Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ainsi que des intérêts de retard et majorations correspondants.
Par un jugement n° 1800341 du 25 juillet 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2020 et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 octobre 2021, Mme C... A... épouse B..., représentée par Me Gesset, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions, des intérêts de retard et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le 26 septembre 2014, date de l'avis de vérification, le droit de reprise ne pouvait porter que sur les années 2012 et 2013, l'année 2011 étant prescrite ; en procédant à une vérification de comptabilité de l'année 2011, l'administration a commis un véritable détournement de pouvoir ayant pour conséquence de vicier la totalité de la vérification ; la prescription fait obstacle à la prise en compte de données issues d'un contrôle qui n'aurait pas dû avoir lieu ;
- à la date de la mise en demeure, l'administration ne disposait pas d'éléments de comptabilité pour estimer que des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée étaient à déposer et la procédure de taxation d'office n'était pas justifiée au moment où elle a été engagée ;
- l'administration a refusé de lui accorder un délai de trente jours supplémentaires pour répondre à la proposition de rectification ;
- ces honoraires ne concernent ni des soins de confort ni des programmes d'amincissement ou de remise en forme ; l'absence de présentation de fiche de soins ne peut lui être reprochée et le secret professionnel ne lui permet pas de communiquer sur la nature des accidents ou opérations que les patients ont subis ;
- l'argumentation sur les pourcentages de recettes et les montants des prestations relève de la subjectivité du contrôleur ;
- elle a respecté ses obligations issues des dispositions de l'article 286 du code général des impôts en fournissant les tableaux de recettes, les recettes étant inférieures aux limites de franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire, enregistré le 2 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., qui a exercé l'activité libérale de masseur-kinésithérapeute à Vichy jusqu'au 31 décembre 2017, date à laquelle elle a cessé son activité, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 à l'issue de laquelle l'administration, après avoir rejeté la comptabilité présentée comme dépourvue de valeur probante, a remis en cause l'exonération à la taxe sur la valeur ajoutée du chiffre d'affaires résultant du compte " hono endermologie " et l'a taxée, dans cette mesure, d'office à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée. Ces impositions ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue au a) de l'article 1728-1 du code général des impôts. Par une décision du 29 décembre 2017, les droits et pénalités relatifs à la période correspondant à l'année 2011 ont fait l'objet d'un dégrèvement. Mme D... relève appel du jugement du 25 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et des pénalités y afférentes.
2. Il résulte de l'instruction que, le 26 septembre 2014, l'administration a adressé à Mme D... un avis de vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. Si, par une décision du 29 décembre 2017, le directeur départemental des finances publiques de l'Allier a dégrevé les droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre la période correspondant à l'année 2011 au motif invoqué par l'administration devant le tribunal administratif que le délai de reprise pour cette période était prescrit, l'expiration des délais de reprise ne fait pas obstacle à l'examen par l'administration de la comptabilité d'une année prescrite pour les besoins de la vérification d'une année non prescrite. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait entachée d'irrégularité compte tenu de la prescription affectant la période correspondant à l'année 2011 ne peut qu'être écarté.
3. Mme D..., dont les droits de taxe sur la valeur ajoutée ont été taxés d'office, ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dont les dispositions relatives aux propositions de rectification adressées dans le cadre de la procédure contradictoire ne lui étaient pas applicables.
4. Aux termes de l'article 293 B du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, (...) bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsqu'ils n'ont pas réalisé : (...) ; 2° Et un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, supérieur à : a) 32 600 € l'année civile précédente ; b) Ou 34 600 € l'année civile précédente, lorsque la pénultième année il n'a pas excédé le montant mentionné au a. " Aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (...) 4. (Professions libérales et activités diverses) : 1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées, par les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur et par les psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes titulaires d'un des diplômes requis, à la date de sa délivrance, pour être recruté comme psychologue dans la fonction publique hospitalière ainsi que les travaux d'analyse de biologie médicale et les fournitures de prothèses dentaires par les dentistes et les prothésistes ; (...) ".
5. Il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt du 10 juin 2010, Future Health Technologies, C-86/09, ainsi que son arrêt du 21 mars 2013, PFC Clinic, C-91/12, que la notion de " prestations de soins à la personne ", figurant à l'article 132, paragraphe 1, sous c), de cette directive, vise des prestations ayant pour but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou des anomalies de santé. Dès lors, les " prestations de soins à la personne ", au sens de cette disposition, doivent impérativement avoir une finalité thérapeutique, dès lors que c'est celle-ci qui détermine si une prestation médicale ou paramédicale doit être exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi, les prestations de nature médicale ou paramédicale effectuées dans le but de protéger, y compris de maintenir ou de rétablir la santé des personnes, peuvent bénéficier de l'exonération prévue à l'article 132, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE. L'exonération prévue à l'article 132, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE suppose donc que deux conditions soient satisfaites, la première, relative à la finalité de la prestation en cause et la seconde, tenant à ce que cette prestation intervienne dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné.
