Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 13 janvier 2021 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2100894 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 mai 2021 et un mémoire enregistré le 20 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Albertin, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 avril 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 13 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :
- cette décision a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2021, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 29 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme du 13 janvier 2021 refusant de procéder au renouvellement du titre de séjour dont il bénéficiait jusqu'alors en qualité de parent d'un enfant de nationalité française, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, dispose, dans sa rédaction alors applicable, que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". Il résulte des articles 371-2, 375, 375-3, 375-7 et 375-8 du code civil que la circonstance qu'un enfant de nationalité française a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce que son père ou sa mère étrangers puisse obtenir un titre de séjour en tant que parent de cet enfant s'il contribue effectivement à son entretien et à son éducation conformément aux décisions de justice en définissant les modalités.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant tunisien né le 11 mai 1990, est le père d'un enfant de nationalité française, né le 3 août 2016, qui a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance depuis une ordonnance de placement du 21 avril 2017. Le droit de visite médiatisé dont il bénéficiait alors a été suspendu par une ordonnance du 18 juillet 2018. Par un jugement du 6 novembre 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valence a refusé de rétablir ce droit, en relevant que le comportement de M. B..., lors des visites médiatisées, ne préservait pas suffisamment l'intérêt de l'enfant et a confié l'exercice de l'autorité parentale exclusivement à la mère de celui-ci. Si, par un jugement du 15 novembre 2019, un droit de visite d'une journée, une semaine sur deux, a été restauré au profit de M. B..., ce droit a à nouveau été suspendu par une ordonnance du 22 décembre 2020, ainsi qu'il ressort du jugement du juge des enfants du tribunal judiciaire de Valence du 29 avril 2021, lequel n'envisage un rétablissement de ce droit de visite qu'à compter du mois de septembre 2021 et après évaluation de sa capacité à adopter une attitude adaptée. Eu égard à la durée des suspensions de tout droit de visite ainsi intervenues et nonobstant les quelques factures de matériel pour enfant qu'il produit pour cette même période, M. B... ne peut justifier avoir effectivement contribué à l'entretien et à l'éducation de son enfant pendant les deux années qui ont précédé l'adoption de la décision en litige. Par suite, M. B..., qui ne peut utilement se prévaloir des précédents titres qui lui ont été délivrés pour démontrer qu'il remplissait toujours les conditions requises pour en obtenir le renouvellement, n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui renouveler son titre de séjour, le préfet de la Drôme a méconnu les dispositions précitées.
4. En deuxième lieu, le préfet est tenu de saisir la commission du titre de
séjour, prévue par les articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par ces articles, et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les
étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui précède que M. B... ne
remplissait pas les conditions de fond pour prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de
séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et
du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
6. Si M. B... soutient vivre en France depuis 2011, il n'établit nullement la réalité de son séjour avant la naissance de son enfant en 2016. A la date de la décision litigieuse, il résidait ainsi depuis moins de cinq ans sur le territoire français, où il vivait séparé de la mère de son enfant et ne disposait alors d'aucun droit de visite à l'égard de ce dernier. Il ne se prévaut d'aucune autre attache privée et familiale en France et n'est, en revanche, pas dépourvu de telles attaches en Tunisie, où, d'après ses déclarations, il aurait vécu, à tout le moins, jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans et où demeurent les quatre membres de sa fratrie. Dans ces circonstances et nonobstant l'activité professionnelle intérimaire dont il se prévaut, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui renouveler son titre de séjour, le préfet de la Drôme a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées. Cette même décision ne peut, pour les mêmes motifs, être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, comme indiqué ci-dessus, la décision refusant de renouveler le titre de séjour de M. B... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus doit être écarté.
8. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus, M. B..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle procède d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
10. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 3 que M. B... ne justifie pas avoir contribué à l'éducation et à l'entretien de son enfant depuis au moins deux ans à la date de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 ne peut qu'être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
12. Comme indiqué au point 3 du présent arrêt, à la date de la décision litigieuse, M. B... ne disposait plus d'aucun droit de visite auprès de son enfant, ce droit ayant été suspendu dans l'intérêt de ce dernier d'abord du mois de juillet 2018 au mois de novembre 2019 puis, à nouveau, à compter du mois de décembre 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
13. Comme il a été indiqué ci-dessus, la décision refusant de renouveler le titre de séjour de M. B... et celle lui faisant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions doit, en tout état de cause, être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
15. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY01663