Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 30 décembre 2020 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2100781 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 juin 2021, Mme B... épouse A..., représentée par Me Miran, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 30 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur jugement ;
- ils l'ont entaché d'erreurs de droit et de fait ;
- l'arrêté litigieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît en outre les articles L. 211-2-1 et L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par une ordonnance du 20 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- et les observations de Mme B... épouse A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse A... relève appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 30 décembre 2020 rejetant sa demande de titre de séjour, présentée en qualité de conjointe d'un ressortissant français, et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont précisément indiqué les motifs pour lesquels ils ont estimé devoir écarter le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 211-2-1 et L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'ils aient été tenus ni de répondre au détail de l'argumentation de la demande dont ils étaient saisis, ni de faire état de chacune des pièces produites à son appui. Ils ont ainsi suffisamment motivé leur jugement.
3. En second lieu, les erreurs de droit et de fait dont les premiers juges auraient, selon la requérante, entaché le jugement attaqué, se rattachent au seul bien-fondé de ce jugement et demeurent sans incidence sur sa régularité.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
5. Mme B... épouse A..., ressortissante marocaine née le 5 avril 1980, est entrée, d'après ses déclarations, au cours de l'été 2016 sur le territoire français, où elle a rencontré, puis épousé le 12 octobre 2019, M. A..., de nationalité française. Toutefois, et à supposer même la continuité de son séjour établie, elle résidait ainsi depuis moins de cinq ans sur le territoire français à la date de l'arrêté en litige. Son mariage était récent, sans qu'elle ne démontre l'existence d'une relation antérieure avec son époux. A l'exception d'une sœur, elle ne se prévaut d'aucune autre attache privée et familiale en France, alors qu'elle n'en est pas dépourvue au Maroc, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans et où demeurent ses trois enfants, dont deux mineurs. Dans ces circonstances, et nonobstant l'activité professionnelle de quelques mois dont elle se prévaut, Mme B... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que, par l'arrêté en litige, le préfet de l'Isère a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ". L'article L. 313-11 du même code, applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain, disposait alors que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".
7. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B... épouse A... en qualité de conjointe d'un ressortissant français, le préfet de l'Isère a relevé qu'elle ne pouvait prétendre à la délivrance d'un visa de long séjour, sur le fondement de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut de justifier être entrée régulièrement sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse A... est entrée le 26 juin 2016 en Espagne, sous couvert d'un visa en cours de validité autorisant un séjour d'une durée de trente jours. Toutefois, par la seule prescription médicale en date du 11 juillet 2016 dont elle se prévaut, laquelle ne saurait suffire à démontrer sa présence effective en France à cette date, elle n'établit pas être entrée sur le territoire français pendant la durée de son visa. Par suite, et alors même qu'elle justifie désormais, par les documents concordants établis à leur adresse commune, la réalité de la communauté de vie qu'elle entretient avec son époux, il résulte de l'instruction que le préfet de l'Isère aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré du défaut de visa de long séjour et n'a dès lors pas méconnu les dispositions précitées en rejetant sa demande.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
9. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01996