6. Mme D... fait valoir que les honoraires versés dans le compte " hono endermologie " ne concernent ni des soins de confort ni des programmes d'amincissement ou de remise en forme et que l'absence de présentation de fiches de soins ne peut lui être reprochée dès lors que le secret professionnel ne lui permet pas de communiquer sur la nature des accidents ou opérations que les patients ont subis.
7. Il résulte de l'instruction et notamment des termes de la proposition de rectification du 25 février 2015, que Mme D... a encaissé les sommes de 93 633 euros, 86 084 euros et 88 802 euros au titre respectivement des périodes correspondant aux années 2011, 2012 et 2013. L'analyse des fichiers des écritures comptables communiqués par Mme D... fait apparaître deux comptes distincts sur lesquels sont répartis les honoraires versés, intitulés " hono endermologie " et " hono urologie ". Selon les explications fournies par Mme D... lors du contrôle, le compte " hono urologie " comptabilisait les honoraires versés pour les soins ayant donné lieu à remboursement de la sécurité sociale et exonérés de taxe sur la valeur ajoutée conformément aux termes du 1° du 4. de l'article 261 du code général des impôts et le compte " hono endermologie " regroupait les soins mixtes, correspondant à des soins thérapeutiques sans prescription médicale, comme le traitement thérapeutique de séquelles de cicatrices ou d'œdèmes, et les soins de confort sans but thérapeutique comme des soins du corps, des soins du visage, de remise en forme ou de soins d'endermologie propres au traitement de la cellulite. Si le vérificateur n'a pas remis en cause l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée des honoraires versés sur le compte " hono urologie ", il a estimé, concernant le compte " hono endermologie ", que Mme D... ne justifiait pas de la nécessaire distinction entre les opérations exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée en raison de leur finalité thérapeutique et celles qui sont imposables et que, par suite, la totalité des honoraires versés sur le compte " hono endermologie " pour des montants de 54 623 euros, 44 079,98 euros et 35 311,97 euros, respectivement, au titre des périodes correspondant aux années 2011, 2012 et 2013 ne pouvait bénéficier d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée en application des articles 261-4-1, 286-I-3 et de l'article 37 de l'annexe IV du code général des impôts.
8. Mme D... produit un tableau mentionnant les trois premières lettres du nom du patient, les dates des séances et les honoraires perçus ainsi que des attestations de médecins, de masseurs-kinésithérapeutes et de quatre patients faisant état de séances pour le traitement de cicatrices. Toutefois, ce tableau insuffisamment précis, et ce alors que Mme D... pouvait communiquer des documents respectant le secret médical en occultant par exemple le nom de ses patients, ne permet pas de s'assurer de la nature des prestations réalisées et donc de déterminer si les prestations poursuivent une finalité thérapeutique. Par suite, en l'absence d'éléments suffisamment précis, l'administration a pu, à bon droit, taxer l'ensemble des sommes inscrites au compte " hono endermologie " à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en litige.
9. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 29 octobre 2014, l'administration a mis en demeure Mme D... de déposer des déclarations annuelles de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, puis, après avoir constaté que l'intéressée n'avait pas satisfait à ses obligations de dépôt au jour de la proposition de rectification, le 25 février 2015, l'a taxée d'office à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette période en application du 3. de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales.
10. Mme D... fait valoir qu'à la date de la mise en demeure, le 29 octobre 2014, l'administration ne disposait pas des éléments de comptabilité nécessaires pour estimer que des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée devaient être déposées alors qu'elle bénéficiait du régime de franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 et 8, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que son activité n'a pas dépassé le seuil de chiffre d'affaires relatif à des prestations de services prévu au b) du 2 du I de l'article 293 B du code général des impôts au titre des années 2011, 2012 et 2013, et qu'elle était par suite dispensée de souscrire des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en litige. Par ailleurs, l'administration n'est pas tenue d'adresser la mise en demeure prévue au premier alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales à un contribuable en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Si elle peut décider, sans y être tenue, d'adresser une mise en demeure en matière de taxe sur la valeur ajoutée, cet envoi ne constitue pas, dans cette hypothèse, une garantie pour le contribuable. Par suite, la circonstance qu'à la date de la mise en demeure l'administration ne disposait pas des fichiers des écritures comptables lui permettant de s'assurer que Mme D... ne pouvait pas bénéficier de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 293 B du code général des impôts et était dans l'obligation de déposer des déclarations annuelles de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, est sans incidence sur la régularité de la procédure de taxation d'office mise en œuvre.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des frais du litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.
La rapporteure,
R. Caraës
La présidente,
A. EvrardLa greffière,
M.-Th. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY02828