces motifs. Or, la décision du 26 septembre 2019 énonce les considérations sur lesquelles l'inspecteur s'est fondé pour faire droit à la demande de l'entreprise, à savoir, d'une part, l'inaptitude physique de M. A... à son poste, constatée par un avis du médecin du travail du 1er juillet 2019 non contesté et faisant obstacle à un reclassement et, d'autre part, l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés. Les motifs qui ont déterminé l'inspecteur du travail à faire droit à la demande ayant été énoncés, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision d'autorisation de licenciement contestée doit être écarté.
6. En troisième lieu, en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'administration de rechercher si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise, et non de rechercher la cause de cette inaptitude. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives, est à cet égard, de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, M. A... a été victime d'une agression verbale de la part d'un autre salarié, le 9 janvier 2019, ayant fait l'objet d'une déclaration d'accident du travail. Il ne ressort toutefois pas des pièces produites par le requérant que cette agression, nonobstant la circonstance que son auteur soit le frère du directeur général délégué de l'association, était en rapport avec les fonctions représentatives exercées par le requérant ou avec son appartenance syndicale. Il n'en ressort pas davantage que son inaptitude résulterait d'une dégradation de son état de santé elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives ou avec les faits de discrimination syndicale commis par ce dernier alors, au demeurant, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, par une lettre du 15 juillet 2019, avait rejeté la demande d'indemnisation temporaire d'inaptitude présentée par M. A... au motif d'une absence de lien entre l'inaptitude constatée par le médecin du travail et l'accident survenu le 9 janvier 2019. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. A..., l'inspecteur du travail a pu légalement se fonder, pour accorder à l'association Entraide Pierre Valdo l'autorisation de le licencier pour un motif tiré de son inaptitude physique, sur l'absence de lien entre le licenciement envisagé et les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale.
8. En dernier lieu, la décision de l'inspecteur du travail qui a autorisé le licenciement de M. A... n'est pas, ainsi qu'il a été dit, entachée d'illégalité. Cette décision avait créé des droits au profit de l'association Entraide Pierre Valdo. Dès lors, la ministre du travail était tenue de rejeter le recours hiérarchique de M. A... dirigé contre cette décision.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des frais liés au litige.
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par l'association Entraide Pierre Valdo.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'association Entraide Pierre Valdo tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à l'association Entraide Pierre Valdo.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2022.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
A.C. Ponnelle
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00565
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