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30/06/2022 | FRANCE | N°21LY04225

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 30 juin 2022, 21LY04225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 21 avril 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office, d'enjoindre sous astreinte au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois et de mettre à la charge de l'Etat

la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 21 avril 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office, d'enjoindre sous astreinte au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2103990 du 30 juillet 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Bouillet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 21 avril 2021 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il procède d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de sa fille mineure ;

- la mesure d'éloignement méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante du Vénézuela née le 11 avril 1989, a déclaré être entrée le 22 avril 2016 en France, où sa demande de protection internationale a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 mars 2017. Elle a demandé le 20 juillet 2017 son admission au séjour pour motif médical. Par des décisions du 21 avril 2021, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, sur le fondement du 3° et du 6° du I de l'article L. 511-1 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Mme B... relève appel du jugement du 30 juillet 2021 par lequel un magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., avant son entrée en France en 2016 avec son compagnon de même nationalité, a vécu vingt-sept années au Vénézuela, où résident encore ses parents, deux frères et une sœur et où elle a obtenu des diplômes universitaires. A la date du refus de séjour en litige, elle était cependant présente depuis cinq années en France, où elle a donné naissance à une fille née prématurément le 4 août 2017, incluse à ce titre dans le réseau de suivi des nouveau-nés vulnérables " Ecl'aur " afin de l'accompagner et de suivre son développement pendant ses sept premières années de vie, au moyen notamment de diverses consultations. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la grand-mère paternelle de l'enfant, mère du compagnon de Mme B..., réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident d'une durée de dix ans, avec son conjoint de nationalité française, et que l'enfant entretient des liens très réguliers avec sa grand-mère et son grand-père par alliance, de même que Mme B.... Cette dernière, au cours des quatre années d'instruction de sa demande de titre de séjour, a par ailleurs pu s'engager dans différentes activités et constituer un réseau amical solide, ainsi qu'en justifient les attestations particulièrement circonstanciées produites à l'instance. Elle était par ailleurs engagée depuis septembre 2019, à l'issue d'une formation débutée en mars 2019, à l'hôpital Nord-Ouest de Villefranche-sur-Saône en qualité d'accompagnante bénévole dans le cadre d'une étude médicale européenne dénommée Alaïs, menée en France notamment par les Hospices civils de Lyon, destinée à évaluer l' " impact d'un accompagnement de l'allaitement de nouveau-nés prématurés par des mamans expérimentées (accompagnantes) ", et à laquelle la requérante participait avec sérieux et engagement, ainsi qu'en justifient notamment l'attestation très circonstanciée du médecin coordonnateur de l'étude et celle de l'infirmière animatrice au sein de l'hôpital Nord-Ouest. Mme B... a en outre notamment acquis à cette occasion une bonne maîtrise de la langue française, de même que sa fille, scolarisée depuis l'âge de trois ans. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme B..., qui n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement, doit être regardée comme ayant déplacé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. La décision de refus de séjour en litige porte ainsi une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et doit dès lors être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le Vénézuela comme pays de destination.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

5. Le présent arrêt, eu égard au motif d'annulation retenu, implique nécessairement que le préfet du Rhône délivre à Mme B... une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103990 du tribunal administratif de Lyon du 30 juillet 2021 et les décisions du 21 avril 2021 du préfet du Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme A... B... une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bouillet, conseil de Mme B..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La rapporteure,

M. Le Frapper

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY04225

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY04225
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BOUILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-30;21ly04225 ?
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